La saintet¨¦ consiste en ?beaucoup d¡¯amour quotidien? rappelle Fran?ois
Adélaïde Patrignani ¨C Cité du Vatican
Une place Saint-Pierre fourmillant de groupes arrivés progressivement depuis le lever du jour. Des banderoles agitées dans un air presqu¡¯aussi chaud qu¡¯un mois d¡¯été. Des centaines de prêtres, et des autorités politiques venues de divers pays. Il y a longtemps que l¡¯on avait pas connu cette atmosphère d¡¯effervescence aux abords de la basilique pétrinienne: la dernière messe de canonisation avait été célébrée en octobre 2019, quelques mois avant que la pandémie de covid-19 ne vienne imposer ses mesures de restriction.
Des dizaines de milliers pèlerins ont assisté ce matin à la cérémonie, qui s¡¯est déroulée sous un franc soleil.
Le rite de canonisation des dix bienheureux ¨C cinq religieux et religieuses italiens, un laïc indien, un carme néerlandais, Titus Brandsma, et trois français, Charles de Foucauld, César de Bus et Marie Rivier ¨C s¡¯est déroulé, comme le veut la liturgie, au début de la messe: chant du Veni Creator, Petitio (demande formelle de canonisation adressée par le préfet de la Congrégation pour la cause des saints, le cardinal Marcello Semeraro, au Pape François), litanie des saints, formule de canonisation prononcée par le Saint-Père, suivie du chant de l¡¯Alléluia et du Gloria.
Notre identité: «aimés de Dieu»
Une fois les dix saints inscrits officiellement au «registre des saints», la messe s¡¯est poursuivie avec la liturgie de la Parole, en suivant les lectures de ce 5e dimanche de Pâques. Dans l¡¯Évangile, issu de saint Jean (13, 31-33a., 34-35), Jésus prononce son «commandement de l¡¯amour»: «Comme je vous ai aimés, vous aussi aimez-vous les uns les autres». Un verset commenté par le Saint-Père dans son homélie.
Tout d¡¯abord, a expliqué François, le Seigneur nous a aimés «jusqu¡¯au bout, jusqu¡¯au don total de lui-même», et cela même à l¡¯heure où Judas l¡¯a trahis. Et «dans l'obscurité et les tempêtes de la vie, c'est cela l'essentiel : Dieu nous aime». C'est là «notre identité» et «notre force: aimés de Dieu», a ajouté le Souverain Pontife.
Qu¡¯est-ce que la sainteté?
Cette certitude de «l'amour inconditionnel et gratuit de Dieu, que nous n'avons pas mérité» est centrale, a souligné le Pape. «Au début de notre être chrétien, il n'y a pas de doctrines ni d'?uvres, mais l'émerveillement de nous découvrir aimés, avant toute réponse de notre part». Un amour gratuit qui est aussi l¡¯essentiel de la sainteté, contrairement à l¡¯idée que l¡¯on peut s¡¯en faire.
Et François de décrire une sainteté conçue comme un idéal fait «d¡¯héroïsme personnel», un «objectif inaccessible» coupé «de la vie quotidienne». Non, devenir saint, «c'est avant tout se laisser transfigurer par la puissance de l'amour de Dieu. N'oublions pas la primauté de Dieu sur le moi (...), de l'Esprit sur la chair, de la grâce sur les ?uvres», a déclaré le Souverain Pontife, regrettant que l'on donne souvent «plus d'importance au moi» et à la chair.
Une force qui transfigure
Cet amour reçu de Dieu «est la force qui transforme notre vie : il dilate notre c?ur et nous prédispose à aimer», a poursuivi le Pape, commentant la deuxième partie du verset johannique.
Il ne s¡¯agit pas seulement d¡¯imiter l¡¯amour de Jésus, mais d¡¯aimer en raison de cet amour «qui nous guérit et nous transforme», qui rend capable d¡¯«accomplir des gestes d'amour dans chaque situation». L'équation est simple: «Tout comme je suis aimé, je peux aimer».
Vivre cet amour signifie «servir et donner sa vie».
Donner sa vie ne désigne pas une réalité matérielle mais «se donner soi-même», «toucher et regarder la chair du Christ qui souffre dans nos frères et s?urs», a décrit l¡¯évêque de Rome, avant de résumer: «La sainteté n'est pas faite de quelques gestes héroïques, mais de beaucoup d'amour quotidien». Selon son propre état de vie, il faut «toujours regarder Jésus dans les autres», a-t-il encore indiqué.
La voie est ouverte
Titus Brandsma, Devasahayam Lazare Pillai, César de Bus, Luigi Maria Palazzolo, Giustino Maria Russolillo, Charles de Foucauld, Marie Rivier, Maria Francesca di Gesù Rubatto, Maria di Gesù Santocanale, et Maria Domenica Mantovani: dix nouveaux saints qui nous invitent à aimer nous aussi jusqu¡¯au bout, avec Jésus, dans le service et le don de soi. «Servir l'Évangile et les frères, offrir sa vie sans retour (...), sans chercher la gloire mondaine : nous sommes, nous aussi, appelés à cela», a souligné le Pape. Ce sont «nos compagnons de route», qui ont répondu à leur vocation personnelle «avec enthousiasme», jusqu¡¯à devenir «des reflets lumineux du Seigneur dans l'histoire».
Or la route de la sainteté «n'est pas fermée» mais «universelle» et «commence avec le baptême», a assuré François. C'est une voie pour chaque baptisé: «chacun de nous est appelé à la sainteté, à une sainteté unique et non reproductible», a insisté le Saint-Père. Et de conclure par cette exhortation: «Oui, le Seigneur a un plan d'amour pour chacun de nous, il a un rêve pour ta vie, pour ma vie, pour la vie de chacun de nous. (...) Fais-le avancer avec joie».
Regina C?li: que les nouveaux saints suscitent la paix
Au terme de cette messe, le chant du Regina C?li a été entonné. Le Souverain Pontife a prononcé auparavant quelques mots de remerciements. Il a aussi souligné combien «il est bon de voir que, par leur témoignage évangélique, ces saints ont favorisé la croissance spirituelle et sociale de leurs nations respectives et aussi de toute la famille humaine». Un témoignage d'actualité, «alors que, malheureusement, dans le monde, les distances s'accroissent et que les tensions et les guerres augmentent», a fait remarquer François, souhaitant ces nouveaux saints puissent «inspirer des solutions de rassemblement, des voies de dialogue, en particulier dans le c?ur et l'esprit de ceux qui occupent des postes de grande responsabilité et sont appelés à être des protagonistes de la paix et non de la guerre».
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