Changement de règne inédit au Japon
Entretien réalisé par Marie Duhamel - Cité du Vatican
Les portraits ou calendriers à l’effigie du prochain empereur ne suscitent pas d’achats compulsifs de la part des Japonais. Seulement 20% d’entre eux estimeraient que la nouvelle ère apportera un souffle nouveau. Il y aurait néanmoins une floraison de mariages à cette occasion, alors que 10 jours de vacances ont été accordés aux Japonais.
Deux caractères élégamment peints sur un panneau blanc
Le 1er avril dernier, toutes les télévisions japonaises ont diffusé en direct et simultanément la conférence de presse lors de laquelle le nom de la nouvelle ère a été révélé. Elle s’appellera Reiwa, «vénérable harmonie», deux syllabes qui s’étaient déjà embrassées dans un poème japonais. Presque immédiatement, le Premier ministre japonais, Shinzo Abe, s’est réjoui de ce nom qui laisse augurer «une civilisation où règne une harmonie entre les êtres».
Naruhito, l’héritier
Comme l’impose le protocole de la Maison impérial, le nouvel empereur sera le fils aîné de l’actuel couple impérial, Naruhito, un homme discret, musicien et sportif. Né en 1960, éduqué comme son frère et sa sÅ“ur par ses parents et non par des précepteurs, il étudia l’histoire à l’université Gakushuin puis à Oxford, en Grande-Bretagne. Sa vie ne lui permettant pas de voyager librement, il se passionne ainsi pour les routes et les transports et rédige une thèse sur la navigation et le commerce sur la Tamise.
Après trois refus à ses demandes de mariage, Naruhito finit par épouser en 1993 Masako Owada, la fille d’un diplomate ancien président de la Cour de justice international. Elle est elle-même diplômée d’Harvard et d’Oxford, mais elle a du mal à vivre sous le joug des règles impériales. Ils ont une petite fille en 2003, mais aucun garçon, et ainsi aucun héritier.
Première abdication en 200 ans
Le 1er mai, Naruhito deviendra donc le 126ème empereur du Japon, à la faveur d’une abdication. Sentant ses forces faiblir, son père, Akihito, 86 ans, a en effet décidé de renoncer à son titre en 2016, après 30 ans passés sur le trône du chrysanthème dont la loi a dû être réformée pour lui permettre de se retirer finalement ce mardi 30 avril.
La cérémonie d’abdication, «Taiirei-Seiden-no-gi», aura lieu dans la salle de l’État du palais impérial à 17h, heure locale, devant 330 dignitaires, représentant les pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire. Il remettra deux des trois symboles du trône : l’épée et les bijoux impériaux. Le Premier ministre Shinzo Abe annoncera l’abdication et l’empereur Akihito prendra la parole, pour la dernière fois en public.
Au Japon, l’empereur n’est plus considéré comme un dieu, il est privé de pouvoir depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Selon la Constitution, il est privé des droits fondamentaux reconnus à ses concitoyens. Il se doit d’être exemplaire. Il est considéré comme le symbole, sans tâche, de la nation.
Jean-Marie Bouissou est normalien, agrégé d’histoire. Après avoir vécu quinze ans au Japon, il a été directeur de recherche et enseignant à Sciences Po Paris dont il est aujourd’hui le représentant à Tokyo. Il revient sur l’ère Heisei qui s’achève.
Jean-Marie Bouissou vient de publier Les Leçons du Japon. Un pays très incorrect aux éditions Fayard
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