Messe à Kinshasa: François invite les Congolais à cultiver paix et réconciliation
C’est la ferveur qui l’a emporté ce mercredi 1er février à Kinshasa. Entouré de danses, d’environ 700 choristes, au son du Gloria en lingala, une langue bantoue de la région, François a traversé la foule en papamobile, avant de célébrer la messe pour la paix et la justice selon le missel romain pour les diocèses du Zaïre. «Esengo», a d’abord lancé le Souverain pontife aux fidèles de RDC et des pays environnants, «joie» en lingala. «J’ai beaucoup désiré ce moment, merci d’être là», a-t-il dit en souriant, sept mois après le report de ce 40e voyage apostolique, initialement prévu à l'été 2022, mais retardé pour raisons de santé.
Reprenant les paroles du Ressuscité aux siens, «La paix soit avec vous», François a livré une homélie sur la paix qui arrive dans les cÅ“urs «en ruines» des disciples. «Alors qu’ils ressentent en eux la mort, il annonce la vie», «la paix de Jésus survient au moment où tout semble fini pour eux, au moment le plus inattendu et inespéré, où il n’y aucune lueur de paix». Des mots qui font écho aux souffrances des Congolais. Plus tard dans la journée, François ira rencontrer des victimes venues d’Ituri, du Nord et du Sud-Kivu, régions sous la coupe de groupes rebelles armées, empêtrées dans la guerre du Kivu depuis 2004.
Le Seigneur tend la main, a poursuivi le Saint-Père, «lorsque nous sommes sur le point de sombrer, il nous relève quand nous touchons le fond». C’est pourquoi «nous qui appartenons à Jésus, nous ne pouvons pas laisser la tristesse l’emporter sur nous, nous ne pouvons pas laisser la résignation et le fatalisme s’installer».
Faire de sa fragilité une force
Le Souverain pontife a développé trois clefs pour cultiver la paix: le pardon, la communauté et la mission.
Jésus, avant de remettre le pouvoir de pardonner aux apôtres, montre ses plaies, «parce que le pardon naît des blessures. Il naît lorsque les blessures subies ne laissent pas des cicatrices de haine mais deviennent le lieu où faire de la place aux autres et accueillir leur faiblesse», a-t-il continué, «les fragilités deviennent alors des opportunités, et le pardon devient le chemin de la paix».
Ainsi, lorsque «la culpabilité et la tristesse nous oppressent», François invite à regarder vers les plaies de Jésus, «il connaît tes blessures, il connaît les blessures de ton pays, de ton peuple, de ta terre». Depuis mars 2022 et la résurgence des violences notamment liées à la résurgence du groupe M23, aux alentours du lac Kivu, aux frontières de l’Ouganda, du Rwanda et du Burundi, plus de 520 000 personnes ont été déplacées, selon des chiffres des Nations unies de décembre dernier. «Jésus souffre avec toi», a affirmé le Pape aux fidèles congolais, et il permet «de trouver la force de pardonner à soi-même, aux autres et à l’histoire», pour avoir «le courage d’accomplir une grande amnistie du cÅ“ur». Le Pape qui a également invité à embrasser le crucifix, et à ouvrir les portes de son cÅ“ur et de sa maison à la paix.
La communauté comme source de paix
Jésus ressuscité parle aux disciples «au pluriel», en tant que communauté, a ajouté François, pour qui «il n’y a pas de christianisme sans communauté, tout comme il n’y a pas de paix sans fraternité». Pour faire communauté, il ne faut pas tomber dans l’écueil d’«être ensemble mais avancer seul en cherchant dans la société, mais aussi dans l’Église, le pouvoir, la carrière, les ambitions», car c’est ainsi que l’on finit comme les disciples «enfermé chez soi, vide d’espérance, rempli de peur et de désillusions».
Le danger est de «suivre l’esprit du monde plutôt que celui du Christ», a éclairé François. Mais alors quel est le moyen «de ne pas tomber dans les pièges du pouvoir et de l'argent, de ne pas céder aux divisions, aux flatteries du carriérisme qui rongent la communauté, aux fausses illusions du plaisir et de la sorcellerie qui renferment en soi-même?» La solution, a expliqué François, est de partager avec les pauvres, «Avoir le courage de regarder les pauvres et de les écouter car ils sont des membres de notre communauté, et non pas des étrangers à ôter de notre vue et de notre conscience».
Ouvrir son cÅ“ur serait donc la source pour faire communauté et accéder au pardon, une des racines de la paix, avec la dernière que le Pape a développé dans son homélie depuis l’aérodrome de N’dolo: la mission.
Le choix de la paix
Depuis l'indépendance de la Belgique acquise le 30 juin 1960, l’histoire de la RDC est construite de guerres. La paix est un choix, a rappelé François aux fidèles du plus grand pays catholique francophone du monde, «c'est faire de la place dans nos cÅ“urs pour tous, c'est croire que les différences ethniques, régionales, sociales et religieuses viennent après et ne sont pas des obstacles; croire que les autres sont des frères et des sÅ“urs, membres de la même communauté humaine; croire que tous sont destinataires de la paix apportée dans le monde par Jésus».
Alors que le pays, riche en minerais, est pillé depuis des décennies, les chrétiens sont appelés «à briser le cercle de la violence, à démanteler les complots de la haine», à «être la conscience de paix du monde». Des consciences critiques, a-t-il précisé, mais surtout des témoins d’amour, «non pas ceux qui cherchent leurs intérêts, mais des missionnaires de l'amour fou que Dieu a pour chaque être humain.»
«Choisissons d'être des témoins du pardon, des acteurs dans la communauté, des personnes en mission de paix dans le monde», a conclu le successeur de Pierre, avant de terminer sur un proverbe en lingala, «Moto azalí na matói ma koyóka, ayoka, moto azalí na motéma mwa kondima, andima», «Celui qui a des oreilles pour entendre, qu’il entende, celui qui a le cÅ“ur pour consentir, qu’il consente».
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