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Le Pape François interviewé par la chaîne Canale 5. Le Pape François interviewé par la chaîne Canale 5.  

François: le magasin le plus grand aujourd'hui est l'usine d'armes

Dans une interview accordée à la chaîne de télévision italienne Canale 5, pour le programme "I Viaggi del Cuore", les Voyages du Cœur, le Pape François se penche sur l'actualité de l'Église et du monde. Aujourd’hui, «le magasin le plus grand», a déclaré le Souverain pontife, est «l’usine d’armes».

Salvatore Cernuzio - Cité du Vatican

Dix questions sont abordées dans cette interview réalisée par le père Davide Banzato, pour renouer le fil de dix ans de pontificat de François, mais aussi pour revenir sur les blessures du monde, à commencer par la «guerre féroce» qui a volé le sourire de nombreux enfants, et aussi pour réfléchir aux angoisses du cÅ“ur humain. Celles qui conduisent à se heurter à une dangereuse «maladie»: s'accrocher aux «échecs» et aux «mauvaises choses» de la vie.

Ne pas s'attacher aux mauvaises choses

L'interview commence par un point cher au Pape, qui est celui de la mémoire. «Une grâce», dit-il, «Cultiver la mémoire.....  La grâce de la mémoire nous conduit aux racines de notre actualité. Comme ma personnalité, qui est sur le point de terminer sa vie, d'où elle a grandi...», ajoute-t-il en évoquant ses proches du Piémont qu'il a personnellement visités en novembre 2022. «Il y a des lieux de mémoire significatifs, des personnes qui ont marqué nos vies». Il est bon de «voyager». Mais dans ce voyage vers la mémoire et les racines, il y a néanmoins «un danger», prévient François: «Nous avons tous eu dans la vie: des mauvaises choses, des choses qui nous ont fait souffrir», et puis, fait-il remarquer, il y a la maladie de s'accrocher aux échecs de la vie: non, cela fait mal. 

Un moment de désolation humaine

Selon François, de mauvaises choses se produisent dans cette époque. Nous sortons d'une pandémie, dit-il, qui nous a «affaiblis» et maintenant il y a la guerre: «Une guerre qui est féroce» qui a provoqué «une crise économique et financière». «Aujourd'hui, surtout dans toute l'Europe, les gens ne sauront pas comment payer l'électricité, par exemple. Ils devront faire beaucoup d'économies», note le Pape. «C'est un mauvais moment, c'est un moment -de désolation humaine. Les morts ou les blessés (venant de la guerre)... Vous voyez les morts torturés, les photos sont terribles».

Le sourire des enfants

L'angoisse de l'évêque de Rome concerne surtout les enfants: «Ils ont oublié de rire... Tant d'enfants sont venus ici, tant d'Ukraine, ils ne rient pas... Ils sont beaux, oui, mais ils ne rient pas, ils ont perdu cela». «Je suis allé voir les enfants qui étaient au Bambino Gesù, des Ukrainiens, des blessés, aucun n'avait le sourire», ne cachant pas sa désolation. Pour François, «enlever le sourire d'un enfant, c'est... une tragédie!». Et cette tragédie marque cette époque, relève-t-il, une «époque où le plus grand magasin est la vente des armes, l'usine d'armements». Aujourd'hui, si pendant un an, - m'a dit un technicien, - on ne fabriquait pas d'armes, la faim dans le monde disparaîtrait. Les guerres demandent des armes. «Et pourquoi une guerre?». Parce que d'habitude un empire ou un gouvernement, affirme François, quand il s'affaiblit un peu, a besoin d'une guerre pour se rétablir... «C'est une mauvaise chose», déplore le Souverain Pontife.

Regarder vers des horizons différents

Dans ce scénario dramatique, le Pape exhorte néanmoins à ne pas perdre l'espérance et à regarder différents «horizons». Regarder les horizons de la vie, pour lui, signifie donc regarder l'espérance. C’est aussi voir que l'histoire ne se termine pas avec vous, elle ne s'est pas terminée avec mon grand-père, dit-il, elle ne se terminera pas avec la quatrième génération qui viendra après. Cette perspective «donne le courage de toujours marcher». Mais attention, prévient François, à ne pas tomber dans la «psychologie de l'autruche», c'est-à-dire «que devant n’importe quelle situation elle met la tête dans le sol». Et attention aussi, lance-t-il, à ne regarder que son propre nombril: «Les personnes qui ne regardent qu'elles-mêmes font le contraire de chercher l'horizon. L'horizon te fait regarder tout». Ceci, dit le Pontife, est «le fondement de la vertu d'espérance».

