Découvertes archéologiques sous les fenêtres de Radio Vatican
Maria Milvia Morciano – Cité du Vatican
Des fouilles minutieuses sont menées au pied du palazzo accueillant les locaux de Pope-Radio Vatican, dans le cadre de travaux conduits par la ville de Rome afin de fluidifier le trafic lors du prochain Jubilé. Ces fouilles stratigraphiques ont permis de découvrir des vestiges importants, dont certains remontent à la première moitié du Ier siècle de notre ère. En particulier, des vestiges d'un portique donnant sur le Tibre et de grands jardins appartenant à l'empereur Caligula ont été mis au jour.
Un luxueux jardin donnant sur les eaux du Tibre a été découvert dans la zone où doit être édifié un tunnel souterrain avant le Jubilé de 2025. Le jardin est bordé par un mur massif en terrasses, fait de blocs de travertin, qui s'étend parallèlement au fleuve. Le long de ce mur se trouvent les fondations en briques d'un portique à colonnades.
Après la découverte d'une fullonica (blanchisserie ou foulerie) bien conservée de la seconde moitié du IIe siècle après J.-C. avec des éléments complets tels que des dolia (grandes jarres "décapitées" utilisées comme bassins de lavage) et trois bassins de rinçage, les fouilles dirigées par la Surintendance spéciale de Rome sous la direction de Daniela Porro, avec la coordination sur le terrain de l'archéologue Dora Cirone et la direction scientifique d'Alessio De Cristofaro, ont permis de documenter trois autres phases de construction, de l'époque augustéenne (27 av JC - 14 apr. JC) à l'époque néronienne (54-68).
Parmi les découvertes, un fragment de conduite d'eau en plomb (fistula aquaria), portant l'inscription "C(ai) Caesaris Aug(usti) Germanici", identifiant l’empereur Caligula (de 37 à 41 après J.C.) comme propriétaire, est particulièrement significatif. Cela permet de nommer le propriétaire du système d'approvisionnement en eau et de dater la première phase de construction de ce complexe. L'inscription est cruciale pour d'autres raisons, note Alessio De Cristofaro, car elle indique que cette zone faisait partie des jardins d'Agrippine l'Aînée, la mère de Caligula. Au siècle dernier, la découverte d'autres tuyaux de plomb sur la Piazza Pia portant l'inscription "Iulia Augusta", probablement en référence à Livia Drusilla, seconde épouse d'Auguste et grand-mère de Germanicus, suggère que la villa était un héritage familial transmis par la lignée des Augustes à Caligula.
Parmi les découvertes les plus sophistiquées, on trouve plusieurs plaques datant de la première moitié du Ier siècle, utilisées pour recouvrir des drains postérieurs. Il s'agit de reliefs en terre cuite, réalisés à l'aide de moules, représentant des scènes mythologiques ou des armoiries, et qui ornaient à l'origine un toit.
Ces découvertes archéologiques sont d’autant plus suggestives qu’elles font écho à des sources littéraires convergentes, qui éclairent les découvertes matérielles. Ces textes semblant se référer spécifiquement à cette zone située sur la rive droite du Tibre.
Dans son ouvrage "De legatione ad Gaium", Philon d'Alexandrie raconte son expérience en tant qu'ambassadeur à Rome, envoyé sur place pour demander la fin de la persécution des Juifs à Alexandrie. Il décrit une première rencontre avec Caligula, notant que «nous recevant d'abord favorablement, dans les plaines sur les rives du Tibre (car il se promenait dans le jardin de sa mère), il s'entretint avec nous de manière formelle, et agita sa main droite pour nous protéger, nous donnant des gages significatifs de sa bonne volonté...». Philon fait là référence à une zone extérieure des Jardins d'Agrippine, près d'une entrée proche du Tibre.
Quant à Sénèque, dans son dialogue "De ira", il écrit: Caligula, «se promenant entouré de femmes et de sénateurs dans les jardins de sa mère, que le portique sépare du fleuve, décapita certains d'entre eux à la lueur d'une lampe... ». Dans ce cas, la description est encore plus précise et semble confirmer les découvertes faites Piazza Pia, sous les fenêtres de Radio Vatican.
Dans ces passages, écrits peu après la mort de l'empereur, Philon parle de l'insensibilité de Caligula aux supplications des Juifs d'Alexandrie, et Sénèque de sa cruauté insensée à l'égard des sénateurs. Cependant, tous deux soulignent clairement le lien topographique étroit entre les jardins et le Tibre, comme le confirment les récentes découvertes sur la Piazza Pia.
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