Entre tradition et dévotion, l’Église de Marseille célèbre sa Chandeleur méditerranéenne
Delphine Allaire – Marseille, France
Depuis plus d’un millénaire, la cité phocéenne vibre chaque début du mois de février au rythme de la Chandeleur. Une octave empreinte de piété populaire, entre arrivée de l’Évangile par la mer, procession depuis le Vieux-Port, messes quotidiennes, bénédictions des cierges verts et des navettes, ce légendaire biscuit local qui prend la forme d’une barque pour symboliser l’arrivée en Provence des trois saintes Marie, disciples du Christ.
6h00 du matin. Une volée de cloches réveille Marseille, particulièrement le quartier de l’Abbaye Saint-Victor surplombant le Vieux-Port. Devant cet écrin d’art roman aux accents paléochrétiens, des milliers de fidèles se pressent jusqu’à la crypte pour prendre part à la messe célébrée à l'aube par l’archevêque de la cité, Mgr Jean-Marc Aveline. Malgré la tempête de mistral, certains ont passé une nuit blanche à prier en petits groupes, d’autres se sont levés aux aurores pour accueillir l’Évangile à quai du port avec la Marine Marchande. Au sortir de la messe, les Marseillais sont enchantés, revigorés d’avoir perpétué une tradition au rayonnement plus que régional.
Au-delà de la Provence, la Méditerranée
Les origines de l’octave de la Chandeleur à Marseille remontent à saint Jean Cassien au Ve siècle. Ce Roumain, formé en Égypte, ordonné à Constantinople, introduit dans la capitale du sud de la France le dogme de Marie Theotokos, reconnaissant Marie comme Mère de Dieu. Pour honorer cet itinéraire ô combien méditerranéen, l’Église de Marseille célèbre ainsi neuf jours durant des messes en espagnol, corse, arabe, italien, latin ou provençal. Père Bernard Lucchesi, recteur de Saint-Victor, évoque une nouveauté «liée à la volonté du Souverain pontife à qui ce thème est très cher». «La Méditerranée accueille des échanges à la fois très beaux et très douloureux. Cela montre l’ambiguïté du cÅ“ur humain méditerranéen, qui, pour le Pape, est un symbole fort de l’humanité en général.» Selon le théologien marseillais, recteur de l’abbaye depuis 2021, l’enjeu est de rappeler que la Chandeleur n’est pas «que marseillaise et provençale», mais qu’elle concerne aussi tout le bassin méditerranéen.
«Dès ses origines, Marseille est née de ce mélange entre l’autochtone enraciné dans son identité et le voyageur, ces phocéens arrivés en bateau», poursuit père Lucchesi.
Le christianisme d'Orient sur les rives du Vieux Continent
Dans son homélie du 2 février, Mgr Aveline a lui-même développé cette ecclésiologie méditerranéenne du diocèse phocéen.
«Ô Église de Marseille, n’oublie pas ce que tu dois à saint Jean Cassien! C’est lui qui t’a aidé à respirer à pleins poumons l’air de la Méditerranée! C’est lui qui de la Roumanie, de Bethléem, du désert d’Égypte, de Constantinople, de Rome et d’Antioche, a transporté jusque chez toi la grande tradition du christianisme d’Orient, pour que tu aides l’Occident à vivre de l’Évangile», a affirmé l’archevêque de Marseille devant les centaines de fidèles et les officiels locaux réunis sous la voûte romane de Saint-Victor.
Mgr Aveline a rappelé ainsi que c’est Cassien, Marseillais d’adoption, qui inspira par ses écrits saint Benoît, père des moines d’Occident et aujourd’hui patron de l’Europe. Manière dense et prophétique pour l’archevêque de la cité phocéenne d’en conclure aussi la vocation d’un diocèse traversé par l’Orient et l’Occident: «Ô Église de Marseille, n’oublie pas que tu te tiens là, à Saint-Victor, entre Cassien et Benoît, entre cassianites et bénédictins, entre l’héritage méditerranéen et le projet européen».
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