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Le Pape François lors de l'´¡²Ô²µÃ©±ô³Ü²õ du 27 mars 2022 Le Pape François lors de l'´¡²Ô²µÃ©±ô³Ü²õ du 27 mars 2022  ɻ徱³Ù´Ç°ù¾±²¹±ô

Le Pape parle de paix, mais...

À propos d’une technique qui vise à revoir à la baisse les paroles de François lorsqu’il lance des appels de circonstance.

Andrea Tornielli

«Le Pape parle contre le réarmement, mais... Le Pape est le Pape, mais... Le Pape ne peut dire que ce qu'il dit, mais...» . Il y a toujours un «mais» qui, dans de nombreux commentaires embarrassés, accompagne le non à la guerre sans équivoque prononcé par François, dans le but de le contextualiser et de l'affaiblir. Ne pouvant interpréter les paroles de l'évêque de Rome dans le sens voulu, ne pouvant en aucune façon les «détourner» en faveur de la course aux armements accélérée suite à la guerre d'agression déclenchée par Vladimir Poutine contre l'Ukraine, alors on prend élégamment distance, en disant que oui, le Pape ne peut que dire ce qu'il dit, mais qu'ensuite la politique doit décider. Et la politique des gouvernements occidentaux décide d'augmenter de plusieurs milliards, déjà nombreux, la dépense pour un armement nouveau et toujours plus sophistiqué. Des milliards qui n'ont pas pu être trouvés pour les familles, pour la santé, pour le travail, pour l'hospitalité, pour lutter contre la pauvreté et la faim.

La guerre est une aventure sans retour, répète François sur les traces de ses prédécesseurs immédiats, notamment de saint Jean-Paul II. Les propos du Pape Wojtyla à l'occasion des deux guerres en Irak et dans les Balkans ont également été «contextualisés» et «détournés», même au sein de l'Église. Le Pape, qui au début de son pontificat demandait de ne pas avoir peur d'ouvrir «les portes du Christ», a plaidé en vain en 2003 auprès de trois dirigeants occidentaux désireux de renverser le régime de Saddam Hussein, leur demandant de s’arrêter. Près de vingt ans plus tard, qui peut nier que le cri anti-guerre de ce Pontife était non seulement prophétique, mais aussi empreint d'un profond réalisme politique? Il suffit de regarder les ruines de l'Irak tourmenté, longtemps transformé en réservoir de tous les terrorismes, pour comprendre combien le regard du saint Pontife polonais était clairvoyant.

La même chose se produit aujourd'hui, avec le Pape qui ne cède pas au caractère inévitable de la guerre, au tunnel sans issue que représente la violence, à la logique perverse du réarmement, à la théorie de la dissuasion qui a truffé le monde d’assez d'armes nucléaires pour anéantir plusieurs fois l'humanité.

«J'ai eu honte, a déclaré récemment François, lorsque j'ai lu qu'un groupe d'États s'était engagé à consacrer deux pour cent de leur PIB à l'achat d'armes, en réponse à ce qui se passe actuellement. De la folie! La vraie réponse n'est pas plus d'armes, plus de sanctions, plus d'alliances politico-militaires, mais une autre approche, une autre façon de gouverner le monde désormais globalisé, et non pas en montrant les dents comme aujourd'hui; une autre façon d’envisager les relations internationales. Le modèle de thérapie est déjà en place, Dieu merci, mais malheureusement il est encore soumis à celui du pouvoir économico-technocratico-militaire», déclarait-il le 24 mars dernier.


Le non à la guerre de François, un non radical et convaincu, n'a rien à voir avec une prétendue neutralité et ne peut être présenté comme une position partisane ou motivée par des calculs politico-diplomatiques. Dans cette guerre, il y a les agresseurs et les agressés. Il y a ceux qui ont attaqué et envahi, tuant des civils sans défense, déguisant hypocritement le conflit sous le couvert d'une «opération militaire spéciale»; et il y a ceux qui se défendent vigoureusement en luttant pour leur propre terre. Le Successeur de Pierre l'a dit à plusieurs reprises en des termes très clairs, condamnant sans détour l'invasion et le martyre de l'Ukraine qui dure depuis plus d'un mois. Cela ne signifie pas pour autant qu'il «bénit» l'accélération de la course aux armements, déjà entamée depuis un certain temps étant donné que les pays européens ont augmenté leurs dépenses militaires de 24,5% depuis 2016, car le Pape n'est pas «l'aumônier de l'Occident» et il répète qu'aujourd'hui, être du bon côté de l'histoire c’est être contre la guerre et pour la recherche de la paix, ne laissant rien d’intenté. Certes, le Catéchisme de l'Église Catholique reconnait le droit à la légitime défense. Il pose toutefois des conditions, en précisant que le recours aux armes ne doit pas causer un mal et un désordre plus grands que le mal à éliminer, et rappelle que dans l'appréciation de cette condition, «la puissance des moyens modernes de destruction» a un très grand poids. Qui peut nier que l'humanité soit aujourd'hui au bord de l'abîme, précisément à cause de l'escalade des conflits et de la puissance des «moyens modernes de destruction» ?

«La guerre, a dit le Pape François dimanche à l'Angélus, ne peut pas être quelque chose d'inévitable: nous ne devons pas nous habituer à la guerre!. Au contraire, nous devons convertir l'indignation d'aujourd'hui en engagement de demain. Parce que, si nous sortons de cette affaire comme avant, nous serons tous coupables d'une manière ou d'une autre. Face au danger d'autodestruction, que l'humanité comprenne que le temps est venu d'abolir la guerre, de l'effacer de l'histoire humaine avant qu'elle n'efface l'homme de l'histoire».


Il est donc nécessaire de prendre au sérieux le cri, l'appel répété du Pape: son invitation s’adresse précisément aux hommes politiques afin qu’ils y réfléchissent, et qu’ils s’y engagent. Il est nécessaire d'avoir une politique forte et une diplomatie créative, pour poursuivre la paix, sans négliger aucune piste ; pour arrêter le tourbillon pervers qui, en quelques semaines, anéantit l'espoir d'une transition écologique et redonne de l'énergie à la grande affaire du commerce et du trafic d'armes. Le vent de guerre renverse les aiguilles de l'histoire et nous replonge dans une époque que l'on espérait définitivement archivée après la chute du mur de Berlin.

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28 mars 2022, 14:00