La FAO veut mobiliser 1,6 milliards de dollars pour le financement de projets au Sahel
Entretien réalisé par Françoise Niamien - Cité du Vatican
La 3e édition du Forum de l’Investissement, ''Main dans la Main'', a enregistré la présence d’une trentaine de pays, dont 7 des 10 pays de l’Afrique de l’ouest où la FAO met en Å“uvre une initiative spécifique aux pays du Sahel pour réduire la pauvreté et la faim.
Tout en soulignant l’intérêt d’un tel forum pour les pays du Sahel, Mehdi Drissi, le chargé de liaison au bureau sous-régional de la FAO pour l’Afrique de l’Ouest, dans un entretien accordé à Pope, a notamment souligné les difficultés de financement de ces projets d’investissement: «Nous parlons d'un peu plus 1,6 milliard et aujourd'hui, nous ne les avons pas».
Que comprendre de la dénomination de ce forum d'investissement ''Main dans la Main'' surtout pour les pays du Sahel?
La dénomination ''Main dans la Main'', signifie simplement que tous, nous devons travailler de façon à augmenter les investissements en Afrique, et, notamment dans les pays du Sahel, pour améliorer la sécurité alimentaire et nutritionnelle afin que le développement agricole et rural soient de plus en plus significatifs dans divers domaines.
Alors, l'initiative ''Main dans la Main'', est une décision globale de la FAO. Elle est mise en Å“uvre et est présente à travers les cinq continents.
Il y en a deux en Afrique; dont une, très importante, dans les pays du Sahel. Et l’autre en Afrique du Sud, qui est complètement tournée vers le commerce des systèmes alimentaires.
En Afrique de l'Ouest, notre initiative est beaucoup plus dans une optique d'accélérer la transformation des systèmes agroalimentaires et leurs transformations de manière plus durable pour l'ensemble des populations.
Quels ont été les objectifs de ce forum pour l’Afrique de l’Ouest?
Notre objectif est de fournir une plateforme à tous les organismes et toutes les institutions régionales du pays du Sahel, comme la Communauté Économique des États de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) ou encore le Comité permanent inter-État de Lutte contre la Sécheresse dans le Sahel (CILSS). Et ce, pour que les pays concernés puissent partager leurs besoins d'investissement, étant donné que l'initiative est avant tout portée par les gouvernements, là nous, nous les appuyons dans la rédaction de ces plans d'investissement avec les besoins pour pouvoir atteindre divers objectifs.
Et ce forum ''Main dans la Main '' qui est une plateforme aux organismes et institutions régionales, aux gouvernements, s’est déroulé dans un esprit de dialogue avec nos invités qui sont les partenaires traditionnels; les investisseurs potentiels notamment le secteur privé, les banques de développement bien sûr pour financer et mettre en Å“uvre ces propositions d'investissement dans cette optique d'améliorer la sécurité alimentaire et nutritionnelle au Sahel.
Quels sont les intérêts d'un tel forum pour les pays du Sahel?
L’intérêt, c'est tout simplement d'obtenir des fonds et des investissements conséquents pour réduire la pauvreté et la faim dans les 7 pays du Sahel. Et cela se fait avec le soutien de la FAO, en tentant de mobiliser avec les autorités nationales et les organismes régionaux afin que nous puissions sensibiliser un large éventail d'investisseurs, les banques multilatérales de développement, le secteur privé, des donateurs divers et variés.
Ainsi, pour tous les pays du Sahel, nous avons besoin d'investir à travers cette vaste initiative régionale. Nous avons également à couvrir les besoins du Sahel en matière d'irrigation, en matière d'accès et d'intégration au marché, et aussi en matière de formation, formation de l'ensemble des agriculteurs, de toute la chaîne de l'agriculture. Nous devons les former en tenant compte dans innovations dans tous ces domaines qui permettent de lutter contre la raréfaction de l'eau, les problèmes de maîtrise de l'eau et à l'intégration au marché pour tous les produits générés par l'agriculture parce que c'est quelque chose qui fait vraiment défaut aujourd'hui. On produit en Afrique et on a des difficultés à accéder aux marchés.
De cette rencontre qui vient de se tenir à Rome, où en êtes-vous au niveau des investissements au Sahel?
L'initiative a commencé, il y a trois ans en se fixant des objectifs à long terme. Et chaque année nous faisons le point des plans d’investissements au niveau des pays, mais aussi au niveau des sous-régions, en l'occurrence pour nous l'Afrique de l'Ouest.
