Le plaidoyer de l’archevêque de Bukavu pour le retour de la paix en RD Congo
Christian Kombe, SJ – Cité du Vatican
«Heureux les artisans de paix, ils seront appelés fils de Dieu». C’est le titre du message de l’archevêque de Bukavu, en République Démocratique du Congo, adressé le 25 juin aux fidèles de Bukavu et aux personnes de bonne volonté. Monseigneur François-Xavier Maroy s’est exprimé au sujet du théâtre de violence dans l’Est du pays, où le groupe armé M23 s’est notamment emparé de la cité de Bunagana, forçant des milliers des personnes à se déplacer.
Sous les yeux de tout le monde
Le «vent de guerre et d’insécurité» qui souffle sur la partie Est du Congo n’est pas nouveau. C’est «toujours les mêmes acteurs, les mêmes motifs, avec les mêmes alliés qui exigent des solutions de négociation, de partage de pouvoir et peut-être la partition vitale de notre pays», a déclaré Monseigneur Maroy. Dans cette tragédie qui se répète indéfiniment, «le sang des innocents est versé à flot, le sang des personnes qui n’ont d’autre faute que celle d’habiter dans une terre convoitée», déplore l’évêque congolais. Ce drame se passe sous les yeux de tout le monde, «dans l’indifférence des puissants, en complicité avec certains d’entre eux, et parfois même avec certains de nos compatriotes», a relevé l’ordinaire de Bukavu.
Dans ces moments difficiles, l’Eglise se tient aux côtés du peuple qui souffre, a rassuré l’archevêque de Bukavu. «Notre Eglise catholique ressent au-dedans d’elle et partage ce cri du peuple congolais, se souvenant avec lui de ce qu’a signifié pendant des années une occupation sanglante comme celle qui nous menace à nouveau», a-t-il déclaré.
Ambigüité de la communauté internationale
Pour Monseigneur Maroy, «le peuple congolais est excédé par l’ambigüité de la communauté internationale à son égard». Malgré les crimes et graves violations des droits humains commis au Congo, dont bon nombre ont été documentés dans le «Rapport Mapping», «presque rien n’est fait pour les sanctions et pour la réparation nécessaire». Par contre, le pays est toujours sous un embargo qui l’empêche d’user de la force légitime pour garantir efficacement la paix et la sécurité de son territoire, déplore le prélat. Par ailleurs, l’archevêque de Bukavu a également critiqué la mission des Nations Unies au Congo (MONUSCO), – «la mission de maintien de paix la plus coûteuse de notre temps» –, mais dont le bilan vingt-cinq ans après est très discutable. «Que nous veut exactement la communauté internationale?», demande l’évêque congolais.
Complicités internes
Si la communauté internationale a une responsabilité dans l’état de mal et mort qui sévit au Congo, des fils du pays sont également responsables de cette situation critique, a insisté Monseigneur Maroy. Depuis 1996, la partie Est de la République démocratique du Congo est miné par le «pouvoir du sang» qui exploite et tue autant que les «minerais du sang». «En effet, depuis cette date, pour se hisser au pouvoir, des frères compatriotes n’hésitent pas à se constituer en chef de guerre, en marchant sur les cadavres de leurs frères et sÅ“urs, au besoin avec l’aide des puissances étrangères», a regretté le pasteur de Bukavu.
Face à ces défis aussi bien intérieurs qu’extérieurs, l’archevêque de Bukavu exhorte le peuple à dénoncer et à combattre le mal, non seulement en se libérant de toute complicité, mais aussi «en refusant de céder à la tentation d’actes barbares et anarchiques auxquels des réseaux sociaux malveillants cherchent à pousser les esprits faibles».
Eviter le piège de la haine
Monseigneur Maroy a convié le peuple de Dieu à ne pas tomber dans le piège de la haine ethnique, la xénophobie et la stigmatisation, rappelant une mise en garde de son prédécesseur, le serviteur de Dieu Monseigneur Christophe Munzihirwa. «C’est une folie que de s’attaquer à des personnes paisibles, tout simplement parce qu’elles sont de telle ou telle ethnie. Personne d’entre nous ne choisit ses parents, et donc son ethnie», écrivait l’ancien archevêque le 27 septembre 1996, un mois avant son assassinat.
Aux fidèles de son archidiocèse et aux personnes de bonne volonté, le prélat a réitéré l’invitation lancé par le Saint-Père dans son encyclique Fratelli tutti à construire une civilisation de l’amour: «la vraie qualité des différents pays du monde se mesure par cette capacité de penser non seulement comme pays, mais aussi comme famille humaine, et cela se prouve particulièrement dans les moments critiques (…) car la violence engendre la violence, la haine engendre plus de haine et la mort plus de mort».
Mettre fin au cycle de violence
Monseigneur François-Xavier Maroy appelle par ailleurs les responsables politiques à tout mettre en Å“uvre pour mettre fin à ce cycle de violence. S’il invite le gouvernement à réformer et renforcer l’armée et les forces de sécurité, il leur conseille également d’abandonner les vieilles recettes qui n’ont guère abouti à l’instauration d’une paix durable:«la pratique de gratification des chefs de guerre souvent promus en proportion du sang versé», «les accords occultes signés souvent avec des rebellions, des partis politiques ou des pays tiers» et mis en Å“uvre hors du contrôle du parlement.
Quitter l’ambigüité
Quant à la Communauté internationale, l’évêque congolais l’invite à «plus d’équité et de justice envers la République démocratique du Congo et son peuple», dont l’hospitalité est indéniable tout au long de l’histoire. Il revient au gouvernement congolais de revisiter ses relations avec une Communauté internationale qui a peu d’égards pour sa sécurité et son développement, a déclaré Monseigneur Maroy. «Que cesse toute ambigüité de la Communauté internationale vis-à-vis de la souveraineté de la République démocratique du Congo, qui n’est pas négociable», a-t-il martelé.
Les combats se poursuivent dans la province congolaise du Nord-Kivu entre l’armée régulière et le groupe armé du M23, qui occupent certaines localités, dont la cité de Bunagana, frontalière de l’Ouganda. Le gouvernement congolais a accusé celui du Rwanda de complicité avec le mouvement rebelle, que Kinshasa considère désormais comme groupe terroriste; des accusations démenties par Kigali.
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