Notre-Dame de Fatima, une mère à qui demander la paix pour le monde
Entretien réalisé par Adélaïde Patrignani – Cité du Vatican
Ce sera un moment fort des JMJ qui se déroulent au Portugal. Samedi 5 août, le Pape se rend au sanctuaire de Fatima pour une prière du chapelet avec des jeunes malades. Un lieu qu’il avait déjà visité en 2017 à l’occasion de la canonisation de deux des trois voyants, Francisco et sa sĹ“ur Jacinta Marto.
Cette étape de quelques heures a été ajoutée car le Saint-Père veut prier Marie pour mettre fin à la guerre en Ukraine et à toutes les guerres qui empoisonnent le monde.
Le geste du Saint-Père rappelle celui effectué le 25 mars 2022, en la solennité de l’Annonciation: la consécration de la Russie et de l'Ukraine au CĹ“ur Immaculé de Marie en la basilique Saint-Pierre de Rome.
Le message de Fatima est particulièrement lié à la paix dans le monde et aux Souverains pontifes du siècle dernier. La consécration de la Russie avait été demandée par la Vierge Marie lors des apparitions de 1917 aux trois jeunes bergers, François et Jacinthe Marto, et leur cousine Lucie dos Santos. Pie XII, Paul VI, Jean-Paul II ont chacun à leur manière répondu à cet appel, en plus des nombreuses actions diplomatiques menées au cours de leur pontificat. Benoît XVI et François ont, eux aussi, manifesté leur attachement à Fatima, en se rendant au sanctuaire portugais.
Bernard Balayn, enseignant retraité, auteur de plusieurs ouvrages d’histoire et de spiritualité, s’attache à diffuser avec son épouse le message de Notre-Dame de Fatima. Il revient sur la recherche de la paix voulue par la Vierge Marie lors des apparitions.
Dans ces trois messages, qui en somme n'en font qu'un à travers le temps et la chronologie, on sent qu'il y a sans cesse, en effet, le problème de la paix. Notre Dame a d'abord voulu interrompre la Première guerre mondiale, ce qui est arrivé grâce aux moyens qu'elle a donné et qui a été observé par l'Église et les bergers. Ensuite, elle a voulu prévenir un second conflit, dont la Reine des cieux savait très bien ce qu'il pouvait en être, et qui est advenu malheureusement, car l'on n'a pas fait suffisamment ce qu'elle a demandé. Enfin, troisième chose, elle a voulu endiguer un fléau qui a commencé en 1917, quelques mois après sa première venue, parce que Marie voit tout dans la perspective céleste. Elle est venue nous préserver d'une erreur idéologique fondamentale dont nous subissons encore les effets aujourd'hui, c'est-à-dire le communisme, le marxisme, qui est une idéologie perverse et qui met Dieu à l'écart de l'histoire du monde.
Saint Jean XXIII et saint Paul VI ont beaucoup Ĺ“uvré pour la paix, notamment par la voie diplomatique. Comment, dans leur action, ont-ils aussi fait place à Notre-Dame de Fatima?
Par la prière que la Sainte Vierge demande; elle a demandé surtout le chapelet et les consécrations, depuis 1917 jusqu'à aujourd'hui. Jean XXIII lui n'est pas allé à Fatima en tant que Pape. Tous les Papes y sont allés soit en tant que tel, soit quand ils étaient cardinaux. Tous connaissent Fatima. Mais Jean XXIII n'a pas eu l'occasion, n'a pas eu le temps peut-être, de préconiser la consécration demandée par la Sainte Vierge, même si Pie XII avait déjà fait ce qu'il avait pu à travers deux consécrations du monde et la consécration de la Russie, mais sans la collégialité que la Vierge avait expressément demandé et que fera Jean-Paul II.
Ensuite nous avons Paul VI, qui au temps du Concile, inauguré par Jean XXIII, précisément à la fin de celui-ci, a fait proclamer Marie, mère de l'Église. C’est très important parce que là, la collégialité commençait, tous les évêques du monde étaient présents et donc on allait vers la consécration que la Vierge avait tant demandée. À Fatima le 13 mai 1967, lorsqu'il y est allé en tant que Pape pour la première fois, il a eu ce cri célèbre: «Jamais plus la guerre, jamais plus la guerre!». Il a donc fait ici une consécration du monde, mais il n'était pas encore question de la Russie.
Saint Jean-Paul II a eu un lien très spécial avec Fatima. Quel en était la teneur?
Il faut attendre Jean-Paul II, évidemment, qui a été le grand Pape de Fatima parce que c'est celui que les petits bergers avaient vu dans la lande, pleurant et souffrant à genoux, offrant le monde à la Sainte Vierge. À partir d'un fait totalement imprévu, c'est-à-dire le fameux attentat du 13 mai 1981, le Saint-Père Jean-Paul II s'est rendu dès l'année suivante, en 1982 à Fatima, et à genoux devant la statue tutélaire de Fatima, il a prononcé cette fameuse grande consécration qui reprenait celle, il ne faut pas l'oublier, de Pie XII. Et en 1991, il est revenu et il a de nouveau consacré le monde à la Sainte Vierge Marie, à son CĹ“ur Immaculé.
En 1984, le 25 mars, jour de l'Annonciation, à Rome, cette fois ci, en ayant fait venir la statue de Fatima, il a consacré officiellement le monde, de nouveau, et à un moment donné, il s’est tu et in pectore, comme on dit, il a consacré la Russie au CĹ“ur Immaculé de Marie. En gage de ce qu'il a effectué, il a voulu donner une preuve tangible de l'action de la Sainte Vierge en offrant la balle de l'attentat au sanctuaire de Fatima et la ceinture tachée de sang, il l'a offerte au sanctuaire de Czestochowa.
