Supplication au Seigneur pour la guérison d'un monde blessé et souffrant
Cette cérémonie au format inédit s’est tenue dans une atmosphère de profonde gravité, quelques minutes après l’annonce du bilan humain de près d’un millier de mortsdu Covid-19 pour cette seule journée en Italie, un chiffre aussi glaçant que la pluie et le froid qui balayaient la Place Saint-Pierre, vide de tout pèlerin. Après la proclamation d'un extrait de l’Évangile, tiré du 4e chapitre de saint Marc, le Pape François, abrité sous l’auvent habituellement utilisé pour les audiences générales et les messes en extérieur, a délivré une méditation mettant en relief les points communs entre la crise traversée par les disciples dans ce récit, et celle vécue actuellement par une grande partie de la population mondiale, confrontée à une pandémie d’une ampleur inconnue dans l’histoire récente, et aux effets sociaux et économiques dévastateurs.
«Depuis des semaines, la nuit semble tomber. D’épaisses ténèbres couvrent nos places, nos routes et nos villes ; elles se sont emparées de nos vies en remplissant tout d’un silence assourdissant et d’un vide désolant, qui paralyse tout sur son passage : cela se sent dans l’air, cela se ressent dans les gestes, les regards le disent. Nous nous retrouvons apeurés et perdus», a souligné le Pape. «Comme les disciples de l’Evangile, nous avons été pris au dépourvu par une tempête inattendue et furieuse. Nous nous nous rendons compte que nous nous trouvons dans la même barque, tous fragiles et désorientés, mais en même temps tous importants et nécessaires, tous appelés à ramer ensemble, tous ayant besoin de nous réconforter mutuellement».
Tout comme les disciples, nous pouvons nous sentir «perdus» et surpris par l’attitude de Jésus dans cette scène de l’Évangile : «Malgré tout le bruit, il dort serein, confiant dans le Père – c’est la seule fois où, dans l’Evangile, nous voyons Jésus dormir –. Puis, quand il est réveillé, après avoir calmé le vent et les eaux, il s’adresse aux disciples sur un ton de reproche : “Pourquoi êtes-vous si craintifs ? N’avez-vous pas encore la foi ?” (v. 40).»
Les disciples réagissent en adressant aussi un reproche à Jésus : «â€śMaître, nous sommes perdus ; cela ne te fait rien ?” (v. 38). Ils pensent que Jésus se désintéresse d’eux, qu’il ne se soucie pas d’eux. Entre nous, dans nos familles, l’une des choses qui fait le plus mal, c’est quand nous nous entendons dire : “Tu ne te soucies pas de moi ?”. C’est une phrase qui blesse et déclenche des tempêtes dans le cĹ“ur. Cela aura aussi touché Jésus, car lui, plus que personne, tient à nous. En effet, une fois invoqué, il sauve ses disciples découragés.»
Une supplication au Seigneur pour guérir une humanité blessée
«La tempête démasque notre vulnérabilité et révèle ces sécurités, fausses et superflues, avec lesquelles nous avons construit nos agendas, nos projets, nos habitudes et priorités (…) avec des habitudes apparemment “salvatrices”, incapables de faire appel à nos racines et d’évoquer la mémoire de nos anciens, en nous privant ainsi de l’immunité nécessaire pour affronter l’adversité», a remarqué François.
S’adressant directement au Seigneur dans une supplication dramatique, seul devant une Place Saint-Pierre vide, sous la pluie et la pénombre, le Pape a évoqué les péchés de l’humanité. «Dans notre monde, que tu aimes plus que nous, nous sommes allés de l’avant à toute vitesse, en nous sentant forts et capables dans tous les domaines. Avides de gains, nous nous sommes laissé absorber par les choses et étourdir par la hâte. Nous ne nous sommes pas arrêtés face à tes rappels, nous ne nous sommes pas réveillés face à des guerres et à des injustices planétaires, nous n’avons pas écouté le cri des pauvres et de notre planète gravement malade. Nous avons continué notre route, imperturbables, en pensant rester toujours sains dans un monde malade. Maintenant, alors que nous sommes dans une mer agitée, nous t’implorons : “Réveille-toi Seigneur !”»
