ÃÛÌÒ½»ÓÑ

Le nouveau ministre de l'Économie Sergio Massa (à gauche) et le président argentin Alberto Fernández Le nouveau ministre de l'Économie Sergio Massa (à gauche) et le président argentin Alberto Fernández  Les dossiers de Radio Vatican

Le paradoxe économique de l’Argentine

Plus du tiers de la population argentine vit sous le seuil de ±è²¹³Ü±¹°ù±ð³Ùé. L’inflation est l’une des plus forte au monde. Le gouvernement peine à concilier les exigences du FMI, de retour dans le pays, avec les revendications des syndicats qui le soutiennent. L’Argentine paie là le prix fort de la pandémie de Covid-19.

Entretien réalisé par Xavier Sartre – Cité du Vatican

Trois ministres de l’Économie en moins d’un mois : le gouvernement argentin a du mal à gérer la crise sociale et financière qui s’est abattue sur le pays depuis la fin de la pandémie de Covid-19. L’inflation n’est pas nouvelle. Déjà, le gouvernement de Mauricio Macri a eu recours à la planche à billet pour faire face à une précédente crise. Or, pour faire face aux besoins financiers entrainés par le quasi arrêt de l’économie pendant plusieurs mois au plus fort de la pandémie, le gouvernement d’Alberto Fernández, a lui aussi contribué à renforcer la hausse des prix qui aujourd’hui s’établit à 60% sur les douze derniers mois.

L’Argentine vit donc un paradoxe économique : faible chômage, croissance économique forte mais inflation élevée ce qui provoque une hausse de la pauvreté, explique Denis Merklen, sociologue, directeur de l’Institut des hautes études de l’Amérique latine à Paris. Grand exportateur de produits agricoles comme la viande bovine ou le blé ou le soja, l’Argentine bénéficie de la hausse au niveau mondial des prix des matières premières agricoles. Mais «les producteurs argentins veulent vendre leurs produits aux Argentins au même prix qu’à l’étranger», poursuit le spécialiste de l’Argentine, ce qui ne fait que renforcer l’inflation.

Un gouvernement affaibli

Face à cela, le gouvernement est démuni et n’a pas les outils pour agir sur les prix, alimentant ainsi le mécontentement des plus pauvres qui paient les conséquences de cette spirale inflationniste. Les conséquences sont aussi politiques : l’aile gauche de la coalition, dirigée par la vice-présidente et ancienne chef de l’État Cristina Kirchner, pousse à prendre des mesures de soutien aux plus défavorisés. Or, Alberto Fernández doit composer avec le Fonds monétaire international qui a accepté de renégocier ses prêts à condition que le déficit primaire du gouvernement soit contenu. C’est la quadrature du cercle que doit résoudre le nouveau ministre de l’Économie, Sergio Massa, président de la Chambre des députés jusqu’à présent.

Dans ce contexte, la population est partagée entre lassitude et colère. «Les Argentins sont très fatigués : il y a un grand pessimisme, une grande défiance vis-à-vis de toute la classe politique. La société est divisée de toute part» confie Denis Merklen qui n’exclut pas des manifestations de mécontentement dans la rue.

Trop d’économie informelle

Ce n’est pas la première fois que l’Argentine connait une grave crise économique. Or, il y a un élément que les gouvernements successifs n’ont pas affronté, estime le directeur de l’Institut des hautes études de l’Amérique latine : le secteur informel, encore très développé dans le pays (un tiers des emplois) et qui ne permet pas l’intégration sociale explique-t-il. «Les Argentins ont oublié que le travail pouvait être protégé, stabilisé, entouré de protection sociale». En cas de crise, comme lors de la pandémie de Covid-19, «les gens plongent immédiatement dans la pauvreté par manque de ressources» et de protection. «La légalisation du travail devrait être la priorité de la politique sociale du gouvernement» conclut Denis Merklen.

Entretien avec Denis Merklen, directeur de l'Institut des hautes études sur l'Amérique latine

Merci d'avoir lu cet article. Si vous souhaitez rester informé, inscrivez-vous à la lettre d’information en cliquant ici

10 août 2022, 08:45