Le Pape aux religieuses: ne pas confondre “service” et “servitude”
Cyprien Viet – Cité du Vatican
«L’abus des religieuses est un problème sérieux», a d’emblée reconnu le Pape François, qui s’est dit «conscient des problèmes ici aussi à Rome», où il a reçu de nombreuses informations à ce sujet. Il ne s’agit pas seulement d’abus sexuels, mais aussi d’abus de conscience et de pouvoir. Une femme ne doit pas entrer dans la vie religieuse pour être une domestique au service des prélats. «Le service, oui, la servitude, non», a martelé plusieurs fois le Pape.
Sur la question globale des abus, le Pape a expliqué que «nous sommes en train de prendre conscience de ce problème avec beaucoup de honte, une honte qui est “une grâce de Dieu”», a-t-il souligné. Il a invité à la patience, en insistant sur le temps nécessaire à la concrétisation des changements. «Certaines organisations de défense des victimes n’ont pas été contentes de la réunion de février. Je les comprend parce qu’il y a beaucoup de souffrance, mais les problèmes dans la vie se résolvent avec des processus», et non par des décisions spectaculaires qui ne s’inscriraient pas dans la durée.
La diversité des charismes
Dans un contexte de baisse des vocations religieuses féminines, le Pape a reconnu le risque de la peur, de la pusillanimité, du repli. Mais le petit nombre ne doit pas empêcher de transmettre la lumière de Dieu, selon les différentes cultures, les rythmes de vie, les contextes sociaux.
François a mis en évidence la diversité des styles et des charismes des différentes congrégations représentées, ce dont il s’est réjoui. Et il a souligné que la réflexion sur la fonction des femmes consacrées dans l’Église doit aller au-delà des seuls aspects pratiques et fonctionnels, même s'ils sont importants, avec l'éventuelle présence de femmes comme chefs de dicastère au Vatican. Mais il faut réfléchir plus en profondeur. «L’Église est féminine, elle est l’épouse du Christ»: le Pape a invité une nouvelle fois à prendre pleinement conscience de ce que cela implique.
Le développement de la Révélation
Durant une quarantaine de minutes ensuite, l’évêque de Rome s’est livré à une séance de questions-réponses, dans une ambiance très fraternelle et détendue. Répondant à une première interpellation, venue d’une franciscaine allemande, sur la façon dont les religieuses peuvent comprendre ce dont a besoin l’humanité aujourd’hui en s’inspirant de l’attitude de Jésus, le Pape a répondu que l’Église catholique s’est constituée avec des dogmes mais que la Révélation se développe perpétuellement.
Le message du Christ ne change pas, mais la façon de la comprendre et de le recevoir change: «La façon de comprendre la foi, après Vatican II, est différente de la façon de comprendre la foi avant Vatican II, parce qu’il y a un développement de la conscience», avec des conséquences concrètes sur des phénomènes comme la peine de mort, désormais illicite alors qu’elle était licite autrefois. En s’inspirant d’une citation latine de Vincent de Lérins, “va ut annis consolidetur, dilatetur tempore, sublimetur aetate”, François a expliqué que l’Église se construit en chemin, en dialogue, à condition de rester fidèle à la Révélation, en témoignant concrètement de l’espérance de ses membres dans le Christ ressuscité. Le discernement doit rester la clé de tout engagement, car «nous sommes catholiques», il ne s’agit pas de «se créer sa propre Église».
Une autre sĹ“ur a remarqué qu’une présence masculine dans les réunions de l’UISG serait utile pour transmettre les expériences des religieuses. Le Pape lui-même s’est dit disponible pour participer au moins à une partie de la prochaine assemblée plénière. Il a salué l’engagement des ˛ő˛ŐłÜ°ů˛ő auprès des personnes les plus fragiles, un «ministère de la fragilité» qui est «le miroir de l’incarnation du Seigneur».
Le soutien au dialogue Ĺ“cuménique et interreligieux
L’évêque de Rome a aussi été interrogé sur la question du dialogue Ĺ“cuménique, qui s’incarne notamment dans le service commun des pauvres et dans le martyre commun, vécu par exemple dans l’Allemagne nazie par des prêtres catholiques et des prêtres luthériens dont le sort était lié, où encore en Ouganda par des fidèles catholiques et anglicans. «L’œcuménisme se fait en chemin», avec des actions communes concrètes, et non pas seulement avec «la réflexion théologique». Quant au dialogue avec les autres religions, il doit se baser sur des «valeurs communes» comme par exemple, avec l’islam, le respect de la vie des enfants nouveaux nés ou qui ne sont pas encore nés.
L’attention au Soudan du Sud
Enfin, la dernière question a été posée par une religieuse du Soudan du Sud, sĹ“ur Alice Drajea, supérieure générale de la Congrégation des SĹ“urs du Sacré-CĹ“ur de Jésus, qui a remercié le Pape François pour ses nombreux gestes en faveur de son pays, et lui a demandé quand il viendrait le visiter. Le Pape a rappelé sa volonté d’effectuer un voyage conjoint avec l’archevêque de Canterbury, espérant que ce soit possible en septembre, sur le chemin de son voyage au Mozambique, à Madagascar et à l’île Maurice, mais ce n’est pas encore fixé.
Il y a quelques semaines, François a été touché de voir les dirigeants du Soudan du Sud venir participer à une retraite au Vatican. «Ils déjeunaient dans la salle à manger commune, où moi je déjeune, et je les voyais là, à table, comme des novices, qui mangeaient en se taisant. Ceux-là même qui faisaient la guerre ! Ils se taisaient parce qu’ils pensaient à la méditation que leur avaient donné le catholique, l’épiscopalien, l’anglican (…) Aucune nation n’a fait cela, seulement eux, ils sont courageux», a remarqué le Pape.
Enfin François a invité les religieuses sud-soudanaises à s’investir dans le processus de réconciliation nationale. Il faut qu’il y ait «des femmes fortes, qui fassent avancer cela, ce sera très important», a-t-il souligné.
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