Éthiopie: l'appel à l'aide de l'évêque d'Adigrat, face au drame humanitaire au Tigré
Marie Duhamel - Cité du Vatican
«Chaque jour nous parviennent des nouvelles de personnes qui meurent à cause d'affrontements armés, du manque de nourriture, d'insuline et autres médicaments de base», dans une lettre adressée à plusieurs organes de presse catholiques, l’éparque d’Adigrat lance un nouvel appel à l’aide pour les populations du Tigré, cette région située au nord de l’Éthiopie où le gouvernement a déployé les troupes fédérales début novembre afin de renverser les autorités locales dissidentes.
L’armée a déclaré la fin des hostilités le 28 novembre dernier quand est tombée la capitale régionale de Mekele, mais selon Mgr Tesfaselassie Medhin, des combats continuent, partout. Il y a deux jours , le quotidien de l’Église italienne, rapportait le massacre de 750 personnes dans la ville d’Aksoum, où aurait vécu la reine de Saba. Parmi les victimes, des fidèles qui tentaient de protéger l’Arche de l’Alliance, cachés depuis mi-décembre dans l’église Sainte-Marie-de-Sion où elle est conservée. Des témoins ayant fui au sud parlent d’un massacre commis par les milices Amhara. Ces dernières seraient également responsables de la récente destruction partielle d’une des plus vieilles mosquées d’Afrique, celle d’Al-Neiashi datant du VIIe siècle dans la ville de Wuko.
63 000 déplacés internes
Les massacres provoquent de nouveaux départs. «Des millions de personnes, en majorité des femmes et des enfants, ont dû évacuer à la recherche d'un lieu sûr où trouver refuge», explique l’éparque d’Adigrat, «pour fuir les bombardements et les raids aériens, ces pauvres victimes se sont enfuies dans les montagnes et les vallées du Tigré sans nourriture et sans eau». Selon lui, «la population a terminé ses réserves de denrées alimentaires, de médicaments, d'eau etc,», et les gens n’ont plus accès aux services essentiels que son les services sanitaires, les transports, l’électricité, internet, leur téléphone ou aux banques pour aider leur famille, écrit Mgr Tesfaselassie Medhin. L’éparque appelle ainsi à l’aide tous les organismes intéressés: «il est urgent et nécessaire de répondre à cette urgence humanitaire afin de sauver des millions de vies». Il assure que l'Église en Éthiopie, le secrétariat diocésain d'Adigrat et toutes les congrégations Å“uvrant dans le diocèse sont «prêts à travailler avec les partenaires et bienfaiteurs nationaux et internationaux pour répondre au plus vite à cette crise humanitaire» causée par la guerre, mais que vient empirer une invasion de sauterelles.
Outre les déplacés internes qui seraient plus de 63 000, l’évêque de l’éparchie d’Adigrat n’oublie pas ceux qui ont quitté l'ouest du Tigré pour trouver refuge au Soudan, et tous les réfugiés érythréens qui se retrouvent aujourd’hui, comme les autres, privés de nourriture et d’eau.
Un retour à Asmara serait la fin pour eux
Avant l’offensive lancée par Addis Abeba, 96 000 Érythréens ayant fui le régime du président Issaias Afeworki, avaient trouvé refuge au Tigré. Ces familles seraient actuellement les victimes collatérales du conflit opposant le gouvernement fédéral éthiopien au Front de libération du peuple du Tigré. Le Haut-commissaire pour les réfugiés de l’Onu s’est dit «extrêmement inquiet pour la sécurité et le bien-être de ces réfugiés», rappelant que ni l'ONU ni d’autres organismes d’aide n’ont eu accès à deux des quatre camps de réfugiés situés dans le Tigré depuis début novembre et où se trouvent nombre d'Érythréens. Filippo Grandi confirme les dires de Mgr Tesfaselassie Medhin: dans les camps de Shimelba et Hitsats, aucune aide n’est arrivée. Il dénonce également des abus graves des droits de l’homme et des incursions militaires sur place, s’appuyant sur des témoignages et des images satellitaires montrant des incendies et traces de destructions.
Dans un entretien accordé à Pope, le prêtre érythréen Mussie Zerai, le fondateur de l’agence humanitaire Habeshia, s’inquiétait également il y a quelques jours du sort de ses compatriotes, alors que l’armée éthiopienne a confirmé la présence –sans leur invitation- de troupes érythréennes au Tigré lors de l'offensive. Selon Don Mussie Zerai, la plupart des réfugiés érythréens d’Éthiopie avaient fui le service militaire obligatoire à durée indéterminée en Érythrée, un crime puni très sévèrement par Asmara. Parmi eux, se trouvaient également des dissidents politiques, des personnes qui ont abandonné des postes à responsabilité dans les institutions érythréennes et, pour tous ceux-là, un retour dans leur pays d’origine signifierait la fin, souligne le prélat.
De multiples appels à la paix
L’Église n’a cessé de plaider pour la paix en Éthiopie. En novembre, immédiatement après l'éclatement du conflit, la conférence des évêques catholiques d'Éthiopie a appelé les parties à mettre fin aux affrontements. Peu après, les évêques d'Érythrée, ainsi que l'Association des conférences épiscopales membres de l'Afrique de l'Est (Amecea) ont exprimé leur solidarité avec la population. Le Secam (Symposium des conférences épiscopales d'Afrique et de Madagascar) a également lancé un appel fort en faveur d'un cessez-le-feu immédiat, tandis que le Conseil Å“cuménique des églises priait «pour le retour en toute sécurité des personnes déplacées et pour un processus de réconciliation inclusif menant à une paix durable pour tous en Éthiopie».
Le Pape avait également déclaré à l’issue de la prière de l’Angélus du 8 novembre suivre avec «inquiétude les nouvelles qui nous parviennent d'Éthiopie». Tout en exhortant les gens à rejeter la tentation de la confrontation armée, il invitait tout le monde «à la prière et au respect fraternel, au dialogue et à la recomposition pacifique de la discorde». Un appel réitéré le jour de Noël, dans son : «Que l'Enfant divin mette fin à la violence en Éthiopie, où, à cause des affrontements, de nombreuses personnes sont contraintes de fuir».
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