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Delphine Allaire 鈥� Envoyée spéciale à Singapour

Une marée de téléphones scintillants, d鈥檕mbrelles, d鈥檜niformes scolaires et de ch艙urs d鈥檈nfants ont submergé l鈥檈nceinte du stade national de Singapour pour la première messe d鈥檜n Pape depuis près de quarante ans dans la cité-État. Le Pape François a conquis son auditoire en s'arrêtant une vingtaine de fois, lors du traditionnel tour en papamobile pour saluer et bénir des petits enfants de Singapour, suscitant la clameur et l'approbation des 50 000 fidèles présents. D鈥檜ne organisation millimétrée, déjà déployée dans ce stade pour le bicentenaire de la ville il y a cinq ans, la messe solennelle a fait résonner les chants de nombreux ch艙urs d鈥檈nfants et d鈥檃dultes des différentes paroisses de Singapour ou des écoles dans une atmosphère aux accents britanniques prononcés, comme revendiqués dans l鈥檌dentité singapourienne.

«Sans l鈥檃mour nous ne sommes rien»

Durant cette célébration eucharistique en anglais, le Pape a souhaité rappeler aux fidèles venus de Taïwan, Hong Kong, Malaisie voisine, des Philippines, du Vietnam et de Birmanie et leurs évêques, la primauté de l鈥檃mour sur toute forme de haine, la générosité sur l鈥�égoïsme, la solidarité sur l鈥檌ndifférence. «Sans l鈥檃mour nous ne sommes rien». François a dans son homélie souligné que l鈥檌ngénierie virtuose de Singapour ne serait pas si elle n鈥�était pas motivée par l鈥檃mour.

«Même à l鈥檕rigine de ces imposantes constructions, comme de toute autre entreprise qui laisse une trace positive dans ce monde, il n鈥檡 a pas, comme beaucoup le pensent, avant tout de l鈥檃rgent, ni de la technique, ni même de l鈥檌ngénierie 鈥� tous, moyens utiles 鈥�, mais de l鈥檃mour: 鈥渓鈥檃mour qui construit鈥�, justement», a lancé François, estimant qu鈥檌l n鈥檡 a pas d鈥櫯搖vre bonne sans qu鈥檌l y ait peut-être des personnes brillantes, fortes, riches, créatives, mais aussi des femmes et des hommes fragiles, pour qui sans amour il n鈥檡 a pas de vie, ni d鈥�élan, ni de raison d鈥檃gir, ni de force pour construire.

«Nous sommes un précieux trésor»

Sans cela, même ici, personne n鈥檃urait pu faire pousser une si grande métropole, les architectes n鈥檃uraient pas dessiné, les ouvriers n鈥檃uraient pas travaillé et rien n鈥檃urait été réalisé, considère le Saint-Père, qualifiant Singapour de signe, et derrière chacune de ses 艙uvres, autant d鈥檋istoires d鈥檃mour à découvrir. «D鈥檋ommes et de femmes unis les uns aux autres au sein d鈥檜ne communauté, de citoyens dévoués à leur pays, de mères et de pères soucieux de leur famille, de professionnels et de travailleurs de tous types et de tous degrés, engagés avec honnêteté dans leurs différents rôles et tâches.»

Ainsi l鈥�évêque de Rome exhorte chacun à apprendre à lire ces histoires, écrites sur nos façades, à en transmettre la mémoire, «car rien de durable ne grandit sans amour». Dans cette Église singapourienne, ethniquement si diverse et pourtant si unie et solidaire, l鈥�édifice le plus beau, le trésor le plus précieux, l鈥檌nvestissement le plus rentable aux yeux de Dieu, «c鈥檈st nous», a poursuivi François.

Dans une terre où la dévotion mariale est d鈥檜ne extrême intensité, marquée encore par une certaine européanité avec des grottes devant chaque chapelle, le Successeur de Pierre a souhaité en cette mémoire liturgique du Très Saint Nom de Marie commémorer sa tendre figure; de même que celle de saint François-Xavier, reçu à Singapour à de nombreuses occasions, la dernière fut le 21 juillet 1552, quelques mois avant sa mort, dont François cite une lettre adressée à Ignace, dans laquelle il exprime son désir d鈥檃ller dans toutes les universités de son temps pour «crier ici et là comme un fou et secouer ceux qui ont plus de doctrine que de charité» (Lettre de Cochin, janvier 1544), souhaitant que chacun fasse siennes ces paroles.

Désirs de paix en Birmanie 

Miroir à la mosaïque d'ethnies et de religions de la cité-État, les chants d'offertoire et de communion ont été entonnés dans les quatre langues officielles: anglais, mandarin, malais, tamoul, durant cette messe célébrée par le cardinal William Goh, archevêque de Singapour. Les cardinaux Chow (Hong Kong), Francis (Malaisie) et Bo (Birmanie) étaient aussi présents. Parmi les fidèles, un groupe de plus de 200 Birmans, priant pour la paix et l'harmonie dans leur pays.  «Cette messe est très précieuse. Beaucoup d鈥檈ntre nous travaillons très dur pour nos familles et nos pays. C鈥檈st vraiment difficile pour nous, peuple de Birmanie. C鈥檈st impossible de venir en Italie voir le Pape. Comme vous le savez, c鈥檈st le chaos chez nous actuellement. Nous espérons vraiment la paix et l鈥檋armonie de cette messe,» explique s艙ur Marie de saint joseph de l鈥檃doration, religieuse missionnaire migrantes à Singapour, provenant de Birmanie

«C鈥檈st l鈥檈xpérience d鈥檜ne vie, d鈥檜ne seule vie. Merci mon dieu je suis là aujourd鈥檋ui. J鈥檃vais déjà pu participer à la messe de Jean-Paul II en 1986. Même hier lorsque j鈥�étais au marché, le poissonnier m鈥檃 dit: le chef catholique de ta religion est arrivé à Singapour! J'ai dit wahou!, ils ne sont pas catholiques mais s鈥檈n réjouissent. On fait la Une de l鈥檃ctualité nous les catholiques à Singapour!», se réjouit de son coté une religieuse canossienne de la cité-État. 

L'espérance d'un voyage au Vietnam

Mais les plus grandes espérances proviennent du Vietnam, pays victime d'un typhon meutrier pour lequel le Pape a prié durant la messe. Venu au nombre de 450 fidèles d'Hanoi, Ho Chi Minh ou de plus petites villes, tous attendent la prochaine visite apostolique sur leur terre. 

«Nous avons beaucoup de chance de voir Sa Sainteté, c'est une grande fierté d鈥�être là. Il y a maintenant de plus en plus de catholiques au Vietnam. Nous avons besoin d鈥檜n large soutien du Vatican et de l'Italie. Certains ne nous comprennent pas au Vietnam, mais ils sont de plus en plus en train de changer et de s鈥檕uvrir. Nous avons encore besoin de gens pour nous aider à nous faire confiance», estime la jeune Veronica, 27 ans, originaire de la ville "au-delà du fleuve", Hanoï. «J'espère que le Pape mettra ensuite le Vietnam dans sa liste pour venir nous voir», affirme Hun, en souriant, un étudiant vietnamien de 20 ans.