Sienne, sainte Catherine et le Palio, un lien séculaire
Maria Milvia Morciano - Cité du Vatican
Cette année à Sienne, le traditionnel Palio de l’Assomption prévu vendredi 16 août, a été reporté en raison de conditions météorologiques défavorables. L’amertume prédominait parmi les habitants et les touristes qui attendent toujours ce rendez-vous avec beaucoup d’enthousiasme.
La ville est à chaque fois traversée par des passions contradictoires, voire conflictuelles, où le sacré et le profane se mêlent dans un sentiment viscéral. Les 17 contrade actuelles -regroupements culturels de quartiers médiévaux de Sienne- sont divisées par la rivalité, mais toutes sont unies sous la protection de la Vierge, qui préside le Palio de juillet de la Madone de Provenzano, et le Palio d'août de l’Assomption. La figure maternelle de Marie est l'image obligatoire qui doit tenir le drappellone, la bannière réalisée chaque année par un artiste et remise à la contrada gagnante. Mais sur ce symbole de victoire peint sur tissu, une autre figure de femme apparaît parfois: sainte Catherine, dont le lien avec Sienne est indissociable et profond.
Une initiative pour mettre en valeur des trésors méconnus
Le ministère de la culture, afin de valoriser les archives de l'État italien, a décidé d'émettre plusieurs timbres-poste à partir de 2025. Parmi ceux-ci, Sienne a choisi l'image de sa sainte patronne, co-patronne avec saint François de l’Italie et co-patronne de l'Europe.
La directrice des Archives d'État de Sienne, Cinzia Cardinali, revient sur la signification de l'image qui figurera sur le timbre et l'empreinte que la sainte siennoise a laissée sur l'histoire et l'art de la ville toscane: «Il s'agit d'un accord avec la Poste pour une émission dont l'objectif est la valorisation. Nous savons très bien qu'aujourd'hui le secteur du courrier traditionnel a peu d'impact sur notre vie quotidienne, mais cette initiative est d'une grande valeur pour la connaissance, la diffusion et la valorisation de notre patrimoine», note la directrice. «Le patrimoine archivistique, bien sûr, bénéficie grandement de ces formes de connaissance, car il est moins visible, il circule moins que celui de ses 'cousins' les musées. Pour nous, c'est une opportunité de grand intérêt».
Le goût de la décoration dans les documents d'archives
«L'image du timbre siennois consiste en la décoration à l'aquarelle de la couverture d'un document conservé dans notre grande collection de couvents, en particulier le couvent de Santa Caterina del Paradiso», poursuit Cinzia Cardinali, «Il est donc doublement intéressant parce qu'il s'agit d'un document d'archive à toutes fins utiles, avec une référence précise à l'usage artistique et circulatoire à Sienne dans les siècles entre le Moyen Âge et la Renaissance, de sorte qu'il existe un goût pour la décoration même en dehors de la collection des tablettes de Biccherna -principale magistrature financière de la ville de Sienne de 1257 à 1786-, comme cette couverture, qui présente une iconographie qui fait précisément référence à des situations et des événements de l’époque».
Sainte Catherine de Sienne, une ancienne dévotion
Cinzia Cardinali explique ensuite que les archives d'État de Sienne contiennent de nombreuses images de Catherine. Certaines sont tirées de sculptures et de peintures contemporaines. La sainte est très vénérée, elle compte parmi les saints canonisés rapidement après leur mort. La grande dévotion de la sainte à Sienne se reflète également dans les décorations, les parchemins et les couvertures. «Nous avons pas moins de huit tablettes de Biccherna, ayant pour sujet la sainte. L'une d'entre elles, en particulier, remonte à 1498 avec la représentation des stigmates de Sainte Catherine, donc un culte lié aux stigmates, bien antérieur à la reconnaissance officielle qui circulait déjà à Sienne et probablement lié à la controverse, si l'on peut dire, de la référence des stigmates à l'environnement franciscain. Sur ce panneau, à côté de Catherine, apparaît le grand Pape Pie II et saint Enea Silvio Piccolomini, qui a Å“uvré dès le début pour sa canonisation, qui a eu lieu officiellement en 1461».
«Maintenant, courons ce palio... »
Catherine est liée au palio de Sienne, qui est d'ailleurs né dans la contrade de l'Oie, vainqueur du palio du mois d'août de l'année dernière. Parmi ses centaines de lettres, écrites dans une calligraphie petite et harmonieuse, l’une y fait directement référence, en faisant une métaphore de l'aspiration au Christ. Il s'agit de la soixante-deuxième lettre du Livre I, adressée à Sano di Maco et à ses autres fils, datée d'environ juin 1375. On peut y lire: «Venez, doux enfants, courez cette course; et qu'un seul l'emporte, c'est-à-dire que votre cÅ“ur ne soit pas divisé...».
Au-delà de Marie, sainte Catherine
Les références à Catherine dans les courses de chevaux de la localité toscane se poursuivent au fil du temps jusqu'à l'époque contemporaine, représentant non seulement la Vierge mais parfois aussi la sainte. «La commission du Palio, souligne Cinzia Cardinali, surtout à l'époque moderne, est différente: il y a certains pali à l'intérieur d'une série d'éléments qui sont définis et fixés par la réglementation, mais qui sont progressivement dédiés à des événements, à des anniversaires et donc à cette grande sainte. On se souvient notamment du palio de l’an 2000 qui lui a été dédié à l'occasion de sa proclamation comme patronne de l'Europe l'année précédente par le Pape Jean-Paul II. Il s'agit évidemment d'une figure très liée à Sienne, mais d'une portée et d'une valeur internationales».
C'est dans la basilique de la Minerve à Rome, que repose la dépouille mortelle de la moniale dominicaine, et c'est l'une des églises du Jubilé 2025. À partir de l'année prochaine, il sera donc possible de se rendre à Rome et de visiter la tombe de la sainte, tendant ainsi un peu plus le fil tissé entre Sienne et Rome.
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