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Le cardinal Joseph Coutts Le cardinal Joseph Coutts 

Cardinal Coutts: 50 ans de sacerdoce, pour la paix et l’unité au Pakistan

Le cardinal Joseph Coutts, archevêque de Karachi, fête ce 9 janvier ses cinquante ans d’ordination sacerdotale. Dans un entretien à l’agence Fides, il revient sur son parcours, «un merveilleux voyage, plein de joie et de défis» au service de l’Église du Pakistan, marquée par les persécutions mais également par une encourageante vitalité.

Créé cardinal par le Pape François en juin 2018, le cardinal Coutts, qui fêtera ses 76 ans le 21 juillet prochain, est avant tout un homme de terrain et de dialogue. Né à Amritsar, dans l’État indien du Pendjab, il est ordonné prêtre le 9 janvier 1971 à Lahore, avant d’aller étudier trois ans à Rome puis de revenir au Pakistan pour y enseigner la philosophie et la sociologie au séminaire de Karachi. En 1988, Jean-Paul II le nomme évêque d’Hyderabad, charge qui lui incombe jusqu’en 1998, où il est nommé évêque de Faisalabad. Le 25 janvier 2012, Benoît XVI le choisit pour être archevêque de Karachi.

Dans une interview à l’agence Fides, intégralement retranscrite ci-dessous, il témoigne de sa mission sacerdotale puis épiscopale, qui s’est souvent déroulée sur fond de graves tensions géopolitiques et religieuses. L’évêque a malgré tout sillonné son pays, à bord d’autobus, «en jeans et en jogging», partant à la rencontre de son peuple avec pour seul horizon celui de la paix, à bâtir dans la patience et la fidélité à l’Évangile.    

Éminence, quels sont vos sentiments aujourd'hui?

Je suis reconnaissant envers Dieu pour cette vocation sacerdotale qui atteint aujourd’hui cinquante années. Ce fut un merveilleux voyage, plein de joie et de défis. Travailler avec les communautés paroissiales, servir et enseigner dans les séminaires, diriger les missions de développement humain et de service social de l'Église, d'abord comme vicaire général, puis comme évêque, archevêque et cardinal est un travail qui comporte de nombreux moments, beaux et aussi fatigants. Mais je vois que Dieu a été bon pour moi et m'a aidé à continuer à Lui rendre témoignage et à Le proclamer, avec patience et douceur, au milieu des joies et des difficultés.

Pouvez-vous retracer votre parcours de prêtre puis d'évêque durant ce demi-siècle?

Le Pakistan est un grand pays qui occupe une superficie de 796 095 kilomètres carrés. Le Seigneur m'a appelé à le servir dans cinq diocèses catholiques du Pakistan, dont le vicariat apostolique de Quetta, qui faisait auparavant partie du diocèse catholique d'Hyderabad. Pendant mes dix années d'épiscopat dans le diocèse catholique d'Hyderabad, qui s'étendait entre les deux provinces du Pakistan, le Sindh et le Baloutchistan, j'ai passé la plupart de mon temps à voyager en jeans et en jogging, car la région était si vaste que je devais parcourir jusqu'à 700 kilomètres pour visiter les communautés catholiques. Je voyageais dans la région désertique du Sindh, à la frontière avec l'Inde, ainsi que dans la région montagneuse du Baloutchistan, qui longe l'Afghanistan. En raison des longues distances et des différences de culture, de langues, de coutumes, de style de vie et de climat, j'ai travaillé à la création d'une nouvelle entité ecclésiastique à Quetta, qui a été approuvée par le Saint-Siège en novembre 2001.

Pouvez-vous nous raconter certains aspects ou épisodes particuliers de votre mission?

J'ai voyagé entre les deux provinces avec les bus des transports publics, car le trajet en train était trop long et qu’il n'y a toujours pas de liaisons aériennes entre Hyderabad et Quetta, tandis que conduire en voiture était très risqué sur de longs trajets. C'était une façon de rester proche du peuple. Une fois, j’ai participé aux chants et aux films qu’Indiens et Pakistanais faisaient dans les bus pour divertir les passagers. J'ai été très heureux de la création de la nouvelle unité ecclésiastique dans la province du Baloutchistan, à Quetta: j'y ai travaillé avec 8 prêtres, j'y ai également ordonné le premier prêtre catholique et j'ai invité les missionnaires salésiens qui sont toujours présents dans la région.

Comment votre service apostolique s'est-il poursuivi?

