Chili: 70 théologiens dénoncent les violations des droits de l'homme
Cécile Mérieux – Cité du Vatican
Malgré l'annonce d'une série de mesures sociales mardi par le président Sebastian Piñera, des dizaines de milliers de personnes continuent de manifester contre les inégalités sociales au Chili. Pillages et affrontements avec les forces de l'ordre continuent de se produire dans plusieurs villes du pays et dans la périphérie de la capitale.
Un collectif de 70 théologiens chiliens, hommes et femmes, a publié mercredi sur le site internet de Redes Cristianas (Réseaux Chrétiens) une déclaration de soutien aux contestataires du gouvernement Piñera, appelant de leurs vÅ“ux l’avènement d’une nouvelle société chilienne.
L’objectif de la démarche est clairement exprimé : «Avec nos diverses confessions chrétiennes, nous souhaitons contribuer au dialogue social pour que les Chiliens se réunissent en une nouvelle coexistence dans la justice et l'équité.» Sur le modèle du célèbre discours «I have a dream» de Martin Luther King en 1963 à Washington, le collectif fait le tableau de la société chilienne dont ils rêvent, impliquant un changement de paradigme sociétal.
En finir avec la répression
«Le Chili n'est pas en guerre, affirme le collectif de théologien, un Chili injuste et abusif meurt et le nouveau peuple est déjà né. Bienheureux ceux qui se battent pour cette justice.» Les 70 signataires apportent leur soutien aux manifestants chiliens et incitent tous les intellectuels du pays à rallier la cause du peuple descendu dans la rue.
En premier lieu, ils demandent que cesse les violences des manifestations qu’ils imputent notamment aux forces armées mandatées par le gouvernement. «Nous demandons à nos autorités de mettre fin à la militarisation des rues, de ne pas criminaliser ni de réprimer les manifestations légitimes et pacifiques, d’écouter attentivement la population exprimer son malaise et de se mettre à son service pour donner suite aux revendications longtemps négligées.»
Près d'une semaine après le début de la fronde sociale, plusieurs régions et la capitale Santiago restent placées sous état d'urgence et quelque 20.000 militaires et policiers sont encore déployés dans le pays. Depuis le début des troubles, le 18 octobre, au moins 18 personnes sont mortes, dont cinq tuées par des tirs des forces de l'ordre, selon des chiffres officiels, mais des associations évoquent un bilan plus élevé, dépassant une quarantaine de morts. «Nous dénonçons les violations des droits de l'homme que la police et les autres forces armées de l'État commettent sous le regard indolent des autorités.» Une mission onusienne a été dépêchée pour enquêter sur de présumées violations des droits humains.
Le rêve d’une nouvelle société chilienne
Tandis que les protestataires réclament des réponses à la pire crise sociale traversée par le Chili en trente ans, les théologiens rêvent de liberté et de bien commun «où les habitants puissent être maitres de leurs vies, déclarent-ils, où nous construirions une coexistence qui conduise au bonheur».
Les théologiens soulignent la nécessité d’établir un «débat national» qui permettra de mettre un terme à la «précarité de la vie» et la «la dégradation de la situation socio-environnementale». Leurs pistes de rénovation sociale sont multisectorielles : «Nous rêvons d’un pays qui développe son système sanitaire et d’éducation publique, qui construit des villes démocratiques et des moyens de transport décents et efficaces, accessibles à tous les habitants; qui traite les travailleurs avec dignité et justice, tant dans leurs conditions de travail que dans leurs retraites, sur la base d’un système universel et coopératif.»
Le modèle sociétal rêvé par les théologiens place l’intégration des populations au cÅ“ur de son dynamisme. Ils soulignent l’importance d’entretenir de bonnes relations entre citoyens en prenant soin des uns et des autres. Ils insistent sur la nécessité du respect de tous «en portant un soin particulier aux enfants et à notre planète.»
La religion comme chemin vers l’émancipation
Tous chrétiens mais de confessions différentes, les théologiens sont unanimes pour désigner les religions comme sources d’éducation à la liberté. «Dans nos traditions religieuses, il y a des graines de transformation sociale que nous pouvons cultiver : "Le bien-être est l’œuvre de la justice" (Isaïe 32.17) et non l’œuvre de la simple croissance économique au profit de quelques-uns. Nous invitons toutes les religions, toutes les Églises et toutes les traditions spirituelles à chercher en elles les plus belles semences d’émancipation, de paix et de liberté, afin de les mettre au service d’une société nouvelle fondée sur le respect, la justice et la reconnaissance des besoins des plus vulnérables.»
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