Une religieuse italienne tuée dans le nord du Mozambique
Adélaïde Patrignani – Cité du Vatican
Un lieu d’évangélisation anéanti. La mission de Chipene, dans la province de Nampula, dans le nord du Mozambique, a été violemment attaquée la nuit dernière. Église, hôpital, école primaire et secondaire: les principales structures de cette mission située dans une zone forestière et dédiée à l’éducation ont été détruites par les assaillants, rapporte l’agence Fides. SÅ“ur Maria De Coppi, 84 ans, a été tuée d’une balle dans la tête tandis qu’elle rejoignait le dortoir où quelques étudiantes étaient restées. Un chef traditionnel a lui aussi perdu la vie.
Comme le soulignent et (site d’information des religieux comboniens), la menace planait sérieusement autour de la mission ces derniers temps. Une attaque dans la province de Nampula avait eu lieu le 2 septembre, tandis que des avertissements concernant un assaut éventuel par des rebelles armés du Nord étaient arrivés dans la nuit de samedi à dimanche dernier, ce qui avait poussé les missionnaires à faire évacuer les enfants présents dans le centre -40 garçons et 40 filles. Le groupe armé s'était approché des lieux 24 heures auparavant, mais n'avait pas franchi la rivière Lurio, frontière naturelle avec la province de Cabo Delgado, théâtre depuis des mois de violences perpétrées par des groupes rebelles.
Une mission fondée par sÅ“ur Maria
La mission Sao Pedro de Lurio de Chipene avait été fondée en 1963 par sÅ“ur Maria elle-même. La religieuse combonienne, née en 1939 et originaire de Santa Lucia di Piave (diocèse de Vittorio Veneto, dans le nord de l’Italie), était arrivée sur la terre mozambicaine après un long périple par bateau. La mission est actuellement gérée par le diocèse de Concordia-Pordenone, notamment grâce à la présence de deux prêtres fidei donum, don Loris Vignandel et don Lorenzo Barro –arrivés respectivement en 2018 et 2016. Les deux prêtres, qui lors de l’attaque se sont enfermés dans une pièce ayant finalement échappé aux flammes et aux tirs, s’en sont sortis sains et saufs, et se trouvent en sécurité. Les autres religieuses, religieux et laïcs de la mission, eux aussi survivants, ont pris la direction de Nacala, la deuxième ville de la province de Nampula.
Les survivants devraient être rejoints par Mgr Alberto Vera Arèjula, évêque de Nacala, diocèse mozambicain auquel est rattachée la mission.
«Les consÅ“urs de sÅ“ur Maria se sont mises en route pour rejoindre Chipene et prendre son corps afin de l'enterrer dans une autre mission», explique de son côté à l’agence Fides Mgr Inacio Saure, archevêque de Nampula, dont le diocèse de Nacala est suffragant. Concernant l'identité des auteurs de l'attaque, Mgr Suare confie son sentiment: «Nous ne sommes pas sûrs qu'il s'agisse de terroristes islamiques, mais il est très probable que ce soient eux qui aient attaqué la mission».
Lorsque sÅ“ur Maria était arrivée au Mozambique, il y a 59 ans, le pays était encore une colonie portugaise. En 1975, après avoir obtenu son indépendance, il est ravagé par une guerre civile. SÅ“ur Maria, qui avait acquis la citoyenneté mozambicaine et se sentait désormais «partie intégrante de cette terre et de ce peuple parmi lesquels j'ai vécu toute ma vie», comme le rapporte avait servi dans diverses missions de la province de Nampula. Mais son pays d’adoption a continué de s’enfoncer dans la violence, notamment depuis 2017, avec les groupes djihadistes opposés au gouvernement qui sèment la terreur dans le nord du pays.
L’Église et les chefs traditionnels visés
L’attaque de la mission de Chipene n’est pas la première menée par ces extrémistes armés contre des églises catholiques au Mozambique. En avril puis en octobre 2020, la mission de Nangololo, la deuxième plus ancienne mission du diocèse de Pemba (district de Muidumbe, province de Cabo Delgado) avait été complètement détruite.
Comme le fait remarquer Nigrizia, les deux victimes de l’assaut appartiennent à deux "sphères" que les terroristes considèrent comme ennemies et de connivence avec les autorités gouvernementales: l'Église catholique et les chefs traditionnels –ces derniers étant intégrés au système institutionnel mozambicain depuis quelques années.
