Évêques de France: «choisir l’aide active à vivre et à bien mourir»
Adélaïde Patrignani – Cité du Vatican
«Ô Mort, où est ta victoire ?»: le verset de saint Paul (1 Co 15,54b-55) ouvre cette sur la fin de vie. Le débat sur le sujet sera bientôt relancé dans le pays, où une convention citoyenne sera lancée le 9 décembre. Les conclusions seront rendues en mars 2023. La question posée 150 Français tirés au sort sera la suivante: «Le cadre d'accompagnement de fin de vie est-il adapté aux différentes situations rencontrées ou d'éventuels changements devraient-ils être introduits ?»
Les évêques eux aussi s’interrogent dans cette longue lettre pastorale publiée depuis Lourdes mardi 8 novembre. «Peut-on aider activement une personne à mourir? Peut-on demander à quelqu’un d’aider activement à mourir? En osant regarder la mort avec Jésus, le Christ, nous pouvons amorcer une réponse», expliquent-ils, ajoutant un peu plus loin: «même si notre société cache la mort et la regarde peu en face, celle-ci est la compagne de nos vies et nous rappelle fraternellement son issue».
Développer les soins palliatifs
L’épiscopat met ensuite l’accent sur les soins palliatifs, estimant que leur développement est «un gain important de notre époque. D’une manière très heureuse, ces soins allient compétence médicale, accompagnement humain grâce à une relation de qualité entre équipe soignante, patient et proches, et respect de la personne dans sa globalité avec son histoire et ses désirs, y compris spirituels». La CEF encourage «la recherche et le développement des soins palliatifs afin que chaque personne en fin de vie puisse en bénéficier, aussi bien à son domicile que dans un EHPAD ou à l’hôpital. Chers frères et sÅ“urs, il est bon que chacun de vous s’informe sur les soins palliatifs pour bien accompagner l’un de vos proches qui en aurait besoin», invite-t-elle.
Mais les évêques reconnaissent aussi des cas de grande souffrance qui «soulèvent des interrogations légitimes», et l’«aide active à mourir» pourrait apparemment en constituer une réponse.
Les dangers de l’euthanasie
Toutefois, mettent-ils en garde, «donner la mort pour supprimer la souffrance n’est ni un soin ni un accompagnement: c’est au contraire supprimer la personne souffrante et interrompre toute relation. […] C’est une grave transgression d’un interdit qui structure notre vie sociale: nos sociétés se sont organisées en restreignant toute atteinte à la vie d’autrui». Cela engendrerait aussi «du remords et de la culpabilité qui rongent insidieusement le cÅ“ur de l’être humain ayant consenti à faire mourir son semblable, jusqu’à ce qu’il rencontre la miséricorde du Dieu Vivant».
Les évêques opposent à ce choix celui de l’accompagnement vécu «avec patience», encourageant à redécouvrir les trésors de la tradition chrétienne – prière, sacrements, veille silencieuse - pour «savoir demeurer» auprès du malade ou de l’agonisant «de manière humaine, vraiment fraternelle».
Discerner les «choix de vie»
Ils évoquent également la sédation, «souvent intermittente» et qui «doit être proportionnée. De façon rare, l’équipe soignante peut estimer juste d’accueillir la demande d’un patient de recevoir une sédation continue jusqu’au décès ou bien de l’envisager avec les proches, lorsque le patient ne peut plus exprimer sa volonté. Il ne s’agit pas alors de donner la mort mais d’apaiser la souffrance. Ces décisions, toujours collégiales, doivent être prises dans un échange délicat avec les proches, notamment pour laisser le temps de vrais adieux, autant que possible», précisent-ils.
«Aidons-nous mutuellement, en écoutant l’avis des soignants, à discerner entre ce qui est soin, hydratation et nourriture dus au malade, même si la mort devient certaine, et ce qui pourrait être acharnement thérapeutique vain et source de souffrance inutile. Oui, aidons-nous à discerner les choix de vie tout en consentant à la mort qui vient», ajoutent les évêques français, après une méditation sur la fin de vie envisagée dans la lumière de la grâce baptismale.
Renforcer la fraternité
L’épiscopat aborde également la question de la responsabilité collective dans le cas de l’euthanasie, souvent présenté comme un choix individuel. Ils invitent à ne pas oublier la «dimension éminemment sociale de la mort, et la solidarité humaine qui en découle». «Nous sommes tous des êtres en relation, heureux de nous confier les uns aux autres. C’est dans la confiance en autrui que chacun peut envisager sa mort», écrivent-ils, tandis que «vivre la mort comme un choix individuel, à faire ou à ne pas faire, est inhumain».
Dans ce débat épineux sur la fin de vie, «foi et charité éclairent notre chemin et guident nos pas face à la mort et à l’accompagnement dû aux mourants. Elles demandent aussi d’éviter les jugements incompatibles avec le respect dû à chaque personne humaine. Elles donnent le courage de recommencer sans cesse à construire une fraternité, avec la grâce de Dieu et l’aide de la communauté».
Les évêques proposent enfin d’envisager la mort dans l’apaisement, avec de la gratitude pour la vie. Ils rendent grâce pour tous ceux qui «contribuent à la victoire de la paix». «Combien de témoins nous révèlent la fécondité de l’attention aux mourants pour que la paix advienne dans leur âme, et aussi dans le cÅ“ur de leurs proches !», soulignent-ils, invitant également à prier l’Esprit Saint «de donner à notre société la joie de choisir la vie, de choisir l’aide active à vivre et à bien mourir». «Nous prions, conscients de ce que le grand débat sur la fin de vie peut faire résonner au plus profond de chacun de nous», conclut l’épiscopat français, en se tournant vers la Vierge Marie qui sait «la beauté de la vie et la grandeur de la fraternité».
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