Face à la crise, le discours sans fard de l'archevêque maronite de Beyrouth
Pope
«C'est une situation désastreuse, que l’on n’a pas vécue encore dans sa totalité». Depuis sa demeure de Beyrouth, Mgr Paul Abdel Sater, archevêque maronite de la capitale libanaise, ne mâche pas ses mots : «Les gens ordinaires s'appauvrissent de plus en plus. Les médicaments sont de plus en plus chers et les hôpitaux sont économiquement inaccessibles eux-aussi». La catastrophe humaine dans laquelle se trouve le Liban se révèle chaque jour un peu plus dans sa gravité. Et laisse peu d'espoir d'amélioration à court-terme, considère Mgr Paul Abdel Sater, le gouvernement libanais étant «paralysé à cause de plusieurs facteurs […] et les Libanais «dans le désespoir.»
Être pessimiste ne signifie pas pour autant que tout espoir est perdu, explique-t-il : «en tant qu'Église, en tant que chrétiens, nous avons toujours l'espérance contre toute espérance. Nous croyons toujours en la bonté de l'être humain et des Libanais». De fait, la solidarité s’est organisée pour venir en aide aux Libanais les plus touchés. Le secours des associations internationales, religieuses et non religieuses est essentiel pour la population, a fortiori pour la communauté chrétienne sur place. Elle pourrait également permettre de limiter l’exil des Libanais, qui a quadruplé depuis le début de la crise économique, en 2018. La proportion de Libanais émigrée s'élèvait ainsi à 16,54 sur 1000 en 2020, pour 4,49 sur 1 000 en 2018.
Le Liban est un message
Cet exil est un drame pour le Liban, qui devrait rester un «message» et un exemple de «pluralité religieuse et culturelle» aux yeux du monde, poursuit Mgr Sater. Le maintien du dialogue entre les membres et les représentants des différentes confessions chrétiennes, mais également avec ceux de la communauté musulmane, est aujourd'hui essentiel pour maintenir l'unité dans le pays. Les exemples d’entraide interconfessionnelles et interreligieuses au quotidien ne manquent d'ailleurs pas, entre amis ou voisins : « [Les Libanais] continuent de s'entraider, de s'aimer, de se conforter, de s'appuyer les uns sur les autres. Parce que pour eux, l'important, ce n'est pas la grande image, ce sont plutôt les petits détails du quotidien».
Dans ce contexte, une hypothétique résolution de la crise libanaise ne pourra pas venir de l'extérieur, considère Mgr Sater. «La solution, la vraie solution au peuple du Liban, doit venir du Liban, du peuple libanais […]. Toutes les solutions qui nous ont été présentées par l'extérieur se sont révélées désastreuses pour le Liban et pour l'avenir du Liban».
Une Église proche des fidèles
La priorité du diocèse maronite est aujourd’hui d’être proche de ses fidèles en grande difficulté et de ceux qui n’ont plus d'épargne financière. Les retraités libanais, en particulier, touchent pour unique retraite une somme à la fin de leur activité professionnelle, qu'ils doivent diluer sur le reste de leur vie. Ces derniers ont vu fondre leurs économies comme neige au soleil ces dernières années, et ne disposent dans la plupart des cas d'aucune autre ressource.
L’Église maronite apporte aussi un soutien aux écoles catholiques, pour assurer un enseignement aux enfants des familles qui ne sont plus en mesure de payer leur scolarité. Il en va de même pour la distribution de médicaments, dont les prix ont été décuplés en quelques mois.
Selon des témoignages recueillis à Beyrouth, un citoyen libanais aurait besoin d'entre 4 et 5 millions de livres libanaises chaque mois pour vivre, le salaire moyen s'élevant aujourd'hui à 1,5 millions de livres.
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