Ces points nous permettent de savoir où nous en sommes au niveau des financements, mais aussi de l'avancement des trois grandes priorités, c’est-à-dire assurer une gestion et une gouvernance durables des terres et de l'eau; transformer la production agroalimentaire, les systèmes de post-production et le commerce, et, renforcer les capacités institutionnelles pour le développement de la résilience.
Et là nous soulignons que les choses avancent très bien puisqu'on est parti de zéro il y a trois ans et là nous en sommes à 38 pays en Afrique globalement et 12 en Afrique de l'Ouest qui sont parties prenantes.
Aussi, nous avons des plans d'investissement que nous avons conçus et avec les gouvernements et d'autres partenaires. Aujourd’hui, nous sommes dans la phase de mise en place, sachant que les financements manquent encore parce que nos objectifs sont très importants.
Nous avons besoin de 536 millions de dollars américains en matière d'irrigation et 1,1 milliard de dollars pour l'intégration des marchés, pour l'accès au marché. Donc nous parlons d'un peu plus 1,6 milliard et aujourd'hui, nous ne les avons pas.
C’est pourquoi nous continuons de travailler, de mobiliser toutes les parties intéressées parce que ces objectifs doivent absolument être conclus. Déjà, en 2013, il y a eu une conférence majeure à Dakar, au Sénégal. De cette conférence, il était conclu qu'il fallait que d'ici 2025, qu'on puisse avoir un million d'hectares irrigués en Afrique de l'Ouest.
Aujourd'hui, nous sommes entre 450 et 600 000 hectares. Nous n'avons pas encore atteint cet objectif, c'est quand même conséquent d'être arrivé à près de 600 000 hectares selon les évaluations diverses, mais on en est encore loin.
L'an prochain à Dakar, il y aura ''le Dakar +10''. Et justement, il y a différentes initiatives, dont celles ''Main dans la Main'', qui se sont fédérées de façon à pouvoir atteindre cet objectif.
Il y a des programmes de la Banque mondiale qui sont en cours, un premier et un deuxième qui commenceront en 2025, évidemment avec des fonds qui ont été donnés au gouvernement et à la FAO.
Il y a également ''les autoroutes de l'eau'', qui sont un grand projet, financé par l'Union Européenne. Et, tout cela constitue finalement une stratégie unique avec des partenaires engagés qui sont les mêmes et pour viser à cela parce que l'eau, c'est tout, c'est tout pour l'agriculture. Car sans eau, il n'y a pas d'agriculture. Donc c'est avant tout ça, de façon à pouvoir augmenter la production et la productivité.
Les pays concernés participent -ils au financement de ces projets?
Bien entendu, l'essentiel vient des gouvernements, que le projet concerne en premier lieu., toutefois entant que tête de fil nous travaillons à la sensibilisation des institutions financières internationales, le secteur privé et bien d'autres de façon à les accompagner parce que les sommes sont considérables et les gouvernements eux-mêmes ne sont pas à même de pouvoir assumer tous ces coûts.
En plus des budgets qui sont mis à disposition par les gouvernements de ces eux-mêmes avec leurs propres plans nationaux, nous avons besoin que toutes les structures de financement, soutiennent toujours plus ces initiatives dont les autoroutes de l'eau en vue de faire face aux problématiques de l’accès à l’eau en Afrique de l’ouest.
Justement qu’en est-il du Fouta-Djalon considéré comme «le château d’eau» de l’Afrique de l’Ouest?
Aujourd’hui, le massif du Fouta-Djalon, en Guinée, est aujourd’hui dans un état de dégradation avancée. Nous avons organisé une réunion de mission de haut niveau, cette année 2024, pour alerter la communauté internationale sur les conséquences négatives.
Il est évident que si ce château d'eau n'existe plus, c'est tous les pays d'Afrique de l'Ouest qui vont en pâtir.
Il faut savoir que des grands fleuves partent du Fouta-Djallon: le fleuve Niger, le fleuve Sénégal et près de 8000 cours d'eau. Donc si on ne maîtrise pas l'eau parce qu'on ne maîtrise plus le massif du Fouta- Djallon, c'est terriblement que les conséquences seront mesurées.
Quel est votre mot de la fin?
Ma conclusion, c'est qu'il faut qu'on continue toujours plus et ce forum a été une véritable réussite. On a réussi à sensibiliser le secteur privé et les banques de développement multilatéral de façon à ce qu'on puisse maintenant avoir davantage d'investissements qui permettront d'inter-agir immédiatement avec les pays sur les opportunités existantes et sur les objectifs à tenir pour que l'agriculture puisse se développer comme il se doit en Afrique de l'Ouest. Tout cela incombe aux populations d'Afrique de l'ouest et nulle autre personne d’ailleurs.
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