Mgr Scicluna : «Que la Méditerranée ne soit plus un cimetière mais un lieu d’accueil»
Entretien réalisé par Antonella Palermo-Cité du Vatican
Mes deux premiers sentiments sont d’abord un grand soulagement pour les gens qui ont vécu cette épreuve très dure, -et c’est sans doute un euphémisme de parler «d’expérience très dure»-, et ensuite la gratitude envers les pays d’Europe qui ont coopéré et montré une «solidarité concrète», pour reprendre les mots de l’appel du Saint-Père le jour de l’Epiphanie, et le gouvernement de Malte qui a insisté pour cette solidarité concrète. A l’avenir, je souhaite que se créent des garanties et des structures de solidarité afin qu’une expérience comme celle-ci ne se répète pas.
Quel a été l’impact de l’appel du Pape François lors de l’Angélus pour la résolution de cette crise ?
Ce que fait le Pape est toujours un rappel à la conscience de l’humanité. C’est une parole paternelle qui n’oblige personne, mais avec cet appel sincère a rappelé à l’humanité que la civilité se mesure à l’aune de la solidarité concrète dont nous faisons preuve les uns envers les autres.
Que souhaitez-vous concernant la prise en charge des migrants qui ont vécu ce drame ?
Espérons d’abord que soit respecté le principe de l’unité familiale, et selon moi, les autorités européennes ont à cÅ“ur de ne pas séparer les familles. La deuxième chose est un principe de solidarité qui respecte aussi le principe de proportionnalité et montre aussi comment peut fonctionner un système prend en charge une responsabilité qui lui incombe. Nous, pays du sud de l’Europe, avons toujours dit que notre porte n’est pas seulement une porte vers un pays en particulier mais une porte sur l’Europe, par conséquent quand des migrants viennent frapper à la porte méridionale de l’Europe, il est juste qu’elle réponde comme Union Européenne. Si l’UE n’est présente que les jours de beau temps et que nous nous renfermons chacun dans nos petites maisons quand le temps est mauvais, cela ne peut fonctionner…
L’Eglise vaudoise s’est montrée d’emblée disponible à accueillir plus de dix personnes, c’est une mobilisation très Å“cuménique…
Ce sont pour moi des moments d’œcuménisme qui sont vraiment la gloire du christianisme. Saint Jean-Paul II parlait d’œcuménisme du martyre, mais il y a aussi l’œcuménisme de la charité et de la solidarité, et ce geste de nos frères vaudois vient confirmer la puissance du témoignage de la solidarité et de l’œcuménisme de la compassion et de la fraternité.
Pendant que ces migrants vivaient encore l’attente de débarquer dans un port, vous avez souhaité vous rendre sur le Lifline, un navire de sauvetage amarré dans le port de Malte pour lancer un appel afin que la situation se débloque. Quelle expérience cela a été pour vous ?
Pour moi cela a été une expérience forte parce que j’ai aussi pu rencontrer ces volontaires qui depuis des mois désormais travaillent sur ce bateau dans le port de La Valette. J’ai pu discuter avec eux d’aspects pratiques et avoir également les dernières informations des navires Sea Watch 3 et Sea Eye (où étaient bloqués les 49 migrants, ndlr). J’ai pu leur poser des questions que beaucoup de gens se posent: «Etes-vous vraiment des taxis de la Méditerranée ? », «Que faut-il faire pour renforcer le respect des règles internationales ?» Toutes ces questions, il faut se les poser en famille, pour que l’expérience de solidarité ne devienne pas anarchique, mais soit une chose qui garantisse la dignité humaine, dans le plein respect des règles internationales et dans ce qui est faisable.
Cet épisode est désormais réglé, mais qu’en sera-t-il à l’avenir ?
Il y aura toujours ces flux migratoires. Et il est important que cette expérience porte, comme je disais, à des structures et des mécanismes ou que l’on remette des expérience passées en place pour que la Méditerranée ne soit plus un cimetière mais un lieu d’accueil.
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