Le Carême, une chance pour réorienter sa vie
Ce temps de Carême est une occasion pour «réorienter la route de la vie vers toi, Seigneur, et vers les autres. Et nous pouvons voir de nombreux compagnons de voyage exemplaires qui, dans cette peur, ont réagi en donnant leur vie. C’est la force agissante de l’Esprit déversée et transformée en courageux et généreux dévouements. C’est la vie de l’Esprit capable de racheter, de valoriser et de montrer comment nos vies sont tissées et soutenues par des personnes ordinaires, souvent oubliées, qui ne font pas la une des journaux et des revues, ni n’apparaissent dans les grands défilés du dernier show, mais qui, sans aucun doute, sont en train d’écrire aujourd’hui les évènements décisifs de notre histoire : médecins, infirmiers et infirmières, employés de supermarchés, agents d’entretien, fournisseurs de soin à domicile, transporteurs, forces de l’ordre, volontaires, prêtres, religieuses et tant et tant d’autres qui ont compris que personne ne se sauve tout seul».
Saisir les opportunités de reconstruire du lien
Toujours attaché au soin du lien entre les générations, François s’est réjoui de voir des liens familiaux se retisser en ces temps de confinement : «Combien de pères, de mères, de grands-pères et de grands-mères, combien d’enseignants montrent à nos enfants, par des gestes simples et quotidiens, comment affronter et traverser une crise en réadaptant les habitudes, en levant les regards et en stimulant la prière ! Combien de personnes prient, offrent et intercèdent pour le bien de tous. La prière et le service discret : ce sont nos armes gagnantes !», s’est exclamé le Pape.
François a souligné que la force de Dieu consiste à «orienter vers le bien tout ce qui nous arrive, même les choses tristes. Il apporte la sérénité dans nos tempêtes, car avec Dieu la vie ne meurt jamais.» «Dans l’isolement où nous souffrons du manque d’affections et de rencontres, en faisant l’expérience du manque de beaucoup de choses, écoutons une fois encore l’annonce qui nous sauve : il est ressuscité et vit à nos côtés.»
Le Pape s’est enfin adressé à tous ceux qui l’écoutaient, non pas physiquement, mais par le biais de la radio, de la télévision et des médias numériques : «Chers frères et sĹ“urs, de ce lieu, qui raconte la foi, solide comme le roc, de Pierre, je voudrais ce soir vous confier tous au Seigneur, par l’intercession de la Vierge, salut de son peuple, étoile de la mer dans la tempête. Que, de cette colonnade qui embrasse Rome et le monde, descende sur vous, comme une étreinte consolante, la bénédiction de Dieu. Seigneur, bénis le monde, donne la santé aux corps et le réconfort aux cĹ“urs. Tu nous demandes de ne pas avoir peur. Mais notre foi est faible et nous sommes craintifs. Mais toi, Seigneur, ne nous laisse pas à la merci de la tempête. Redis encore : “N’ayez pas peur” (Mt 28, 5). Et nous, avec Pierre, “nous nous déchargeons sur toi de tous nos soucis, car tu prends soin de nous” (cf. 1P 5, 7). », a conclu François.
Adoration et bénédiction Urbi et Orbi avec le Saint-Sacrement
Le Saint-Père s'est esnuite rendu devant l'image de la Salus Populi Romani et le crucifix de Saint Marcel, dont l’exposition avait mis fin, en 1522, à la grande peste de Rome. François est ensuite entré dans l'atrium par la porte centrale de la basilique. L'adoration du Saint-Sacrement exposé sur l'autel, enveloppé d'encens, était rythmé par une prière de supplication pour demander au Seigneur de sauver l'humanité, et dont voici une traduction en français:
«Vrai Dieu et vrai homme, réellement présent en ce Saint-Sacrement, nous t’adorons, Seigneur.
