Cameroun: évangéliser par le témoignage de vie et renouer avec la praxis chrétienne
Paule Valérie Mendogo - Edea
Les difficultés rencontrées sur le terrain de l’Évangélisation dans la Province ecclésiastique de Douala sont plus sérieuses qu’on ne l’imagine, a déclaré Mgr Achille Eyabi, président en exercice de la Conférence des évêques de la Province ecclésiastique de Douala, et évêque du diocèse d’Éséka. «Nous avons constaté qu’il y a aujourd’hui un gros problème de foi et de transmission de la foi», a-t-il lancé. Citant Mgr Jean Bosco Ntep, Mgr Eyabi a précisé que le problème «n’est pas tant un déficit intellectuel de connaissance de notre foi, mais un déficit de praxis. Des gens savent, mais ils n’agissent pas selon la foi chrétienne. Serions-nous en train de perdre nos repères?». Suite à ce constat et à cette interrogation, les évêques ont insisté pour que les prêtres, les religieux et religieuses, tous ceux qui sont dans les ministères, se réapproprient l’obligation de l’évangélisation, en partant non pas «de nos propres élucubrations, mais de la Parole de Dieu, la catéchèse, le Magistère et la Tradition». L’évêque d’Éséka a cité en modèle la figure de Baba Simon, qui a été très inspirante pour l’Église du Cameroun. Quand ce vénérable prêtre est allé évangéliser le Grand Nord-Cameroun, il n’a pas directement commencé par prêcher la Parole, mais par vivre de cette Parole. «Et à partir de sa vie, les gens ont commencé à se convertir. C’est surtout de cela qu’il est question aujourd’hui: le témoignage de vie», a-t-il insisté.
Recourir à une «pastorale d’engendrement»
À sa suite, le Vicaire Général de l’archidiocèse de Douala, Mgr Dieudonné Bayemeg, a évoqué la nécessité d’une «pastorale d’engendrement» dans la Province ecclésiastique de Douala. «Mgr Jean Bosco Ntep a révélé qu’en scrutant le terrain, il constate que, soit les gens n’accueillent pas, comme il le faut, la Parole de Dieu, pour qu’elle impacte leurs vies, soit les prêtres et les évêques n’annoncent plus l’Évangile comme autrefois. Voilà pourquoi il a invité à la pastorale d’engendrement». Cette méthode signifie qu’à partir de l’annonce de la Parole, l’Église puisse engendrer des chrétiens pratiquants et engagés. «Car il n’est pas normal que pendant que nous nous évertuons à proclamer la Bonne nouvelle dans nos églises, les fidèles, eux, se retirent», a-t-il déploré. Toutefois, a poursuivi Mgr Bayemeg, ce n’est pas tellement le nombre qui doit inquiéter, mais la qualité.
Des pratiques non conformes à l’Evangile
Le Vicaire Général de Douala a aussi fait part d’un constat malheureux que les évêques ont observé sur le terrain de la pastorale. «Nous avons constaté l’existence de pratiques culturelles non conformes à l’Évangile, et auxquelles certains fidèles tiennent et regardent comme leur source d’énergie». Face à ce problème, la province ecclésiastique de Douala a proposé des solutions parmi lesquelles «la dénonciation de ces pratiques incompatibles avec la Parole de Dieu», a fait savoir Mgr Bayemeg. Les prélats ont déterminé les domaines prioritaires de l’évangélisation pour relever ce défi: la catéchèse, la formation, l’inculturation, les structures sociales, la pastorale auprès des exclus et des marginalisés. Les évêques de la Province ecclésiastique de Douala ont confié aux vicaires Généraux de leurs différents diocèses, une enquête de terrain autour de la question: «Comment évangélisons-nous aujourd’hui et comment devons-nous évangéliser pour en espérer des fruits, dont les chrétiens mûrs et solides, convaincus de la Parole de Dieu et transformés par cette Parole?». «Nous sommes en train de travailler à l’élaboration d’un document y relatif, suivant les orientations que nous recevons de nos Évêques», a indiqué le Vicaire Général de Douala. Le texte sera publié et mis à la disposition de tout le peuple de Dieu qui est dans la Province ecclésiastique de Douala. «Chacun saura alors s’il est vraiment dans la dynamique de l’évangélisation ou alors s’il est dans une autre direction qui ne correspond pas à l’annonce de l’Évangile faite par le Christ lui-même», a déclaré Mgr Bayemeg.
Tribalisme et repli identitaire
L’archevêque métropolitain de Douala, Mgr Samuel Kleda, a identifié le tribalisme et le repli identitaire comme des fruits de l’égoïsme et de l’ignorance de la parole de Dieu. Il a recommandé «l’écoute du Christ qui, par son sang versé pour nous, a créé une nouvelle fraternité. Il s’agit donc de considérer et d’accueillir tout le monde comme un frère, une sÅ“ur, pas seulement en paroles, mais aussi en actes, afin d’avoir la paix, la réconciliation, le respect et le partage équitable du bien commun».
Laisser la première place à Jésus
Pour l’évêque du diocèse de Bafoussam, Mgr Paul Lontsi, la première place doit être laissée à Jésus et non au pouvoir et à l’argent. «Jésus doit être au centre de tout pour nous conduire. Mais hélas, il est souvent éconduit, même aux endroits insoupçonnés. Et ma forte prière est que nous ne délaissions jamais le Maître, pour l’avoir, le pouvoir et le savoir», a-t-il déclaré. Pour l’évêque de Bafoussam, nous ne devons pas confondre les moyens et la fin. L’Église «est là comme chemin de salut», et l’argent peut aussi servir à l’évangélisation. Mais Jésus reste le centre et rien ne doit étouffer la présence de Dieu en nous. D’où l’appel «à nous sanctifier». Le temps de Carême nous est donné à cet effet, pour que nous puissions correspondre davantage à ce que Dieu veut que nous soyons, nous configurer à lui, vivre de lui et pour lui. Voilà l’effort permanent que nous devons mener, parce que la tentation est permanente. «Le démon est là comme un lion qui rugit, allant et venant à la recherche de sa proie. Et ce qui est à Dieu, le démon aussi le désire, mais par la force de la foi, nous le vaincrons, les yeux fixés sur Jésus Christ, notre Maître et notre Sauveur», a exhorté Mgr Lontsi.
La qualité de la formation dans les séminaires a encore été questionnée. Les évêques ont recommandé que soit instauré un climat de respect et d’amitié entre les formateurs et leurs confrères, et qu’en vivant la communion, ils puissent montrer aux futurs prêtres la beauté de la vie fraternelle, afin qu’ils soient des modèles pour le troupeau.
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