Au Honduras, une violence endémique avec 11 homicides par jour
Jean-Charles Putzolu – Cité du Vatican
Bien que le nombre d’assassinats ait diminué au Honduras, le pays reste l’un des plus violents au monde. Le taux d’homicides s’est élevé à 36 pour 100 000 habitants en 2022. Ces dernières semaines, c’est dans plusieurs prisons que cette violence s’est déchaînée. Des batailles rangées entre détenues d’une prison pour femmes a fait 46 morts fin juin, nécessitant l’intervention musclée des forces de police. Les détenues appartenaient à des gangs rivaux et étaient lourdement armées. Ce dernier détail laisse deviner la connivence, et par conséquent, le degré de corruption des autorités carcérales qui ont laissé entrer des armes à feu dans l’enceinte de la prison.
«J'ai été très attristée par ce qui s'est passé il y a quelques jours au centre pénitentiaire pour femmes de Támara, au Honduras. Une terrible violence entre bandes rivales a semé la mort et la souffrance. Je prie pour les défunts, je prie pour leurs familles», avait déclaré le Pape François, après la prière de l’angélus, dimanche 25 juin. «Que la Vierge de Suyapa, Mère du Honduras, aide les cÅ“urs à s'ouvrir à la réconciliation et à faire place à la coexistence fraternelle, même à l'intérieur des prisons», implorait alors le Souverain pontife argentin.
La violence dans les prisons est aussi l’aboutissement d’une politique répressive contre les maras, les gangs armés, voulue par la présidente Xiomara Castro. Les membres des gangs sont systématiquement arrêtés et incarcérés dans des prisons surpeuplées. Les incidents meurtriers qui se multiplient dans les prisons sont en réalité le reflet d’une violence largement répandue dans la société hondurienne. «Cette violence prend différentes formes», explique Daniel Vasquez, doctorant au CNRS et spécialiste du Honduras, qui vont «des organisations criminelles du type ‘maras’, les gangs, à d'autres sortes de structures criminelles liées plus étroitement au narcotrafic». Géographiquement, le Honduras est situé dans le couloir de la drogue, partant du Venezuela et de la Colombie, vers le Mexique et les États-Unis.
Une politique répressive et populiste
Même si le trafic de drogue est la principale activité de la criminalité organisée, le racket est une autre activité lucrative qui impacte directement l’économie du pays. La plupart des petites et moyennes entreprises sont contraintes de verser «un impôt de guerre» aux gangs. Cette forme d’extorsion grignote l’économie depuis plusieurs décennies, sans que les différentes politiques mises en places par les gouvernements ne parviennent à l’éradiquer. Sur ce point, Daniel Vasquez observe que la présidente Xiomara Castro, comme ses prédécesseurs, «répète les mêmes erreurs du passé, au lieu d’adopter une politique de sécurité stratégique». Depuis décembre 2022, l’état d’exception a été instauré. Cette mesure est accompagnée par «une forte augmentation des budgets des forces armées au détriment des dépenses sociales comme la santé». Le doctorant au CNRS, résidant à Tegucigalpa, dresse un constat sévère: «Ce sont des politiques qui visent à gagner en popularité, mais ce sont des politiques de court terme et ce qui compte, c'est d'avoir quelque chose à montrer à l’occasion de la prochaine campagne électorale». Et de poursuivre: «Que ce soit l'actuel gouvernement ou les gouvernements précédents, ils ne sont pas là pour la mise en place de politiques de développement ou de restructuration. Ce qui compte, c'est de se faire réélire, de profiter du pouvoir pour s'enrichir dans une logique de pillage les ressources de l'État». Quant à la corruption, elle «gangrène toutes les instances de la société, que ce soit les entreprises privées, les forces armées, les partis politiques ou les gouvernements».
L'autre approche des Églises
Dans ce contexte quasi-démissionnaire de l’État, les institutions religieuses, catholiques ou protestantes évangéliques, sont parmi les rares à Å“uvrer sur le terrain, essayant de proposer une autre approche à cette problématique, majoritairement orientée vers la réinsertion sociale des anciens détenus et des membres des bandes armées. Un modèle, selon Daniel Vasquez, qui mériterait le soutien de la communauté internationale, laquelle «pourrait renforcer les institutions indépendantes dans le pays et mettre un peu plus l'accent sur les organisations humanitaires qui travaillent notamment de manière volontaire, avec peu de ressources».
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