L'économiste Nicholas Stern récompensé par l'Université catholique du Sacré-Cœur
Nicholas Herbert Stern est économiste, britannique, auteur en 2006 du premier rapport sur les aspects économiques du changement climatique. Un ouvrage connu et reconnu dans le monde entier. Le «Rapport Stern» préconise une révision de la manière d’organiser les économies pour «se concentrer sur l’investissement et l’innovation» si l’on veut éviter le «risque d’une immense destruction».
Le professeur d'économie, directeur du Grantham Research Institute on Climate Change and the Environment à la London School of Economics and Political Science et directeur de l'India Observatory, a indiqué la réaction nécessaire face au changement climatique en termes d'action économique et politique dans la lectio magistralis intitulée «Vers une nouvelle approche du développement et de la croissance: l'économie de l'action sur le changement climatique», présentée à Milan vendredi 16 décembre à l’Université Catholique du Sacré Coeur.
Les conséquences du changement climatique trop longtemps ignorées
Nicholas Herbert Stern a été salué «pour ses connaissances profondes ainsi que pour la qualité et la pertinence de son activité institutionnelle et son engagement pour une cause de la plus haute valeur éthique telle que l'endiguement du changement climatique et de ses conséquences dramatiques pour l'ensemble de l'humanité et, en particulier, pour les populations des zones les plus pauvres de la planète», a expliqué la doyenne Elena Beccalli en énonçant les motivations de l’Université qui, à l'unanimité, a approuvé l’attribution du diplôme honorifique.
Le professeur Stern est reconnu pour «avoir attiré l'attention sur les questions éthiques liées au réchauffement climatique qui ont longtemps été négligées, voire omises, par le monde universitaire et les institutions», contribuant «de manière incisive à changer l'attitude des universitaires et des gouvernements à l'égard des politiques de lutte contre le changement climatique», à tel point qu'elles sont désormais une priorité dans l'agenda de nombreux gouvernements dans le monde, précise le communiqué de l’Université milanaise.
Des points communs entre le rapport Stern et la Laudato sì
Le recteur, Franco Anelli, s'est attardé sur le «double service rendu à la science et aux institutions» par l'économiste anglais, qui distingue les chercheurs capables de saisir «les voies les plus utiles pour aborder les questions cruciales pour l'avenir de l'humanité».
Selon Franco Anelli, «il existe un point de contact significatif entre l'approche de l'Å“uvre de Lord Stern et les réflexions du pape François». Malgré les méthodes et les objectifs diffèrent, le rapport Stern et l'encyclique Laudato si' du Saint-Père attirent tous deux l'attention sur la complexité du problème environnemental, suggérant qu'il doit être abordé selon une approche intégrale. En effet, a souligné le recteur Anelli, «seule une action concertée entre la politique et la science (économique) peut contribuer à trouver des solutions aux crises dans lesquelles nous sommes plongés». Cela s'applique non seulement aux problèmes environnementaux, mais aussi à tous les domaines de la vie sociale: il suffit de penser à la gestion de la pandémie et, à bien des égards, de la guerre en Ukraine. De ce point de vue, le rôle des universités reste crucial, surtout si elles s'inspirent de l’ample vision que le pape François invite à adopter non seulement dans la recherche, mais aussi dans la vie quotidienne (Laudato si', n° 197). Et l'approche multidimensionnelle qui a toujours guidé le travail de Nicholas Stern est «un modèle à suivre pour nos étudiants», a déclaré le recteur.
Un modèle économique à revoir en profondeur
Lord Stern n'a pas caché sa préoccupation face à un «modèle de croissance et de développement» qui s'est avéré jusqu'à présent ruineux et destructeur pour l'ensemble de la planète, et suivi au détriment des nouvelles générations. Selon l'économiste britannique, le monde se trouve à un «moment historique crucial» qui appelle à «agir ensemble», pour combattre un «ennemi commun»: le changement climatique et la destruction de la biodiversité. Pour cela, nous avons besoin, selon l’économiste, d'une «nouvelle forme de croissance et de développement, beaucoup plus productive, efficace et attrayante que les chemins destructeurs du passé». Pour y parvenir, il est nécessaire d’identifier les stratégies clés pour lesquelles il est essentiel de «déployer nos capacités économiques, technologiques, politiques et organisationnelles». Il s’agit donc de changer de paradigme dans les systèmes économiques dont les moteurs doivent être l'investissement et l'innovation. Pour Nicholas Herbert Stern, «nous devons investir pour changer nos systèmes énergétiques, la façon dont nous organisons les transports et le fonctionnement de nos villes. Nous devons modifier nos systèmes d'utilisation des sols, notamment en restaurant les terres et les forêts dégradées». Citant une étude réalisée par ses collègues de la London School of Economics, le lauréat britannique a ajouté que les investissements «pourraient entraîner une augmentation du taux d'investissement dans les pays les plus riches de 2 ou 3 points de pourcentage du PIB», tandis que «pour les marchés et les économies émergentes, cette augmentation serait de l'ordre de 4 ou 5 points de pourcentage de leur PIB».
Les investissements doivent être rendus possibles par la «collaboration entre les secteurs privé et public». Mais ils doivent être accompagnés par une analyse économique minutieuse, une responsabilité sociale et une utilisation différente des instruments économiques disponibles. Nicholas Stern précise: «nous devrons revoir notre approche de la géographie économique et examiner l'économie et la dynamique du changement des systèmes, y compris dans les villes et les territoires. Heureusement, nos jeunes économistes commencent à envisager ces questions sous un angle nouveau, mais je crains que notre profession, surtout au niveau des cadres supérieurs, ne soit trop conservatrice pour changer au rythme requis».
L'émergence d'une nouvelle génération de responsables
Un changement de cap substantiel nécessite des dirigeants appropriés et des stratégies claires. En ce sens, une forte impulsion peut venir de la jeune génération: «une partie du leadership nécessaire peut provenir des mouvements de jeunesse, des organisations non gouvernementales et des responsables religieux», soutient Nicholas Stern, ajoutant que le Pape et d'autres responsables religieux ont été très clairs et fermes. François, par exemple, a déclaré que «si nous détruisons la création, la création nous détruira».
D'où l'appel de l’économiste britannique: «nous avons effectivement une nouvelle histoire de croissance devant nous, mais nous devons agir rapidement et énergiquement pour y parvenir. Notre travail, en tant qu'analystes et universitaires, est de plaider en faveur de l'action et de nous engager directement, aussi clairement que possible, auprès des décideurs politiques et du grand public. Cela peut et doit être au cÅ“ur de notre travail pour transformer ce que nous pouvons faire en ce que nous allons faire». «Je pense que l'Europe, première grande région à agir sur le climat, peut et doit être un leader dans cette action internationale», a encore commenté Nicholas Stern.
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