Les premiers si¨¨cles de l¡¯?glise au centre d¡¯un colloque historique au Vatican
Cyprien Viet ¨C Cité du Vatican
Le père Bernard Ardura, religieux prémontré de nationalité française, qui préside le Comité pontifical des Sciences historiques depuis 2009, a présenté ce mardi en Salle de Presse du Saint-Siège le programme de ce colloque «qui arrive après un an de maturation involontaire», puisqu¡¯il était initialement prévu en octobre 2020, mais avait été reporté en raison de la pandémie.
Il s¡¯agira d¡¯une «plongée dans l¡¯Histoire et dans les sciences auxiliaires de l¡¯Histoire», avec la participation de personnalités très variées, comme le bibliste protestant suisse Daniel Marguerat (Université de Lausanne) qui interviendra sur le thème "Les Actes des Apôtres, première historiographie chrétienne", l¡¯anthropologue et spécialiste de médecine légale Philippe Charlier, qui livrera une réflexion originale sur "Le visage de Marie-Madeleine dévoilé", ou encore le linguiste Shueh-Ying Liao (Université Bordeaux-Montaigne), originaire de Taïwan, qui interviendra sur un sujet encore méconnu en Occident: "La frise de Kong Wang Shan et le dossier du premier christianisme chinois".
L¡¯originalité de ce colloque est d¡¯élargir le périmètre de la recherche historique bien au-delà du bassin méditerranéen. Des traces du christianisme antique ont été identifiées en effet jusqu¡¯en Inde et en Chine, terres qui, selon la tradition, ont été évangélisées sous l¡¯impulsion de l¡¯apôtre Thomas, donc dès le Ier siècle de notre ère. L¡¯archéologie contemporaine a permis de mieux retracer cette étonnante expansion du christianisme, souvent liée à des échanges commerciaux impliquant des matières n¡¯existant pas en Europe, par exemple la soie et l¡¯ivoire. Des chercheurs venus de différents horizons pourront donc partager des connaissances qui n¡¯étaient pas encore intégrées dans l¡¯historiographie du christianisme selon les modèles étudiés il y a 30 ou 40 ans.
L¡¯expansion du christianisme, un «miracle» du point de vue de l¡¯Histoire
Lui aussi présent en Salle de Presse du Saint-Siège, l¡¯historien italien Gaetano Lettieri, professeur à La Sapienza à Rome, a expliqué que ce colloque a pour mission d¡¯approndir les connaissances sur cette «structure miraculeuse, idéale (même d¡¯un point de vue laïque) qu¡¯est l¡¯Église depuis 2000 ans».
Dans la façon dont il s¡¯est diffusé, structuré et institutionnalisé, le christianisme a en effet su prendre la forme d¡¯un mouvement de coordination et de synthèse, avec en même temps une «acceptation du défi de l¡¯altérité des cultures». Le défi de l¡¯inculturation, très présent dans les réflexions actuelles, fut donc au centre du développement du christianisme dès son origine.
Par ailleurs, les recherches historiques montrent que la dynamique unitaire a été bien antérieure à la conversion de Constantin, au début du IVe siècle. S¡¯il est évidemment anachronique d¡¯évoquer, concernant les premiers siècles du christianisme, l¡¯image d¡¯une Église catholique romaine centralisée et structurée sous sa forme actuelle, il n¡¯en demeure pas moins vrai que les ressources littéraires et archéologiques abondent sur un «mouvement précoce de coordination et de synthèse» de la religion chrétienne.
Le corpus biblique lui-même en témoigne. «Les Actes des Apôtres sont déjà un outil historiographique qui traduit un mouvement unitaire de synthèse et de médiation» qui peut être qualifié de «proto-catholicisme», a expliqué l¡¯historien italien. «Le mouvement chrétien s¡¯est structuré avec une multiplicité de formes, de directions, avec des contrastes internes, des hérésies, mais aussi l¡¯affirmation tendancielle d¡¯un mouvement unitaire qui assume, d¡¯un point de vue doctrinal et institutionnel, une continuité avec les débuts du christianisme», a précisé Gaetano Lettieri.
Un processus d¡¯institutionnalisation progressive
Saint Irénée de Lyon, lui-même originaire de la Turquie actuelle, que le Pape François voudrait élever au rang de Docteur de l¡¯Église, a joué un rôle fondamental dans ce mouvement d¡¯unification en définissant les quatre Évangiles actuels comme la base du canon chrétien, et en revendiquant le rôle-clé de Rome pour l¡¯unification de l¡¯Église, dès la fin du IIe siècle. Plus d¡¯un siècle plus tard, la conversion de Constantin au christianisme n¡¯a donc pas marqué le début d¡¯un processus d¡¯institutionnalisation, mais est plutôt à interpréter, du point de vue de l'empereur, comme «un pari sur la force de ce mouvement d¡¯unité institutionnelle», qui se cristallisait depuis plusieurs décennies.
Le père Ardura a conclu la présentation du colloque en reconnaissant que la tradition chrétienne inclut des «légendes», mais que ce genre littéraire n¡¯est pas dénué de sens et, parfois, de vérité historique. «C¡¯est une façon de raconter une réalité», a-t-il précisé. Par exemple, la vénération des reliques de sainte Marthe et de sainte Marie-Madeleine en Provence, même s¡¯il est permis de douter de l¡¯authenticité des reliques en tant que telles, traduit les traditions d¡¯une première évangélisation, qui date des premiers temps du christianisme. Ce sera le sujet des interventions de vendredi après-midi.
Les débats de ce colloque devraient donc permettre de mieux situer les dynamiques de diffusion du christianisme à la lumière des connaissances actuelles, en confrontant les visions de chercheurs venus de plusieurs disciplines : l¡¯Histoire bien sûr, mais aussi l¡¯archéologie, l¡¯exégèse biblique ou encore l¡¯anthropologie.
Le programme détaillé de ce colloque est à retrouver sur le .
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