Les moines de Tibhirine ont rendu le christianisme audible en ´ˇ±ô˛µĂ©°ůľ±±đ
Entretien réalisé par Cyprien Viet – Cité du Vatican
Coécrit par le journaliste François Vayne, qui avait connu personnellement certains moines de Tibhirine durant son enfance et son adolescence en Algérie, et par le père Thomas Georgeon, postulateur de la cause de béatification de Pierre Claverie et de ses 18 compagnons martyrs, le livre Tout simplement là (publié en France aux éditions Nouvelle Cité) revient sur le témoignage de foi offert par les moines de Tibhirine durant leur long service dans ce village de l’Atlas, au cĹ“ur de la population musulmane.
Assassinés en 1996, dans le contexte de la guerre civile qui avait déchiré l’Algérie, les moines de Tibhirine ont mêlé leur sang à celui des 150 000 victimes des combats, des attentats, des enlèvements, des massacres qui ont jalonné cette période communément appelée «la décennie noire». Leur martyre s’inscrit aussi dans la longue chaîne de chrétiens qui ont donné leur vie en Afrique du Nord au nom de leur foi dans le Christ, à commencer par les martyrs scillitains, sept hommes déjà, et cinq femmes, décapités en juillet 180 sur ordre du pro-consul Saturninus.
Un témoignage de service et de piété
En embrassant la destinée de cette terre de douleurs, les moines de Tibhirine ont aussi embrassé le quotidien ordinaire de la population musulmane qui les entourait et les aimait. Ils rendaient des services concrets à la population : ainsi, Frère Luc, doyen de la communauté, exerçait encore à plus de 80 ans son service de médecin qui lui valait un grand respect de la part de tous. Des files interminables de personnes malades se formaient quotidiennement devant le monastère, avec des habitants de la région mais aussi des personnes envoyées par les meilleurs hôpitaux d’Alger, qui reconnaissaient la qualité de son travail. En 50 ans de service, Frère Luc aurait ainsi soigné plus de 600 000 malades !
Mais c’est aussi leur vie de prière, rythmée par les offices et par les sonneries de la cloche, la dernière alors encore active en Algérie, qui interpellait le plus les musulmans. Voir des chrétiens prier, en effet, leur semblait presque incongru, alors que les Européens venus coloniser l’Algérie quelques décennies plus tôt leur avaient donné l’impression que les chrétiens ne savaient pas prier et avaient oublié le sens du divin. Durant toute leur vie au monastère, les moines de Tibhirine, sous la conduite du Frère Christian de Chergé et avec le soutien actif du cardinal Duval, l’archevêque d’Alger, firent de cette présence chrétienne et monastique au cĹ“ur des montagnes de l’Atlas une occasion de redonner une crédibilité au christianisme.
Un signe pour le dialogue interreligieux
Cette béatification apporte donc une occasion de renforcer la fraternité et la compréhension entre chrétiens et musulmans, dans un climat marqué par de nombreux préjugés et par la violence. Pour le cardinal Angelo Giovanni Becciu, préfet de la Congrégation pour les Causes des Saints, l’exemple des moines de Tibhirine entre dans une résonance particulière avec l’actualité du dialogue interreligieux en Europe notamment.
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