Comme le disaient certains pères de l'Église en préfigurant l'espérance comme «une ancre»: «Que tu sois dans la mer ou dans le fleuve, et que tu jettes l'ancre pour être en sécurité, tu t'accroches à la corde. L'espérance, tu la jettes dans l'éternité, "l'ancre", et tu vas t'accrocher; mais si tu ne regardes pas à l'horizon, tu ne peux plus, tu ne pourras jamais jeter une ancre, n'est-ce pas?», s’interroge François. «En ce temps, c'est difficile», souligne-t-il, donc, «il y a le Seigneur, il y a l'espérance». C'est difficile et moche, déplore-t-il à nouveau, il y a tant de souffrance, tant de choses, mais il y a aussi la corde et l'ancre. «C'est le mystère de la douleur et de l'espérance».


Qui a la foi et qui ne l'a pas

Et à ceux qui «n'ont pas la foi», que dire?, s'interroge le Souverain Pontife. «Ce n'est pas un péché de ne pas avoir la foi», répond le Pape. «La foi est un don de Dieu..... Il y a des gens bons, très bons, qui n'ont pas le don de la foi», fait savoir François. Seulement, «je leur dirai, ajoute-t-il: "Oui, ouvre-toi". Cherchez. Ne vous lassez pas de chercher. Sans angoisse: non, non! Ouvrez naturellement». Ceux qui croient doivent cependant faire attention à ne pas vivre «comme des païens», conseille-t-il. Il y a des croyants qui vivent ainsi: «de faux chrétiens» ou, comme le disait sa grand-mère, «des chrétiens à l'eau de rose». «À ceux-là, je dirai: Changez de vie! Comment est ta vie? Est-ce une vie juste? Est-ce une vie au service des autres ? Est-ce une vie qui gaspille l'argent?», a lancé le Pape.

«Ne pas avoir peur de toucher la chair blessée»

«Il y a des saints riches qui savent bien utiliser leurs biens pour les autres», a précisé François, relevant que la «conduite définit aussi le type de foi: si le style de vie est païen, on comprend que tu n'as pas de foi ou que tu as une foi de peinture, de vernis, oui! ta vie est vernie de foi mais (la foi) n'a pas de racines, non?».

À cet égard, le Pape cite la photographie prise par l'un des «photographes du Vatican» dans la rue à Rome d'une dame âgée bien habillée sortant d'un restaurant et ignorant le mendiant qui lui demande l'aumône: «Si tu ne remarques pas quelque chose et quelqu'un derrière ta vanité, ton mode de vie, tu es fermé sur toi-même… La "chair de ton frère" est la même chair que la tienne», souligne le Pontife: «Peut-être que demain ce sera toi dans cette position... N'aie pas peur de toucher la chair blessée», exhorte-t-il.

«Un cÅ“ur dur est très difficile à adoucir», affirme le Pape soulignant également que «souvent, le Seigneur utilise de mauvaises situations, comme la maladie, afin de changer le cÅ“ur». Mais «nous devons toujours demander au Seigneur: que mon cÅ“ur ne devienne pas dur, que mon cÅ“ur soit humain, qu'il soit proche de toute l'humanité». Aujourd'hui, demande François: «Combien pleurent - je ne dis pas physiquement, mais dans leur cÅ“ur - pour les enfants orphelins d'Ukraine? Combien souffrent pour cela? Combien souffrent pour les enfants des rues qui volent parce qu'ils sont seuls dans la vie?». Le successeur de Pierre montre un tableau dans le hall de la résidence Sainte Marthe, peint par un artiste du Piémont à partir de la photo d'un Syrien fuyant avec son fils. Il s'intitule "Like them forced to flee" et représente la fuite vers l'Égypte.

«Priez pour moi».

Dans l'interview, il est également question de son pontificat, qui franchira le cap des dix ans le 13 mars prochain. Jorge Mario Bergoglio revient sur son élection: «Pauvre Pierre, quel successeur il s'est trouvé!» s'exclame-t-il en riant, «je n'avais jamais imaginé une telle chose de ma vie». Néanmoins, le passage de Buenos Aires à Rome s'est fait «naturellement»: «C'est un regard vers des horizons différents». Les inquiétudes ne manquent pas, mais elles ne sont pas toujours «une mauvaise chose», au contraire, elles peuvent devenir une occasion de «discernement», estime-t-il. François demande néanmoins des prières pour lui-même: «Priez pour moi afin que je sois un Pape chrétien et non païen, que le Seigneur me donne la grâce de vivre en chrétien et d'aider l'Église, qui est le peuple saint et fidèle de Dieu. Ce n'est pas ce prêtre, cet évêque, mais le peuple de Dieu». 

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18 février 2023, 12:00