40 ans après la mort du père Popiełuszko: l'engagement de saint Jean-Paul II
Krzysztof Bronk - Cité du Vatican
Jean-Paul II et le père Jerzy PopieÅ‚uszko ne se sont probablement jamais rencontrés. Lorsque le Pape s'est rendu en Pologne en 1983, le régime avait refusé à l'aumônier de Solidarność le laissez-passer nécessaire. Le père Jerzy, comme tous les prêtres de sa génération, a été fortement influencé par le Pape polonais, comme le laissent percevoir ses homélies. Jean-Paul II connaissait le ministère de l'aumônier des travailleurs de Varsovie: il lui a envoyé ses salutations, et même un chapelet. C'était avant le 3 novembre 1984, lorsque les mains du prêtre défunt étaient enlacées dans le cercueil.
Le sacrifice qui mène à la résurrection
Depuis le Vatican, Jean-Paul II suit activement le drame de l'enlèvement du père Jerzy. Lors de l'audience générale et de l'Angélus, le Saint-Père demande que l'on prie pour lui et fait appel à la conscience des ravisseurs. Lorsqu'il apprend que le corps du père Jerzy a été retrouvé, le Pape comprend très vite que ce martyre aura une signification décisive pour la lutte de la Pologne pour son indépendance. Le lendemain, 31 octobre 1984, lors de l'audience générale, il déclare: «Le chrétien est appelé à la victoire en Jésus-Christ. Cette victoire est inséparable des difficultés, des souffrances, comme la résurrection du Christ est inséparable de la Croix. Et aujourd'hui déjà, il a gagné, même s'il est couché sur le sol». Lors d'une autre audience du mercredi, il ajoute: «Cette mort est aussi un témoignage. Je prie pour le père Jerzy PopieÅ‚uszko, je prie encore plus pour le bien qui sortira de cette mort, tout comme la Résurrection de la Croix».
Un témoignage au temps de la liberté
Cinq ans plus tard, la Pologne est le premier pays du bloc communiste à retrouver sa liberté. Dans ces nouvelles conditions, Jean-Paul II rappelle à nouveau à ses compatriotes l'attitude du père Jerzy. «Racontez le témoignage de ce prêtre, qui est toujours actuel, qui a été important hier, mais l’est encore aujourd'hui. Peut-être encore plus aujourd'hui», a déclaré le Pape lors de l'audience générale du 31 octobre 1990. Depuis lors, il fait plusieurs fois référence au témoignage du père Jerzy pour montrer aux Polonais comment ils doivent se situer par rapport à l'Europe et aux changements qui s'y produisent. Le 14 février 1991, lors d'une audience accordée à Lech WaÅ‚Ä™sa, Jean-Paul II souligne que «La Pologne n'a jamais trahi l'Europe! Elle s'est sentie responsable de la communauté européenne des nations. Elle a attendu son aide, mais elle a su aussi mourir pour elle». Dans ce contexte, le Pape rappelle la paix injuste établie par la conférence de Yalta et insiste sur le fait que la nation ne s'est jamais résignée et n'a pas cédé à l'idéologie imposée et au totalitarisme. «Elle a défendu sa dignité et ses droits avec beaucoup de difficultés et au prix de grands sacrifices», déclare le Pape polonais, soulignant que le symbole en était, entre autres, le père Jerzy.
Patron de la présence polonaise en Europe
Jean-Paul II a de nouveau évoqué l'aumônier de Solidarność quelques mois plus tard, lors de son voyage dans son pays d'origine. À l'époque, il s'était engagé dans une polémique ouverte avec ceux qui postulaient le retour de la Pologne en Europe, soulignant que les Polonais ne devaient pas retourner en Europe parce qu'ils s'y trouvaient déjà. «Nous n'avons pas besoin d'y entrer parce que nous l'avons créée et nous l'avons créée avec plus de difficultés que ceux à qui on l'attribue ou qui revendiquent un brevet d'européanité, d'exclusivité. (...) En tant qu'évêque de Rome, je souhaite protester contre une telle qualification de l'Europe, de l'Europe occidentale. Cela offense le grand monde de culture, de culture chrétienne, dans laquelle nous avons puisé et que nous avons concrétisé aussi au prix de nos souffrances. (...) La culture européenne a été créée par les martyrs des trois premiers siècles, elle a également été créée par les martyrs de l'Est de l’Europe au cours des dernières décennies -notamment dans notre pays. Oui, le père Jerzy l'a créée. Il est le patron de notre présence en Europe au prix du sacrifice de la vie, comme le Christ. Tout comme le Christ a un droit de citoyenneté dans le monde, il a un droit de citoyenneté en Europe, parce qu'il a donné sa vie pour nous tous» (homélie à WÅ‚ocÅ‚awek, 7.06.1991).
Pour que la moisissure ne se développe pas sur la conscience
Pourquoi Jean-Paul II a-t-il accordé tant d'importance au témoignage du père Jerzy dans les temps nouveaux, après l'effondrement du totalitarisme marxiste? D'une certaine manière, le Pape lui-même a donné une réponse en citant plusieurs déclarations du prêtre martyr lors de l'audience générale du 31 octobre 1990: «Pour rester un homme spirituellement libre, il faut vivre dans la vérité. Vivre dans la vérité, c'est en témoigner extérieurement, se reconnaître en elle et s'en souvenir en toute situation. La vérité est immuable. La vérité ne peut être détruite par une décision ou une autre, par une norme ou une autre» (31.10.1982) ou encore «Mettons d'abord la vie dans la Vérité si nous ne voulons pas que notre conscience moisisse» (27.02.1983).
L'intérêt particulier des médias du Vatican
Il convient de noter l'intérêt des médias du Vatican à l'époque pour l'enlèvement et la mort du père PopieÅ‚uszko. À partir du 22 octobre 1984, L'Osservatore Romano rapporte quotidiennement en première page l'évolution de la situation. «Toute la Pologne inquiète pour le père Jerzy PopieÅ‚uszko»; «Heures d'angoisse en Pologne pour le prêtre»; «Angoisse pour le père Jerzy PopieÅ‚uszko: paix pour la Pologne» - tels étaient les titres des premiers jours après l'enlèvement. Le 25 octobre, le journal du Vatican annonce, toujours en première page, l'arrestation des ravisseurs et, le lendemain, cite les propos du général Jaruzelski, alors président du Conseil des ministres qui condamne l'enlèvement. Dans les éditions suivantes, L'Osservatore Romano cite un nouvel appel du Pape et les réactions du monde entier, y compris les paroles fortes du cardinal Jean-Marie Lustiger, archevêque de Paris: «Nous vivons à une époque d'assassins».
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