Notre Sauveur, Dieu avec nous, fidèle et riche de miséricorde, nous t’adorons Seigneur.
Roi et Seigneur de la Création et de l’Histoire, nous t’adorons, Seigneur.
Vainqueur du péché et de la mort, nous t’adorons, Seigneur.
Ami de l’homme, ressuscité et vivant à la droite du Père, nous t’adorons, Seigneur.
Fils unique du Père, descendu du Ciel pour notre Salut, nous croyons en Toi, Seigneur.
Médecin céleste, qui t’inclines sur notre misère, nous croyons en Toi, Seigneur.
Agneau immolé, qui t’offres pour nous racheter du mal, nous croyons en Toi, Seigneur.
Bon Pasteur, qui donnes la vie pour ton troupeau, nous croyons en Toi, Seigneur.
Pain vivant et médecin d’immortalité qui nous donnes la vie éternelle, nous croyons en Toi, Seigneur.
Du pouvoir de Satan et des séductions du monde, libère-nous, Seigneur.
De l’orgueil et de la quête de pouvoir, libère-nous, Seigneur.
Des engrenages de la peur et de l’angoisse, libère-nous, Seigneur.
De l’incrédulité et du désespoir, libère-nous, Seigneur.
De la dureté de cĹ“ur et de l’incapacité à aimer, libère-nous Seigneur.
De tous les maux qui affligent l’humanité, sauve-nous, Seigneur.
De la faim, de la famine et de l’égoïsme, sauve-nous, Seigneur.
Des maladies, des épidémies et de la peur du frère, sauve-nous, Seigneur.
De la folie dévastatrice, des intérêts sans pitié et de la violence, sauve-nous, Seigneur.
Des tromperies, de la mauvaise information et des manipulations de la conscience, sauve-nous Seigneur.
Regarde ton Église qui traverse le désert. Console-nous, Seigneur.
Regarde l’humanité, frappée par la peur et par l’angoisse. Console-nous, Seigneur.
Regarde les malades et les moribonds, opprimés par la solitude. Console-nous, Seigneur.
Regarde les médecins et les opérateurs de santé, épuisés par la fatigue. Console-nous, Seigneur.
Regarde les responsables politiques et les administrateurs, qui portent le poids des choix. Console-nous, Seigneur.
À l’heure de l’épreuve et de la perte, donne-nous ton Esprit, Seigneur.
Dans la tentation et dans la fragilité, donne-nous ton Esprit, Seigneur.
Dans le combat contre le mal et le péché, donne-nous ton Esprit, Seigneur.
Dans la recherche du vrai bien et de la vraie joie, donne-nous ton Esprit, Seigneur.
Dans la décision de demeurer en Toi et dans ton amitié, donne-nous ton Esprit, Seigneur.
Si le péché nous opprime, ouvre-nous à l’espérance, Seigneur.
Si la haine nous ferme le cĹ“ur, ouvre-nous à l’espérance, Seigneur.
Si la douleur nous visite, ouvre-nous à l’espérance, Seigneur.
Si l’indifférence nous angoisse, ouvre-nous à l’espérance, Seigneur.
Si la mort nous anéantit, ouvre-nous à l’espérance, Seigneur.»
Après la supplication, le rite de la bénédiction eucharistique Urbi et Orbi a suivi, adressé à la ville de Rome et au monde entier. Le cardinal Angelo Comastri, archiprêtre de la basilique Saint-Pierre, a prononcé la formule pour la proclamation de l'indulgence. Tous ceux qui ont reçu la bénédiction eucharistique par la radio, la télévision et d'autres technologies de communication, mais aussi tous ceux qui se sont unis à cet évènement simplement dans la prière même sans accès aux médias, ont obtenu l'indulgence plénière dans la forme établie par l'Église.
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