UE - ł§˛ąľ±˛ÔłŮ-ł§ľ±Ă¨˛µ±đ : 50 ans de relations et d’éveil des consciences
Le 10 novembre 1970, le nonce apostolique et chef de la mission du Saint-Siège à Bruxelles, Mgr Igino Eugenio Cardinale, présentait ses lettres de créance au président des Communautés européennes, Franco Maria Malfatti : ainsi se nouent les relations entre le Siège apostolique et l’Union européenne, dont on célèbre les 50 ans cette année.
Sébastien Maillard est directeur de l’Institut Jacques-Delors et ancien correspondant du journal La Croix à Rome. Il analyse leur évolution avec nous :
Quelle est la nature des liens qui unissent Saint-Siège et Union européenne ? Qu’est-ce qui les caractérise ?
Ce sont d’abord des liens de dialogue. L’Union européenne, représentée par un ambassadeur, est en contact régulier avec les différents dicastères, les autres ambassadeurs près le Saint-Siège et toutes les autorités de la diplomatie vaticane.
Lorsque l’UE entreprend le «pacte vert» pour la transition climatique, elle le fait par exemple en tenant compte des positions exprimées par le Saint-Siège. Donc, il s’agit vraiment d’un dialogue et au-delà, je dirais qu’il s’agit, de la part du Saint-Siège, d’une bienveillance critique envers la construction européenne. Dès ses débuts et dès la Déclaration Schuman ou les différents traités qui font ce qu’est l’Europe aujourd’hui, l’on a toujours noté de la part des différents Papes, de Pie XII à François, un vrai intérêt pour la construction européenne, comme nulle autre Église dans le monde.
L’influence du Saint-Siège au sein des institutions européennes est-elle mesurable ?
Non, on ne peut pas la mesurer directement, c’est beaucoup plus diffus que cela. Par exemple, vous savez que la construction européenne, dans beaucoup de domaines, s’est fondée sur la solidarité, notamment entre les grands pays vis-à-vis des petits pour que ceux-ci ne soient pas écrasés, et pour qu’il y ait un mécanisme de répartition. On l’a vu durant cette crise du Covid-19 et pour le plan de relance (…). Et bien on peut dire que tout cela, cette solidarité à l’œuvre, est un héritage direct de la culture chrétienne qui prévaut au sein des pays européens. Donc c’est au travers de politiques, et de ce dont elles sont porteuses, que cette influence peut se voir.
Là où cela fait vraiment défaut, c’est sur la politique migratoire. Jusqu’à maintenant les États membres n’ont pas réussi à s’entendre sur un pacte, (…) et l’on ne peut pas dire que sur ce point, la voix du Pape François a été entendue.
Le sujet des «racines chrétiennes de l’Europe» a parfois été un point de contentieux et de crispations entre le Saint-Siège et l’Union européenne. Est-ce toujours le cas ?
On sait que l’expression «racines chrétiennes» n’a pas été retenue dans le préambule du Traité européen, à la demande de la France, qui, seule, a été vent debout contre cette mention. Toutefois, même si elles ne sont pas mentionnées explicitement, ces racines crèvent les yeux ! Elles imprègnent tout notre patrimoine ainsi que toutes les approches de solidarité que je décrivais.
Aujourd’hui, ce n’est pas à l’ordre du jour. D’ailleurs cette expression n’a pas souvent été reprise par le Pape François. Au fond, le plus important c’est de pouvoir vivre comme chrétien au sein de l’UE, en paix, avec une vraie liberté religieuse ; l’important est aussi que les chrétiens puissent prendre part à la construction européenne, qu’ils s’y investissent. C’est ainsi que leur voix pourra être entendue.
Selon moi, si le Pape François s’apprête à déclarer vénérable Robert Schuman, c’est avant tout pour manifester la place que peuvent avoir les chrétiens en politique et les inciter à prendre cet engagement.
Les Papes ont souvent pris la parole pour rappeler l’UE à son essence, à ses devoirs, à sa mission. Peut-on dire que les Papes et le Saint-Siège sont en quelque sorte la conscience de l’Europe ?
Oui, on peut le dire. Rappelons-nous lorsque le Pape François, lauréat du Prix Charlemagne en 2016, avait reçu l’ensemble des dirigeants européens à Rome ; également lorsqu’il a fait ce discours au Parlement de Strasbourg, en écho à ce qu’avait déjà entrepris Jean-Paul II (…) qui en 1982, depuis Compostelle, il avait lancé «Europe, sois toi-même !»
Donc oui, au-delà du Saint-Siège, je dirais que toute l’Église catholique sert de conscience, de rappel aux Européens de ce qu’ils sont, de leur «baptême». Et c’est un rôle irremplaçable. Il ne s’agit pas de faire du lobbying pour obtenir tel ou tel amendement dans une directive, mais d’être avant tout éveilleur de conscience, pour que les Européens se sentent partie prenante d’une même aventure. Quand on est chrétiens, certes, on est patriote, on a sa nationalité mais on sait aussi qu’on appartient à une plus grande famille, et l’Église peut aider les Européens à se sentir membre d’une même famille.
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