Latifa Ibn Ziaten: «Ce prix me donne encore plus de courage et de volonté»
Entretien réalisé par Olivier Bonnel – Cité du Vatican
Ce 4 février est célébrée la première Journée internationale de la Fraternité humaine. Parmi ces célébrations figure la remise du prix Zayed pour la fraternité humaine. Les lauréats ont été annoncés hier lors d'une conférence de presse virtuelle. Il s’agit d’António Guterres, 9e secrétaire général de l'Organisation des Nations Unies et de Latifah Iben Ziaten, fondatrice de l'association Imad pour la jeunesse et la paix, qui a perdu son fils dans l’attentat terroriste perpétré à Toulouse en 2012, et a transformé sa peine en une action de sensibilisation des jeunes. Nous avons recueilli sa réaction:
Ce prix m’a vraiment donné le bonheur, l’espoir, malgré cette blessure profonde dans mon cÅ“ur. Cela va m’aider à me relever encore plus et à tendre la main à cette jeunesse. Ce prix Zayed est un prix pour la paix, pour la fraternité, c’est vraiment important.
C’est le premier prix qui sera remis à la fois par le Grand Imam d’Al-Azhar et par le Pape François, qui se sont beaucoup rapprochés ces dernières années. Quelle signification y a-t-il, selon vous, à ce que des personnalités si importantes portent ce prix?
C’est extraordinaire qu’ils aient été ensemble pour signer ce document pour la fraternité, c’est énorme, excellent, c’est quelque chose d’historique, et j’espère que nous tous allons continuer à aller vers la jeunesse, vers le monde entier.
En quoi cette récompense va-t-elle vous aider dans votre travail, un travail de fond que vous faites auprès des jeunes et dans les écoles depuis plusieurs années maintenant?
Cela va beaucoup m’aider car je fais des projets éducatifs, avec des groupes de jeunes avec lesquels on part à l’étranger: Israël, Palestine, Maroc, pays européens… Pour montrer l’échange, le vivre-ensemble, pour connaître le respect de l’autre, respecter la différence de l’autre. Pour mon travail, cela va me faciliter beaucoup de choses, cela va m’ouvrir des portes, encore plus. Cela va me donner encore plus de courage et de volonté pour continuer dans ma démarche, cette mission que j’appelle «le combat pour la paix».
En octobre dernier, lorsqu’il y a eu l’attentat à la cathédrale de Nice, vous avez très vitre fait part de vos condoléances et de votre soutien aux catholiques. Aujourd’hui, selon vous, pourquoi est-il important que les religions puissent s’impliquer dans la construction de la paix et le dialogue, s’exprimer sur ces sujets-là?
C’est important de s’exprimer sur la foi, de parler avec son cÅ“ur et d’aller vers l’autre, sans imposer la religion à l’autre. Mais il est important aujourd’hui de parler de foi et de paix, parce que la religion aide. Moi, quand j’ai perdu mon fils, c’est ma foi qui m’a le plus aidée.
La foi m’a aidée à me relever, car j’ai prié jour et nuit, j’ai dit à Dieu «Aide-moi». Et chaque lieu où je rentrais, que ce soit une église, une synagogue, n’importe où, j’allumais une bougie pour la paix, pour calmer cette douleur que j’ai dans mon cÅ“ur. La foi est importante. Il est important de croire et de parler aussi de la religion, car la religion c’est la paix. Cela ne parle que de la paix, du vivre-ensemble, de la tolérance et de l’amour. Chaque religion parle d’amour, et l’amour aujourd’hui, on en a vraiment besoin.
Lorsque vous recevrez ce prix, dans quel état d’esprit serez-vous?
C’est important. Je dis: «Voilà, ils ont vu mon travail, ils sont conscients. Ils ont vu cette mère qui fait trois-quatre conférences par semaine, dans les écoles, dans les prisons, dans les foyers…» Cela fait pas mal d’années que je fais ce travail sur le terrain. Ce prix-là arrive dans mon cÅ“ur et je serai – je l’espère et j’en suis certaine – à la hauteur, pour aller jusqu’au bout grâce à ce prix-là, le garder avec beaucoup de fierté. Je vous assure que ce prix-là va changer beaucoup de choses dans mon cÅ“ur, dans mon esprit, me donner une aide avec des portes qui me seront bientôt ouvertes.
J’étais vraiment touchée de parler avec le Pape François. Cela m’a énormément touchée. J’espère qu’un jour je le verrai et serrerai sa main. Ce sera un grand honneur pour moi de voir ce grand Pape. Cela fait un petit moment que j’en rêve. Il est venu au Maroc, mais je n’ai pas eu la chance de le voir, et j’espère aller le voir à Rome, ce serait un grand honneur de le voir, que ce soit lui ou le Cheikh bin Zayed Al Nahyan, deux grandes personnalités qui resteront gravées dans ma vie.
Cela fait maintenant un peu plus de huit ans que vous faites ce travail. Est-ce que la société française va mieux, malgré les discours de violence ou de haine que l’on peut souvent entendre et qui font la une des médias. Avez-vous le sentiment que les choses avancent?
Oui elles avancent. Elles avancent, c’est important car sinon je ne continuerais pas à faire mon travail. Vraiment, aujourd’hui, il ne faut pas lâcher. Le jeune a besoin d’un cadre et d’un message de paix. Si l’on est plusieurs, on arrivera à ramener le calme dans le monde. Ces jeunes ont besoin d’aide car ils sont enfermés. Si l’on ouvre toutes ces cités qui sont fermés, si l’on donne sa chance à cette jeunesse, je suis sûre que l’on vivra tous ensemble sans problème. Il y a un travail énorme à faire, mais je vous l’assure, ça change... Ce n’est pas comme avant.
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