Fukushima: les Églises du Japon et de Corée s'opposent au rejet de l'eau contaminée en mer
Lisa Zengarini et Marie Duhamel – Cité du Vatican
Les évêques japonais et sud-coréens se joignent aux profondes inquiétudes exprimées par les militants écologistes, les autorités locales et les pêcheurs quant à l'hypothèse étudiée par le gouvernement de Yoshihide Suga de jeter à la mer l'eau contaminée utilisée pour le refroidissement de la centrale nucléaire de Fukushima après l'accident catastrophique du 11 mars 2011.
En 2011, un puissant séisme de magnitude 9,1 et un tsunami ont fait 18 000 morts et disparus, et gravement endommagé la centrale nucléaire de Fukushima Daiichi, notamment les systèmes de refroidissement de la centrale, provoquant la fonte de trois cœurs de réacteur et la chute du combustible nucléaire au fond de leurs cuves de confinement primaire. Pour refroidir les cœurs de réacteur, des milliers de mètres cubes d’eau ont été utilisés. Elles ont été récupérées et stockées dans plus d’un millier de conteneurs installés aux abords des réacteurs de la centrale accidentée pour ne pas contaminer les terres ou le Pacifique.
Problème: ces méga-réservoirs contiennent plus de 1,23 million de tonnes d’eau, soit presque 500 piscines olympiques, et devraient être pleins d’ici 2022. Aussi, le gouvernement revient aujourd’hui à un projet rejeté en 2019 car très impopulaire, celui de rejeter toute cette eau à la mer une fois qu’elle aura été décontaminée de la majeure partie de ses substances radioactives, à l’exception par exemple du tritium, grâce à un procédé d'élimination multi-nucléides (Advanced Liquid Processing System - Alps). Le rejet à la mer est privilégié par rapport à une évaporation dans l’air ou un stockage souterrain, car il serait plus rapide et moins coûteux.
Des risques de rejet radioactif dans la mer
Mais les commissions "Justice et Paix" et "Environnement" des épiscopats japonais et sud-coréens ont exprimé leur ferme opposition à ce scénario. Dans une récente lettre conjointe adressée au Premier ministre japonais Yoshihide Suga, les deux épiscopats citent des études qui confirment que même après avoir été traitée, l'eau reste toujours contaminée à tous égards et donc dangereuse pour la santé.
Selon les évêques japonais et coréens, les assurances offertes par les autorités japonaises sont basées sur des données expérimentales incomplètes et donc encore peu fiables. Ils soulignent en particulier la dangerosité du tritium qui ne peut être filtré par les procédés de décontamination. Cette substance, selon certaines recherches, peut causer la mort du fœtus, la leucémie infantile et le syndrome de Down (la trisomie 21). Les évêques sont également préoccupés par les effets à long terme des eaux traitées sur l'écosystème marin, avec ses inévitables répercussions sur l'économie locale qui vit de la pêche. La seule certitude, disent-ils, est qu'une fois déversée dans l'océan, la matière radioactive restera dans la mer.
Penser aux générations à venir
D'où l'appel pressant à la recherche de solutions alternatives, «nous avons la responsabilité de transmettre aux générations futures un environnement dans lequel elles puissent vivre en sécurité et dans la plus grande tranquillité», écrivent les prélats. Leur missive se termine par les mots du Pape François dans son encyclique : «dans un monde qui nous a été transmis, nous ne pouvons plus regarder la réalité uniquement en termes utilitaires, en orientant l'efficacité et la productivité uniquement vers notre profit individuel. La solidarité entre les générations n'est pas une option supplémentaire, mais une question élémentaire de justice».
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