En 1998, après la mort de l'évêque de Faisalabad dans des circonstances tragiques, j'ai été transféré à Faisalabad, à mille kilomètres d'Hyderabad, pour travailler dans un contexte qui, dans ce diocèse, était très difficile. Lorsque je suis arrivé à la résidence de l'évêque, j'ai été surpris de voir que les horloges murales de la maison et du bureau s'étaient arrêtées. Cela semblait être un signe: il fallait tout recommencer. J'ai commencé ma mission là-bas en installant de nouvelles piles dans ces horloges. À cette période-là l'extrémisme islamique était en hausse au Pakistan, la guerre en Afghanistan était en cours, puis a eu lieu l'attaque du 11 septembre 2001 sur les tours jumelles aux États-Unis, et la croissance d'Al-Qaida comme la violence des Talibans étaient perceptibles. Plusieurs villages chrétiens ont été attaqués, les églises ont été attaquées par des extrémistes musulmans qui se vengeaient de la guerre déclenchée par les États-Unis, en pensant que nous, chrétiens du Pakistan, étions des agents des Américains ou de leurs soutiens: c'est une idée que nous avons toujours contestée, car nous, chrétiens du Pakistan, nous sommes des citoyens pakistanais à part entière.


Comment avez-vous vécu les moments de souffrance et de violence contre les chrétiens?

Je me souviens des graves attaques contre le village chrétien de Gojra et des attentats suicides contre l'église de Tous-les-Saints à Peshawar. J'ai compris la nécessité non seulement de nous protéger nous-mêmes, les minorités religieuses, mais aussi de tendre la main et de collaborer avec les dirigeants musulmans modérés qui souffrent également de ce type de terrorisme et de discrimination dans les différentes communautés islamiques. Le Pakistan est un pays où 95 % de la population est de confession musulmane. Il est donc considéré par les groupes radicaux comme un terrain propice à la croissance des groupes extrémistes et à la propagation de la violence et du terrorisme; mais il y a de nombreux religieux musulmans qui s'opposent à ce programme de violence, de fanatisme et d'extrémisme propagé au nom de l'Islam. Avec eux, nous cherchons à établir une alliance au nom de la dignité humaine et de la paix.

Quel est votre avis sur le statut des minorités religieuses au Pakistan?

J'ai toujours encouragé les minorités religieuses vivant au Pakistan à vivre comme des citoyens pakistanais et à revendiquer leurs droits en tant que citoyens égaux aux autres. Nous ne devons pas nous “ghettoïser”, nous devons nous mélanger aux autres. Je vois avec espérance que de nombreuses personnes dans la société pensent la même chose: nous sommes appelés à travailler ensemble pour créer une société harmonieuse et égalitaire. Je suis toujours en contact avec de nombreux amis musulmans, universitaires et chefs religieux islamiques, dans les diocèses où j'ai effectué mon service pastoral: avec eux, nous travaillons pour le bien de l'humanité et pour promouvoir la paix et l'harmonie.

Comment percevez-vous la mission et la croissance de l'Église au Pakistan au cours des cinquante dernières années?

L'Église au Pakistan s'est développée rapidement: le nombre de prêtres, de religieuses et de fidèles a augmenté. Aujourd'hui, nous voyons très peu de missionnaires étrangers au Pakistan, la plupart du travail étant confié à des missionnaires nés au Pakistan. Quand j'ai été ordonné prêtre, quatre évêques sur six étaient étrangers, alors que maintenant les sept évêques sont tous Pakistanais. De nombreuses congrégations religieuses masculines et féminines, à la différence du passé, sont maintenant dirigées par des prêtres et des religieuses pakistanais. Dans l'Église catholique au Pakistan, au cours des deux dernières décennies, plusieurs commissions ont été créées, qui soutiennent activement le travail apostolique en proclamant la Bonne Nouvelle.

Vous avez choisi comme devise épiscopale Harmonie: pourquoi?

J'ai toujours vécu ma mission de baptisé afin de construire, renforcer et promouvoir l'harmonie interreligieuse au Pakistan, suivant la parole et la charité de l'Evangile. J'ai choisi cette devise parce qu'à cette époque, la violence sectaire était en hausse, la société était polarisée par la division en groupes ethniques et la violence et la discrimination étaient preçues avec inquiétude. Je dois dire que j'ai trouvé plus facile de promouvoir ce message d'harmonie à Karachi, une ville métropolitaine. Aujourd'hui encore, je continue et je continuerai à tendre la main et à rencontrer, au nom du Christ, des personnes d'autres confessions pour établir des relations qui généreront l'unité, la paix et l'harmonie.

Traduction: Adélaïde Patrignani – Cité du Vatican

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09 janvier 2021, 14:00