Les écoles catholiques francophones du Moyen-Orient réunies au Caire
Marine Henriot – Envoyée spéciale au Caire, Égypte
Pendant deux jours, le collège de La Salle, en plein cÅ“ur de la tentaculaire capitale égyptienne, se transforme en fourmilière. Enseignants, directeurs d’établissement, religieux et congrégations du Proche-Orient se retrouvent pour le Ve colloque de L’Œuvre d’Orient sur le thème, «Familles et écoles catholiques du Moyen-Orient face aux crises sociales et humanitaires». Près de 350 écoles sont représentées, l’occasion pour les acteurs de ces établissements, parfois isolés dans leurs écoles de se rencontrer, d’échanger sur leurs méthodes de travail et leurs difficultés.
En Syrie, en Jordanie, en Terre Sainte, au Liban et en Irak, le réseau d’écoles catholiques francophones a le rôle singulier d’offrir les richesses de la culture locale mais également de promouvoir la francophonie et ses valeurs intrinsèques. «La solidarité et le respect de l’autre», précise sÅ“ur Marcelle Karam, responsable depuis 1995 du bureau pédagogique des Filles de la charité au Liban. Des établissements gardiens du vivre-ensemble libanais, qui accueillent des élèves de toutes confessions. «Nous les aidons à vivre d’une façon pacifique, à accepter l’autre qui est différent», commente sÅ“ur Marcelle Karam.
Foyer de diffusion de la langue française
Fort de 400 000 élèves, les écoles catholiques francophones sont le plus grand réseau francophone du monde en termes d’élèves. Si ces écoles ne sont «pas des bulles» et n’échappent pas aux crises protéiformes en cours au Proche-Orient - a rappelé le directeur de L’Œuvre d’Orient, Mgr Pascal Gollnisch - elles restent des sanctuaires permettant de lutter «contre une certaine standardisation du langage», et portent également en leur sein les combats actuels comme la lutte contre le réchauffement climatique. «Nous avons la discipline», note la sÅ“ur libanaise, «mais aussi la liberté de parole».
Cependant, ces pôles de partage des valeurs chrétiennes humanistes «traversent un moment de crise», déplore le père Youssef Nasr, secrétaire général des écoles catholiques au Liban et dans la région du Proche-Orient et de l’Afrique du Nord. Leur futur pourrait être entravé par les difficultés financières, notamment à cause de la chute des monnaies locales.
Au pays du Cèdre, les Filles de la charité gèrent vingt établissements scolaires dont dix subventionnés par l’État qui n’ont pas reçu de subventions depuis cinq ans. Elles se maintiennent en vie grâce aux dons des associations, mais la congrégation doit demander aux parents qui peuvent se le permettre des frais de scolarité. À chaque fin de mois, la congrégation essaie de compléter le salaire des enseignants avec des dollars américains, pour leur permettre de vivre décemment.
L’éducation des femmes
Depuis les années 1970, les écoles catholiques francophones ont développé un enseignement basé sur l’égalité des sexes. Une philosophie pionnière au Proche-Orient qui incite de nombreux parents musulmans à faire le choix de ces écoles pour leurs filles. «Les mamans des filles musulmanes aiment bien que leurs enfants soient chez nous parce qu'elles ont la liberté de la parole», note, enthousiaste, sÅ“ur Marcelle Karam.
Le père Youssef Nasr met également un point d’honneur à assurer l’égalité des sexes dans ses établissements: «c’est une question de dignité», explique-t-il, à laquelle il faut être «attentif» dans les sociétés orientales. «Tout le monde est convaincu du rôle unique de la femme dans la société».
Un canal pour aider les jeunes à rester
Pour le père Nasr, un des défis essentiels de ces écoles est de donner la capacité et l’envie aux jeunes de toutes confessions de pouvoir rester sur leurs terres. Pour cela, il rappelle que les écoles catholiques francophones doivent travailler en étroite collaboration avec l’État et les familles. «Les élèves demandent deux choses: pouvoir poursuivre leurs études académique et universitaire et trouver facilement un travail, ne pas tomber tout de suite dans le chômage». Le réseau des écoles catholiques francophones est selon lui conscient de son rôle pour redonner la fierté et de l’espérance aux jeunes du Proche-Orient.
«Les écoles doivent être capables de répondre aux besoins de ces jeunes pour qu’ils restent chez eux. Si nos pays se vident des jeunes, quel serait le futur de ces pays?», ajoute le secrétaire général des écoles catholiques du Liban. Actuellement, près de la moitié des élèves en classe de terminale aspirent à terminer leurs études à l’étranger.
Le Proche-Orient n’a «pas vocation à être en crise perpétuellement», tient à rappeler Mgr Gollnisch, et les chrétiens seront des acteurs de ce futur plus paisible.
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