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Entretien réalisé par Hélène Destombes - Cité du Vatican

L鈥檃ssassinat du président Jovenel Moïse le 7 juillet dernier dans sa résidence privée de Port-au-Prince a marqué une nouvelle étape dans la profonde crise politique et sécuritaire que traverse le pays. Roody Edmé, éditorialiste du journal haïtien 鈥淟e National鈥�, éducateur et professeur d鈥檋istoire et de littérature contemporaine admet que «l鈥檃nnée a été particulièrement difficile».

«L鈥檃ssassinat du président a été le summum d鈥檜ne violence qui était latente. C鈥檈st un acte spectaculaire qui a choqué l鈥檕pinion publique», relève t-il. Ces derniers mois, les bandes armées ont étendu leur emprise sur Port-au-Prince. Elles contrôlent désormais les axes routiers qui conduisent aux trois terminaux pétroliers que compte le pays. Selon les Nations unies, environ un tiers de la capitale est touché par les activités criminelles et la violence propagées par quelque 95 gangs armés.

Les gangs étendent leur emprise en toute impunité

Les groupes rivaux, qui se disputent le territoire, multiplient les enlèvements et assassinats, profitant du délitement de l鈥�État et de l'impuissance du système judiciaire. Le 16 octobre, 17 membres d鈥檜ne ONG missionnaire américaine et leur famille étaient enlevés par le gang «400 Mawozo», dans la banlieue de Port-au-Prince. Les 12 derniers détenus ont été libérés ce 16 décembre. «C鈥檈st la première fois qu鈥檌l y a autant d鈥檌nsécurité dans les rues» déplore Roody Edmé.

«Les gangs sont en train de conquérir le territoire en agissant comme s'ils avaient des franchises dans certaines zones auparavant protégées». Les enlèvements sont devenus un phénomène endémique et «les forces de police ne parviennent pas à endiguer ce mal». Les deux priorités aujourd鈥檋ui en Haïti sont la lutte contre l鈥檌mpunité et la corruption. «Il faut donc absolument renforcer la police et réformer la justice».

La corruption gangrène l鈥檈nsemble de la société

Le système politique en Haïti est défaillant, reconnait l鈥�éditorialiste du journal 鈥淟e National鈥�. «Il est rongé par la corruption qui touche les hautes sphères du pouvoir politique et économique mais elle s鈥檌mmisce aussi dans les structures populaires, les bidonvilles où les personnes vivent de petits boulot, de magouilles car c鈥檈st un système de survie qui s鈥檈st installé».

Le pays, le plus pauvre du continent américain, a par ailleurs subi une nouvelle catastrophe naturelle. Le 14 août le Grand Sud a été frappé par un tremblement de terre de magnitude 7,2 sur l鈥�échelle de Richter qui a fait 2 200 morts et plus de 12 000 blessés. Près de 4 000 maisons et 170 écoles ont été détruites. «Quelque 400 000 enfants ne sont toujours pas retournés à l鈥�école».

La société civile haïtienne terreau du changement

Dans ce contexte extrêmement sombre, plusieurs membres de la société civile se mobilisent pour construire une nouvelle nation. «Un projet, appelé la transition de rupture, a été élaboré par 鈥渓e groupe Montana鈥�, qui se bat pour le changement tout comme 鈥渓e carrefour de l鈥檈spoir鈥� qui regroupe des personnes d鈥檌déologies ou de religions différentes engagées dans la transformation de la société haïtienne».

«On perçoit de plus en plus un réveil de la société civile haïtienne dans différents secteurs. C鈥檈st un signe d鈥檈spoir», se réjouit Roody Edmé qui invite la communauté internationale à se joindre aux forces internes progressiste, qui souhaitent le changement pour redresser le pays. «Le peuple haïtien ne souhaite pas d鈥檌ngérence mais cela ne veut pas dire que nous ne voulons pas de solidarité, d鈥檃ides techniques de pays amis».

Fraternité et non pas assistanat

L鈥�éditorialiste haïtien met toutefois en garde contre la manière dont est pensée cette aide. «Nous ne voulons pas de pitié, d鈥檃ssistanat mais nous avons besoin de supports, de dialogue et d'écoute des voix haïtiennes». Tout comme le Pape sensibilise à la situation en Haïti, «il est important que la communauté internationale s鈥檌ntéresse à nous sans considérer Haïti comme le pays de la fatalité mais comme un pays d鈥檈spérance où des femmes et des hommes se battent pour transformer leur vie».