Le nonce apostolique en France livre une méditation sur le martyre chrétien
L’Ile Madame, dans le département de la Charente Maritime, est l’objet d’un pèlerinage annuel sur le lieu de sépulture de 254 prêtres réfractaires, qui furent persécutés par les autorités révolutionnaires en 1794 pour avoir refusé l’assermentation à la Constitution civile du clergé. Au total, 547 prêtres moururent alors en détention, sur 829 au total arrêtés et emprisonnés dans des conditions épouvantables sur les pontons de Rochefort, et 64 d’entre eux ont été béatifiés par saint Jean-Paul II en 1995.
Cet épisode tragique de l’Histoire de France a donné au nouveau nonce apostolique, invité à participer aux célébrations par l’évêque de La Rochelle et Saintes, Mgr Georges Colomb, l'occasion d’effectuer une ample intervention sur le thème du martyre des chrétiens dans l’histoire et dans l’actualité.
Le lien entre persécution religieuse et martyre
«Nous vivons une époque inquiétante où différentes communautés chrétiennes dans le monde subissent une persécution systématique de la part de leurs gouvernements ou d’organisations religieuses extrémistes. Persécution religieuse et martyre ne sont pas la même chose, mais c’est certainement dans le contexte de la persécution religieuse que mûrissent et se produisent les cas de martyre», a expliqué Mgr Celestino Migliore.
Alors que certains responsables internationaux avaient tendance à minimiser ce phénomène, le Jubilé de l’an 2000, à la demande de saint Jean-Paul II, a été l’occasion de mettre en lumière un travail de recensement de 12 000 épisodes de martyre au cours du XXe siècle. Le changement de siècle et de millénaire n'a pas signifié la fin des persécutions. «Dans les vingt dernières années le martyre des chrétiens s’est malheureusement intensifié, a remarqué le nonce. L’attention et la préoccupation de l’Église pour l’effusion actuelle de sang chrétien s’est accrue. Les conférences sur la liberté religieuse internationale se sont multipliées, ainsi que les appels et les démarches auprès des gouvernements et des organisations internationales», a expliqué Mgr Migliore.
«Mais les martyrs d’aujourd’hui stimulent le travail de l’Église sur différents fronts, par exemple, en promouvant la liberté religieuse, l’unité entre les Églises chrétiennes, l’amitié entre les religions du monde et le pouvoir transformant du pardon en politique», a précisé le nonce apostolique, en précisant que «les martyrs d’aujourd’hui construisent aussi l’Église. Comme le Père Jacques Hamel qui, il y a quatre ans, est entré dans la cohorte des martyrs modernes.»
Donner sa vie pour promouvoir la justice et la réconciliation
S’appuyant aussi sur les exemples de saint Maximilien Kolbe, de don Pino Puglisi, de Mgr Romero ou encore du théologien protestant Dietrich Bonhoeffer, Mgr Migliore a mis en valeur la fécondité de leurs témoignages pour la promotion de la justice et de la réconciliation dans l’Église. «Les martyrs témoignent de cette justice qui est justement violée dans leur propre homicide, c’est-à-dire la justice, le droit de la liberté religieuse. Aujourd’hui, une grande partie de la population mondiale, comprenant des personnes de toutes les religions, vit dans des pays avec des restrictions élevées à la liberté religieuse. Les martyrs offrent un témoignage contre la négation de la liberté religieuse», a-t-il expliqué en prenant l’exemple du ministre pakistanais Shahbaz Bhatti, assassiné par des islamistes en 2011.
«Comme le répète souvent le Pape François, aujourd’hui les chrétiens ne sont pas persécutés parce qu’ils appartiennent à une communauté chrétienne particulière, parce qu’ils sont catholiques ou orthodoxes, luthériens ou anglicans, mais parce qu’ils sont chrétiens. Le martyre est Å“cuménique et on doit parler d’un vrai Å“cuménisme des martyrs. Historiquement, le martyre commun souffert par les catholiques, protestants et orthodoxes sous les nazis et les soviétiques a favorisé le rapprochement entre les Églises et les communautés chrétiennes», a expliqué le nonce en rappelant que bien avant le pontificat de François, Paul VI et Jean-Paul II avaient développé cette vision dans la filiation du Concile Vatican II, mettant fin à la «vision confessionnelle étroite» qui dominait les esprits quand les chrétiens se tuaient mutuellement, notamment dans le contexte des guerres de religion des XVe et XVIe siècles.
Et au-delà de cette dimension Å“cuménique, le martyre peut aussi avoir une dimension interreligieuse, comme dans le cas des moines de Tibhirine et des autres religieux martyrs en Algérie dans les années 1990, qui ont donné leur vie au milieu des milliers de musulmans victimes de la guerre civile.
«Toutefois, comment répondre aujourd’hui au martyre est une question à laquelle sont confrontés l’Église, les communautés religieuses, les gouvernements et toute la société. Ils doivent trouver des solutions efficaces pour mettre un frein à la culture de l’épée par la culture du dialogue et de la coexistence pacifique», a conclu le nonce apostolique.
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