Messe chrismale: «La maturité sacerdotale passe par l’Esprit Saint»
Adélaïde Patrignani – Cité du Vatican
«L’Esprit du Seigneur Dieu est sur moi parce que le Seigneur m’a consacré par l’onction» (Is 61,1). Les premiers mots de la liturgie de la Parole de cette messe chrismale ont constitué le fil rouge de l’homélie du Saint-Père, prononcée devant les très nombreux prêtres venus en ce Jeudi Saint, «jour de naissance du sacerdoce». Le Pape François présidait la célébration eucharistique, tandis que le cardinal Angelo de Donatis, vicaire général du Pape pour le diocèse de Rome, célébrait à l’autel de la confession.
L’Esprit Saint, source du sacerdoce
La messe chrismale n’appartient pas, au sens strict, au Triduum pascal, mais elle est célébrée le plus souvent le Jeudi Saint au matin. Durant celle-ci, l’évêque bénit les huiles saintes et consacre le Saint Chrême. Cette huile servira dès les baptêmes de Pâques puis tout au long de l’année pour les sacrements du baptême, de la confirmation, et de l’ordre, pour le rite de l’onction des mains.
«Sans l'Esprit du Seigneur, il n'y a pas de vie chrétienne, et sans son onction, il n'y a pas de sainteté», a déclaré le Pape au début de son homélie, rappelant aux prêtres qu'il est aussi «à l'origine de notre ministère, de la vie et de la vitalité de chaque pasteur». «Le Seigneur ne nous a pas seulement choisis et appelés (...) il a répandu en nous l'onction de son Esprit, celui-là même qui est descendu sur les Apôtres», a-t-il poursuivi.
Quand vient la crise
François a ensuite parlé des crises que peuvent traverser les prêtres. «Selon le temps voulu par Dieu, vient pour chacun l'étape pascale, qui marque le moment de vérité». Un moment de «tension» aussi, qui «représente une ligne de crête décisive pour ceux qui ont reçu l'onction». Dans cette période aussi inconfortable que déterminante, qui peut se répéter, trois «tentations dangereuses» surgissent: «celle du compromis, où l'on se contente de ce que l'on peut faire; celle des compensations, où l'on cherche à se «recharger» avec autre chose que notre onction; celle du découragement, la plus commune, reoù, mécontents, l'on continue par inertie», a décrit le Pape.
Mais ce genre de crise «peut aussi devenir le tournant du sacerdoce», où, au lieu de glisser vers la pente de la médiocrité, l’on accueille humblement, «à partir de la fragilité de notre réalité», «l’aide de l’Esprit Saint». Le Saint-Père l’a qualifiée de «deuxième onction», qui pousse à un examen de conscience: «mon épanouissement dépend-il de mes capacités, du rôle que j'obtiens, des compliments que je reçois, de la carrière que je poursuis, des supérieurs ou des collaborateurs que j'ai, du confort que je peux me garantir, ou de l'onction qui parfume ma vie ?». Il a aussi fait référence au prêtre français René Voillaume, qui parlait de "second appel".
«Mener une double vie ne t'aidera pas; tout jeter par la fenêtre non plus», a expliqué le Souverain pontife, il faut se laisser toucher par l'Esprit Saint, prendre soin de l'onction reçue.
Ce passage de vérité devient alors un moment de croissance. «Frères, la maturité sacerdotale passe par l'Esprit Saint, elle se réalise quand Il devient le protagoniste de notre vie», a insisté François. La vie spirituelle, a-t-il poursuivi, devient «libre et joyeuse» lorsque, abandonné, «on se dispose à servir là et comme on nous le demande: notre sacerdoce ne grandit pas en rapiéçant, mais en débordant!»
Construire l’harmonie
L’évêque de Rome a aussi mis en garde les prêtres contre la duplicité. Seul l’Esprit Saint peut en guérir. «Frères, préservons l'onction: que l'invocation de l'Esprit ne soit pas une pratique sporadique, mais le souffle de chaque jour», a recommandé le Pape. «Moi, consacré par Lui, je suis appelé à m'immerger en Lui, à laisser sa lumière pénétrer mes obscurités pour retrouver la vérité de ce que je suis. Laissons-nous entraîner par Lui pour combattre les contradictions qui s'agitent en nous; et laissons-nous régénérer par Lui dans l'adoration, car lorsque nous adorons le Seigneur, Il déverse son Esprit dans nos cÅ“urs», a-t-il expliqué.
François a enfin insisté sur la notion d’harmonie, l’Esprit Saint étant «en lui-même concorde, communion, harmonie».
Créer l’harmonie n’est pas «une bonne méthode pour que la structure ecclésiale puisse mieux fonctionner, (...) ce n'est pas une question de stratégie ou de courtoisie», a déclaré le Souverain Pontife, exhortant à «ne pas souiller l'onction de l'Esprit et la tunique de notre Sainte Mère l'Église par la désunion, les polarisations, par tout manque de charité et de communion». Il faut y préférer «la disponibilité par rapport à ses propres exigences, l'obéissance par rapport à ses propres goûts, l'humilité par rapport à ses propres attentes». Le Pape a invité les prêtres à témoigner en toutes circonstances de la vertu d’harmonie, qui se traduit notamment par la gentillesse. «Combien ne s'approchent pas, ou bien s'éloignent, parce qu’ils ne se sentent ni accueillis ni aimés dans l'Église, mais regardés avec suspicion et jugés!», a-t-il regretté.
Un «merci» aux prêtres
François a enfin chaleureusement encouragé les prêtres dans leur sacerdoce. «Merci pour votre témoignage et merci pour votre service; merci pour tout le bien caché que vous faites, merci pour le pardon et la consolation que vous offrez au nom de Dieu: pardonnez toujours (...); merci pour votre ministère qui s'exerce souvent au prix de beaucoup de fatigues, les incompréhensions et de peu de reconnaissance», leur a-t-il dit, avant de prier pour eux. «Que l'Esprit de Dieu, qui ne déçoit pas ceux qui se confient en Lui, vous comble de paix et achève en vous ce qu'il a commencé, afin que vous soyez prophètes de son onction et apôtres d'harmonie», a-t-il souhaité.
Au cours de cette messe chrismale, qui manifeste l’unité de toute l’Église diocésaine autour de son évêque, les prêtres ont également renouvelé leurs promesses sacerdotales: vivre toujours plus unis au Seigneur Jésus, renoncer à eux-mêmes, célébrer les sacrements, annoncer la Parole de Dieu avec désintéressement et charité.
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