Veillée pour les États-Unis: du racisme à une société pacifiée
Alessandro Di Bussolo – Cité du Vatican
«Demandons au Seigneur d’embrasser de son regard toutes les victimes innocentes qui sont mortes à cause de l'injustice et de la discrimination raciale ; que leur sang versé aide notre nation bien-aimée à construire une société vraiment pacifique et fraternelle». C’est avec cette invocation pour une «coexistence pacifique» aux États-Unis que le cardinal Kevin Joseph Farrell, ancien auxiliaire de Washington et évêque de Dallas avant de rejoindre la Curie en 2016, a conclu sa médiation lors de la veillée de prière organisée ce vendredi soir dans la basilique de Santa Maria in Trastevere à Rome, alors que les Etats Unis sont traversés par un mouvement de contestation à la suite du décès de George Floyd, un Afro-Américain étouffé par le genou d’un policier blanc lors de son interpellation à Minneapolis.
Prière pour un «homme juste»
Devant un parterre de fidèles masqués, le cardinal Farrell a introduit la veillée en rappelant que tous étaient réunis dans l’antique basilique romaine afin de «prier pour ce juste qui est mort aux États-Unis, pour sa famille mais aussi pour tous les Américains, pour qu'ils trouvent la paix, la sérénité et la compréhension entre eux».
Le préfet a exprimé la proximité de tous à la famille du défunt, mais également à tous ceux qui souffrent de discriminations et de faits de violence aux Etats-Unis. «Demandons au Seigneur que cesse toute violence dans les rues du pays, que le racisme soit vaincu, que la justice soit affirmée et que le peuple américain puisse recommencer à vivre dans la tranquillité et la paix si nécessaires en ces temps difficiles», a affirmé le prélat irlandais naturalisé américain.
Le chrétien n’éprouve pas de haine
Après la lecture de l'Évangile selon Saint Jean et des ultimes paroles de Jésus aux disciples avant qu’il ne monte vers le Père -"Si quelqu’un m’aime, il gardera ma parole ; mon Père l’aimera, nous viendrons vers lui et, chez lui, nous nous ferons une demeure"(jn 14,23), l'évêque émérite de Dallas a déclaré que s'il existe effectivement une «demeure» spéciale de Dieu en chaque chrétien, «en lui il ne peut plus y avoir de sentiments de haine et de mépris pour quiconque». Et, citant l'homélie du Pape François lors de la messe de la Pentecôte, le cardinal a souligné que l'Esprit-Saint nous rappelle qu'en tant qu'enfants bien-aimés de Dieu, nous sommes «tous égaux, et tous différents».
La fraternité n’est pas un acquis
Évoquant la «mort injuste de George Floyd», le cardinal Farrell explique que, en particulier pour les citoyens américains dont il fait partie, c'est «une source de grande tristesse» de voir comment la discrimination, les préjugés et la haine pour des raisons raciales persistent dans le pays. Les grands mouvements sociaux pour les droits civils des années 60 et 70 ont laissé «un signe profond dans la conscience civile de la nation, mais ils n'ont pas résolu tous les problèmes de manière définitive», a regretté le prélat. «Malheureusement, nous voyons avec douleur» a-t-il ajouté, qu'après de longues années de lutte pour les droits civils et l'égalité raciale, certaines injustices et certaines violences du passé se répètent. «La paix sociale et la coexistence fraternelle entre tous les citoyens ne sont jamais considérées comme acquises », déplore-t-il.
Aider les jeunes générations
La fraternité sociale n'est selon lui «jamais atteinte de manière stable et définitive, car le cĹ“ur humain peut toujours se refermer sur lui-même dans son égoïsme et être pollué de nouveau par le péché, provoquant ainsi de nouvelles injustices, de nouvelles violences, de nouvelles oppressions». L’ancien évêque de Dallas estime que chaque nouvelle génération doit être aidée à avoir un «cĹ“ur fraternel», car la coexistence pacifique et l'acceptation mutuelle sont des «biens précieux qui doivent toujours être promus, parce qu'ils ne découlent pas automatiquement des paroles prononcées dans le passé» mais sont le fruit «d'attitudes profondes qui doivent habiter le cĹ“ur des hommes».
Le rôle des chrétiens
Les chrétiens ont une précieuse contribution à apporter aux nouvelles générations notamment, en témoignant «par notre vie de la nouveauté que l'Évangile du Christ a apportée sur la terre». Or, le cardinal Farrell le répète : si la paix du Christ est vraiment présente dans le cĹ“ur des croyants, il ne peut plus y avoir de place pour la rivalité, pour la négation de la dignité d'autrui et pour l'oppression des autres. Il invite les chrétiens américains à proclamer sans cesse qu’il est possible de parvenir à une humanité réconciliée et fraternelle.
Il en va de l’identité même des États-Unis. Né en Irlande, le cardinal Farrell rappelle que son pays d’accueil est une nation qui «depuis sa naissance est multiculturelle, multiethnique, multireligieuse» ; ses fondements sont «l'égalité de tous les hommes, les droits inaliénables à la vie et à la liberté accordés par le Créateur lui-même à tous les hommes : la tolérance, la coexistence pacifique, l'égalité des chances de prospérité et de bien-être pour tous». Ces idéaux et principes ne sont rien d'autre, pour le prélat, que «la traduction du christianisme dans la langue du droit civil». Ainsi en témoignant de l’Évangile, les chrétiens américains peuvent aider leurs concitoyens «à revenir aux idéaux authentiques de notre nation».
Rejeter les divisions idéologiques
Jésus a adressé son message de salut et de miséricorde à tous «sans exclure personne», souligne le cardinal Farrell, ce qui n’est hélas pas la tendance générale. Les hommes tendent souvent à faire des distinctions basées sur la classe sociale, le niveau économique, la race, l'affiliation politique. Les chrétiens aussi peuvent parfois, et à tort, «s’identifier à un seul camp»: les riches contre les pauvres, les intellectuels contre les incultes, les progressistes contre les conservateurs, les blancs contre les noirs. «Nous perdons alors complètement de vue la dimension universelle du message du Christ», le cardinal Farrell invite à revenir aux paroles de Saint Paul lorsqu’il affirmait qu’il y avait «ni Juif ni Grec, car vous êtes tous un dans le Christ Jésus». Voila selon lui «la meilleure façon de promouvoir le bien social, en évitant les visions partielles et idéologiques».
... et la violence
«On ne peut espérer promouvoir la paix sociale, avec la violence ; on ne peut pas vaincre l'injustice en commettant des injustices et des crimes encore plus graves que ceux que l'on veut dénoncer», a martelé le cardinal. Si une culture du respect, un sens de la fraternité universelle, des conditions de vie dignes, des lois justes sont des biens qui restent, il avertit qu’au contraire «des paroles et des gestes blessants de mépris, des pillages et la violence ne mènent à rien de bon pour l'avenir».
L'Église «ne veut pas se ranger dans un camp contre un autre, elle ne veut pas faire de propagande politique ou de prosélytisme pour elle-même, mais veut simplement aider la société à promouvoir le bien commun et à créer des liens d'authentique fraternité entre les hommes», a conclu le cardinal Farrell.
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