Le CICR alerte contre les entraves à l’aide humanitaire au Soudan
Alexandra Sirgant – Cité du Vatican
Après quinze mois de guerre au Soudan, les négociations pour une sortie de crise sont au point mort. Le général Abdel Fattah al-Burhan, chef des Forces armées soudanaises (FAS), a récemment fermé la porte au dialogue avec les paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR), menées par le général Mohammed Hamdan Daglo, et leurs milices alliés. Selon l'ONU au moins 15 500 personnes ont été tuées 2 millions de personnes ont fuit le pays depuis le déclenchement de la guerre le 15 avril 2023, et la crise humanitaire ne cesse d’empirer. 25 millions de personnes sont par ailleurs en proie à une insécurité alimentaire aiguë, mais les entraves à l’aide humanitaire sur le terrain empêchent les ONGs et institutions, telle que le Comité international de la Croix-Rouge, d’accéder aux civils. dénoncent l’utilisation de la famine commune «arme de guerre» pour affamer les populations civiles.
«Dès qu’il s’agit de traverser les lignes de front pour accéder aux zones de conflit, que ce soit à Wad Madani ou Khartoum, c’est tout de suite beaucoup plus compliqué d’obtenir les accords des partis, qui est nécessaire pour avoir la sécurité» explique Pierre Dorbes, chef de la délégation du CICR basé à Port-Soudan, devenu la capitale administrative du pays. C’est également le cas à El Fasher, chef-lieu du Nord-Darfour et seule capitale des cinq états du Darfour à ne pas être aux mains des FSR. «El Fasher est complètement assiégée en ce moment, il n'y a rien qui rentre, et dans les autres zones au centre du pays (…) les télécommunications ne fonctionnent pas, donc c’est impossible pour nous à ce stade d’acheminer de l’aide [dans ces zones], mais c’est également impossible de savoir ce qu’il s’y passe réellement» déplore-t-il.
, l’ONG alerte sur la possibilité de nettoyage ethnique menée à l’encontre des Massalits et autres communautés non arabes par les Forces de soutien rapide, qui regroupent des groupes paramilitaires principalement arabes, à El-Geneina, capitale de l’État du Darfour occidental.
Hormis l’impossibilité pour le CICR d’intervenir dans des zones jugées trop dangereuses, les autorisations ne sont également pas toujours données aux humanitaires pour mener à bien leur mission. «Il faut que la communauté internationale négocie et fasse pression sur les acteurs du conflit pour simplifier les processus administratifs, nous donner des visas et faciliter l'acheminement de l'aide et l'accès au pays, y compris quand on doit traverser des lignes de front» souligné le chef de délégation du CICR sur place, en poste depuis octobre 2023.
Un conflit oublié
En trente ans de carrière dans l’humanitaire, Pierre Dorbes explique n’avoir jamais connu une crise d’une telle ampleur. «10 millions de personnes déplacées dans le pays, cela représente de 20 à 25% de la population» martèle-t-il. Le Soudan connait la pire crise humanitaire au monde et pourtant, le conflit «ne fait pas la Une des journaux». Le manque d’attention médiatique explique le sous financement de la réponse humanitaire. À titre d'exemple, la mission de l'ONU responsable du Soudan demande , mais aujourd’hui seul 15% des besoins ont été financés.
«Les donateurs sont nettement moins généreux pour le Soudan qu'ils ne peuvent l'être pour des contextes beaucoup plus médiatisés, (…) ce qui rend la réponse humanitaire, dans le pays mais aussi bien dans les pays limitrophes, beaucoup plus limités». Parmi les 2 millions de personnes qui ont fui le pays, 35% se sont réfugiés au Soudan du Sud et 33% au Tchad, deux pays également confrontés à une crise alimentaire d’une extrême gravité.
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