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Via Crucis Via Crucis  (Vatican Media)

Le Chemin de Croix du Pape, la compassion au milieu des condamnations

Dans les méditations des quatorze stations écrites par François pour le Chemin de Croix 2024 au Colisée, inspirées par l'Année de la prière, le regard est fixé sur Jésus qui donne sa vie pour nous sauver. Dans un monde où «il suffit d'un clavier pour insulter et publier des sentences», le Pape répète inlassablement que «la souffrance, avec Dieu, n'a pas le dernier mot».

Tiziana Campisi (avec Jean-Benoît Harel) - Cité du Vatican

C'est un dialogue avec Jésus que François développe dans  du Vendredi Saint. Parcouru traditionnellement au Colisée, le Chemin de Croix de cette année propose un face-à-face avec le Christ, fait de réflexions, d'interrogations, d'introspections, de confessions, d'invocations dans une série de méditations écrites, pour la première fois, par le Pape lui-même. Ces textes prennent la forme d’une longue prière intime qui, en cette Année de la prière, prélude au Jubilé, laisse parler le cœur de l'Homme.


Dans les quatorze stations, les souffrances de Jésus sur le chemin du Golgotha et les rencontres sur la Via Dolorosa permettent un examen de conscience personnel qui devient prière, avec une invocation finale qui répète quatorze fois le nom de Jésus. Le regard aimant de Marie, les femmes capables de gestes tendres et courageux, Simon de Cyrène offrant son aide à Jésus, Joseph d'Arimathie qui offre le tombeau… sont autant de personnages que François met en scène pour nourrir la vie des fidèles.

Le Pape introduit le Chemin de Croix en soulignant que la prière a préparé chacune des journées de la vie terrestre de Jésus. En ce Vendredi Saint, le Saint-Père rappelle les étapes de la préparation de Jésus pour vivre cette épreuve terrible: la conversation avec Dieu, l’hésitation, la peur au jardin de Gethsémani. Face à la peur de la mort et à «l'angoisse sous le poids de notre péché», la supplique de Jésus a transformé la «véhémence de la douleur» en «offrande d'amour» pour l'humanité.

Chemin de croix en Espagne.
Chemin de croix en Espagne.

Le silence de Jésus

La première station fait réfléchir sur le silence de Jésus devant le «faux procès» qui l'a condamné. Ce silence fécond «est prière, douceur, pardon, chemin pour remédier au mal», et permet de convertir la souffrance en don offert, explique François. Un silence que l'homme d'aujourd'hui ne connaît pas, parce qu'il ne trouve pas le temps de s'arrêter pour rester avec Dieu et laisser agir la «Parole du Père qui œuvre dans le silence». Ce silence «secoue», parce qu'il enseigne que la prière naît  «d'un cœur qui sait être à l’écoute».

La Croix dont le Christ est chargé (2e station) rappelle des expériences que chaque personne vit: peines, douleurs, déceptions, blessures, échecs, croix... «Jésus, comment fait-on pour prier dans ces situations?» interroge le Souverain pontife, donnant voix à une question commune: comment faire quand on se sent écrasé par la vie? Bien souvent, nous ruminons et nous sombrons dans la victimisation «championne de négativité». Au contraire, François appelle à unir nos croix à celle du Christ. Il nous invite à nous approcher de Lui pour nous ôter le poids de nos croix.

Chemin de la croix en Pologne.
Chemin de la croix en Pologne.

Jésus tombe pourtant (3e station), mais il a la force de se relever: le ressort qui le pousse en avant c’est l'amour, souligne François. «Celui qui aime ne reste pas à terre, il se relève; celui qui aime ne se fatigue pas, il court; celui qui aime vole», poursuit-il. Sa prière se fait simple: «Jésus, je te demande toujours beaucoup de choses, mais je n’ai besoin que d’une seule: savoir aimer». 

Marie, mère de Jésus, don pour l'humanité

Jésus sur le chemin du Calvaire est seul, renié par Pierre, trahi par Judas. Mais il rencontre sa Mère (4e station), il la regarde et se souvient de la tendresse et des bras aimants de Marie, écrit François. «Le regard maternel est le regard de la mémoire, qui nous enracine dans le bien», dit le Pape. Après l'Eucharistie, le Christ nous donne «Marie, don ultime avant de mourir». Par ce signe, il désigne sa Mère aux hommes pour qu’elle les aide à pouvoir «conserver la grâce», à «se rappeler le pardon et les prodiges de Dieu», à «savourer de nouveau les merveilles de la providence» et «à pleurer de gratitude».

Chemin de croix au Kenya.
Chemin de croix au Kenya.

Simon de Cyrène qui aide Jésus à porter la Croix (5e station), en revanche, interroge sur la présomption d'agir seul «face aux défis de la vie». Même Jésus, dont le «pouvoir est sans limites», ne dédaigne pas l’aide du Cyrénéen, constate François qui encourage chacun «à baisser ses défenses» pour que les fragilités deviennent des opportunités.

“Comme il est difficile de demander de l’aide, de peur de donner l’impression de ne pas être à la hauteur, nous qui sommes toujours attentifs à paraître et à nous faire remarquer! Il n’est pas facile de faire confiance, encore moins de se confier. Mais celui qui prie sait qu’il est dans le besoin et toi, Jésus, tu es habitué à te confier dans la prière.”