L’attaque révèle aussi qu’après le Cabo Delgado, la province voisine de Nampula est désormais toujours plus en proie à l’instabilité. Malgré les opérations de défense menées par des soldats du Rwanda et d'autres pays, venus soutenir les soldats mozambicains au Cabo Delgado, les attaques de groupes liés à l’État islamique ont augmenté ces derniers mois dans la province de Nampula.
Ces violences «ont forcé la population à fuir, souligne Mgr Suare. Nous ne savons pas combien de personnes ont cherché refuge dans la forêt. C'est un drame terrible et encore difficile à quantifier». Au Cabo Delgado, selon les estimations de l’ parues en août dernier, près de 950 000 personnes ont été déplacées à cause de l’offensive islamiste.
On peut enfin noter qu’au Mozambique, le 7 septembre marque l'anniversaire des accords de Lusaka, signés avec le Portugal en 1974, qui ont donné le coup d'envoi du processus de décolonisation culminant le 25 juin 1975 avec l'indépendance politique du pays. «Une indépendance aujourd'hui menacée par des fractures sociales, politiques, économiques et ethniques, dont le terrorisme dans le nord du pays est probablement l'une des conséquences», analysent les Comboniens.
Un «nouveau coup porté à la communauté chrétienne»
«La croissance et la concentration des organisations criminelles, la radicalisation islamique et le terrorisme djihadiste depuis octobre 2017 représentent les plus grandes menaces pour la population, en particulier dans la province de Cabo Delgado, dans le nord du pays. Les victimes des groupes terroristes locaux, principalement al-Sunna wa Jama'a, connu localement sous le nom d'al-Shabaab, sont maintenant des milliers», a commenté dans un communiqué Alessandro Monteduro, directeur de l'Aide à l'Église en Détresse-Italie (ACS).
«Non seulement les autorités civiles, mais aussi les chefs religieux doivent condamner et isoler la radicalisation avec plus de détermination. Aujourd'hui, 7 septembre, c'est le huitième anniversaire du massacre des Missionnaires de Marie sÅ“ur Lucia Pulici, sÅ“ur Olga Raschietti et sÅ“ur Bernadetta Bogian au Burundi. Huit ans plus tard, les missionnaires continuent de payer le tribut du sang pour évangéliser les nations africaines, constate-t-il. Le meurtre barbare de la religieuse italienne sÅ“ur Maria De Coppi représente un nouveau coup porté à la communauté chrétienne du Mozambique et de l'Afrique tout entière», affirme le directeur de l’ACS.
Réaction de l’Église italienne
Au sein de l’épiscopat italien, Mgr Corrado Pizziolo, évêque de Vittorio Veneto, le diocèse d’origine de la religieuse tuée, a fait part de sa compassion et de sa prière, assurant également «qu'une vie offerte totalement comme un don, y compris jusqu'à la mort, comme ce le fut avec sÅ“ur Maria, peut certainement être une semence féconde de vie, d'espérance et d'amour pour toutes les personnes auxquelles elle a offert son service en tant que missionnaire».
«Après sÅ“ur Luisa Dell'Orto, Petite SÅ“ur de l'Évangile de Charles de Foucauld, décédée le 25 juin en Haïti, nous pleurons une autre sÅ“ur qui, avec simplicité, dévouement et en silence, a offert sa vie pour l'amour de l'Évangile», a quant à lui déclaré le cardinal Matteo Zuppi, archevêque de Bologne et président de la Conférence épiscopale italienne (CEI). Il invite à prier pour la religieuse combonienne «qui pendant soixante ans a servi le Mozambique, qui était devenu sa maison. Que son sacrifice soit une semence de paix et de réconciliation dans un pays qui, après des années de stabilité, est à nouveau en proie à la violence, causée par des groupes islamistes qui, depuis quelques années, sèment la terreur et la mort dans de vastes zones du nord du pays».
Le cardinal Zuppi a aussi une pensée pour tous les prêtres et religieux qui restent dans leur pays de mission «pour témoigner de l'amour et de l'espérance. Souvenons-nous d'eux dans nos prières et entourons-les de beaucoup de solidarité car ils marchent avec nous et nous aident à atteindre les périphéries à partir desquelles nous pouvons comprendre qui nous sommes et choisir comment être des disciples de Jésus».
Depuis le 1er janvier 2022, 13 prêtres et 2 religieuses ont été tués (1 en Asie, 8 en Afrique et 6 en Asie), selon un décompte de la rédaction du .
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