Benoît XVI s'est rendu au Portugal en 2010. Il a affirmé que le message de Fatima, qui s'adresse au monde entier, atteint l'histoire précisément dans son présent. Quel est votre regard sur cette affirmation et pourquoi ce message garde-t-il un lien avec l'actualité?
Le Saint-Père Benoît XVI, qui n’est resté que peu d'années, de 2005 à 2013, a eu le temps quand même de se rendre à Fatima en 2010, et il a consacré l'Église et les prêtres au CĹ“ur Immaculé de Marie. Donc, lui aussi a eu l'occasion, en diverses circonstances, d'offrir ce monde à Marie dans les difficultés qu'il connaissait et qu'il connaît encore. Pour lui, il est clair, en résumant évidemment à très gros traits, que Jésus est le maître de l'Histoire par la Rédemption, par l'action de l'Eucharistie, par l'action de l'Église. On sent très bien, à travers ses écrits, que l'Histoire est un présent perpétuel, et qu’il est sanctifié par une présence divine. Cet homme, par la maîtrise de sa pensée, la profondeur de sa théologie, a réussi donc à donner un sens nouveau à l'Histoire. Et donc, face à une théologie de la libération, il a créé comme une sorte de théologie de la paix, de la sérénité et de la tranquillité dans l'ordre, comme disait saint Augustin. Il a fait beaucoup pour l'Histoire de l'Église actuelle.
François se rend lui aussi à Fatima, pour la seconde fois, à l'occasion des JMJ. Quel sens prend cette venue dans un contexte de «troisième guerre mondiale par morceaux», souvent décriée par le Pape?
Le Saint-Père François a été amené à renouveler cette consécration, et il en a fait une, tout le monde le sait, le 25 mars [2022], à propos du conflit entre la Russie et l'Ukraine pour implorer cette paix que les hommes ne peuvent donner -c'est ça l'important encore une fois, Dieu seul est le maître. Au cours des JMJ justement, où il se rend ces jours-ci, tout en parlant aux jeunes, en les exhortant à faire comme les petits bergers l'ont fait, parce que c'est grâce à eux qu'on a obtenu la paix, en 1917, et pas seulement Benoît XV qui était le Pape de l'époque, mais par la prière des innocents, la prière des purs, la prière des humbles, la prière des jeunes qui souffrent de voir combien les aînés du monde actuel mettent le monde en danger.
Le Saint-Père va donc de nouveau se rendre à Fatima et gageons qu'il va renouveler cette consécration. Entouré de cette force morale juvénile extrêmement importante que représente la jeunesse, qui est l'espoir du monde, pour qu'enfin ce conflit et tous ceux qui germent, qui ensanglantent la terre aujourd'hui, puissent enfin cesser pour que la paix revienne enfin sur la terre.
Quelle espérance garder après la consécration de la Russie et de l'Ukraine au CĹ“ur Immaculé de Marie en mars 2022, alors que cette guerre se poursuit?
L'espérance d'un monde nouveau, évidemment, est incarné dans les jeunes. Parce que les petits bergers -il faut y revenir, revenir toujours à la source-, les petits bergers se sont sacrifiés, -quand on voit la foi, la sainteté, cet esprit de mortification, cet esprit de pénitence, cet esprit d'obéissance dont ont témoigné ces trois enfants, eux qui ont vu aussi les horreurs de la vision de l'enfer. La papauté sait que dans les jeunes réside une force extraordinaire qui est la force de l'espérance, la force de ceux qui savent imiter tous ceux qui les ont précédés, qui ont été des saints, qui ont été des martyrs.
Les jeunes sont d'une potentialité de grâces extrêmement grandes aux pieds du Seigneur et aux pieds de Marie. Ces jeunes qui ont donné l'exemple sont capables de susciter dans les jeunes d'aujourd'hui tout ce qu'il faut pour régénérer le monde. Il est sûr que, par la force d'espérance et de foi des jeunes s’ils imitent les petits bergers de Fatima, on peut recréer les conditions, je dis bien les conditions, d'un monde nouveau. Et Dieu ne peut pas refuser ce qu'il n'a pas refusé aux petits bergers de Fatima?
Quel secret Notre Dame de Fatima pourrait-elle nous délivrer aujourd'hui?
La grande souffrance de Marie est la crainte de voir les âmes aller en enfer, il faut avoir le courage de le dire, parce que les petits bergers ont vu l'enfer, c'est une réalité. Il ne faut pas vivre uniquement avec cette perspective, bien entendu, mais il faut songer que le Seigneur, que Dieu, le Père, l'Esprit Saint nous ont donné une mère qui s’est déplacée et qui se déplace encore - même si toutes les apparitions ne sont pas reconnues- pour dire aux hommes: «Attention, ne franchissez pas la ligne rouge». Vous avez quelqu'un qui vous aime, le Père bien sûr, l'Esprit-Saint qui vous inspire, Jésus par l’Eucharistie qui vous nourrit, et dans l'Évangile qui vous enseigne.
Mais il y a aussi, de par leur volonté, le CĹ“ur Immaculé qui se fond dans le cĹ“ur de son Divin Fils. Je crois que s'il y a un vĹ“u à formuler, c'est que les hommes cessent enfin de se regarder eux-mêmes, et qu'ils élèvent [le regard vers] le ciel en regardant celle qui les aime et qui est leur Mère, proclamée telle par le Concile Vatican II, c'est Marie, Notre-Dame, la très Sainte Vierge Marie.
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