Le courage de la compassion

Dans la foule qui assiste au «spectacle barbare» de l'exécution du Fils de Dieu, il y a aussi ceux qui émettent «des jugements et des condamnations», qui jettent sur lui «l'infamie et le mépris», sans le connaître «et sans connaître la vérité». «Cela arrive encore aujourd'hui, Seigneur», reconnaît François, puisqu’il «suffit d'un clavier pour insulter et publier des jugements». Or, à Jérusalem, alors que «tant de gens crient et jugent» Jésus, une femme s'avance qui «ne parle pas: elle agit. Elle n’invective pas: elle s'apitoie. Elle va à contre-courant: seule, avec le courage de la compassion, elle risque par amour, elle trouve le moyen de passer parmi les soldats» juste pour donner au visage de Jésus le réconfort d’une caresse. Ce geste de consolation, celui de Véronique, (6e station) est une réponse à cet «amour non aimé» du Christ, qui aujourd'hui encore, cherche «parmi la foule des cœurs sensibles» à sa souffrance et à sa douleur, de vrais adorateurs, en esprit et en vérité. 


Mais «la Croix est lourde: elle porte le poids de la défaite, de l’échec, de l’humiliation», remarque-t-il. Alors Jésus tombe pour la deuxième fois (7e station). Nous nous retrouvons en lui quand, écrasés par les choses, assiégés par la vie, incompris par les autres, comprimés «sous l'emprise de l'angoisse et oppressés par l’étau de l’anxiété», nous nous croyons incapables de nous relever et que nous retombons dans nos erreurs et nos péchés. Mais avec Jésus, «l'espérance ne s'arrête jamais, et après chaque chute nous nous relevons», tout comme lui s’est relevé pour la deuxième fois, parce que Dieu attend et pardonne toujours, même si nous tombons plusieurs fois.

“Rappelle-moi que les chutes peuvent devenir des moments cruciaux du chemin parce qu’elles me font comprendre la seule chose qui compte: que j’ai besoin de toi. Jésus, inscris dans mon cœur la certitude la plus importante: je ne me relève vraiment que lorsque tu me relèves, lorsque tu me délivres des péchés.”

Reconnaître la grandeur des femmes

La rencontre de Jésus avec les femmes de Jérusalem (8e station) est l'occasion pour François de nous exhorter «à reconnaître la grandeur des femmes, elles qui, à Pâques ont été fidèles et proches» du Christ, «mais qui sont encore aujourd’hui rejetées et subissent outrages et violences». Leurs pleurs nous font nous demander si nous savons nous émouvoir devant Jésus, crucifié pour nous, si nous pleurons nos propres mensonges, ou face aux tragédies, «la folie de la guerre, aux visages d’enfants qui ne savent plus sourire, aux mères qui les voient sous-alimentés et affamés et qui n’ont plus de larmes à verser». Le Pape souligne aussi que «les femmes ne pleurent pas sur elles-mêmes, mais elles pleurent sur [Jésus], elles pleurent sur le mal et sur le péché du monde».

Chemin de croix en Inde.
Chemin de croix en Inde.

Et en contemplant le Christ dépouillé (9e station), l'invitation du Pape est de voir Dieu fait homme «dans les chrétiens humiliés par l'arrogance et l'injustice, par les gains iniques réalisés sur la peau des autres dans l'indifférence générale» et de se dépouiller «de tant de choses extérieures». Le Dieu «dépouillé de sa dignité» veut des prières fécondes en charité. François interroge alors: «Est-ce que je prie pour ceux qui sont dépouillés de dignité? Ou est-ce que je prie pour couvrir seulement mes besoins et me revêtir de sécurités?».

Sur la Croix, alors que «la douleur physique est la plus atroce», Jésus pardonne à ceux qui «lui plantent les clous dans les poignets» (10ème station). Il nous enseigne que nous pouvons «trouver le courage de choisir le pardon qui libère le cœur et qui relance la vie», et nous révèle «la grandeur de la prière d’intercession qui sauve le monde». La prière du Pape monte alors vers le Christ: «Jésus, fais que je ne prie pas seulement pour moi et pour mes proches, mais pour ceux qui ne m’aiment pas et qui me font du mal». 

L'amour ne reste pas sans réponse

Au moment le plus sombre et le plus extrême où Jésus crie son abandon (11ème station), quelle est la leçon à retenir? «Dans les tempêtes de la vie: au lieu de vous taire et de vous retenir, criez» vers Dieu, suggère François. Il érige en modèle ce «Dieu de la communion qui ressent l’abandon pour ne plus me laisser otage de la solitude».

La 12e station s'attarde sur le bon larron qui se confie au Christ qui, à son tour, lui promet le Paradis. Ainsi, il fait de «la Croix, emblème du supplice, l’icône de l’amour», transformant les «ténèbres en lumière, la séparation en communion, la souffrance en une danse, et même le sépulcre, dernière étape de la vie, en point de départ de l’espérance».

Chemin de croix en Allemagne.
Chemin de croix en Allemagne.

Tout est fini

Marie accueille dans ses bras Jésus mort (13e station). À la fin du Chemin de Croix, elle nous aide à dire oui à Dieu, elle qui, «forte dans la foi», croit «que la douleur, traversée par l'amour, porte des fruits de salut; que la souffrance avec Dieu n'a pas le dernier mot». Le Pape invite à imiter la Vierge Marie qui aurait pu mettre des conditions à son amour, comme nous qui «sommes pauvres de “oui” et riches de “si”», mais Marie a choisi résolument de dire oui.

Enfin, Joseph d'Arimathie, en prenant en charge le corps de Jésus pour lui donner une sépulture digne (14e station), nous montre que «tout don fait à Dieu reçoit une plus grande récompense», «que l'amour ne reste pas sans réponse, mais permet de nouveaux commencements», «parce que c’est en donnant que l’on reçoit; parce que l’on trouve la vie quand on la perd et on la possède quand on la donne».

Le Saint-Père conclut ses méditations par un dernier mot, simple: «Merci, mon Seigneur et mon Dieu».


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29 mars 2024, 14:36