En Italie, de futurs cardinaux reconnaissants envers l’évêque de Rome
Adélaïde Patrignani – Cité du Vatican
«Des plaisanteries du Pape». Les premiers mots du père Mauro Gambetti, quelques minutes après l’annonce de sa nomination, dénotent pour le moins de la surprise. Mais celui qui est depuis 2013 Custode du Sacré-Couvent d’Assise n’en reste pas là. «J'accueille avec gratitude et joie cette nouvelle, dans un esprit d'obéissance à l'Église et de service à l'humanité en ces temps si difficiles pour nous tous. Je confie mon chemin à saint François et fais miennes ses paroles de fraternité». Le franciscain conventuel de 55 ans, originaire de Bologne, y voit «un don que je partagerai avec tous les enfants de Dieu, dans un parcours d'amour et de compassion envers le prochain, notre frère». Une perspective qui entre en résonnance avec la dernière encyclique du Saint-Père, , que François est justement venu signer au sanctuaire d’Assise le 3 octobre dernier, où il a été accueilli par le père Gambetti.
La famille franciscaine à l’honneur
Un autre franciscain, capucin celui-ci, fait lui aussi partie des prochains cardinaux italiens. Il s’agit du père Raniero Cantalamessa, 86 ans, qui connaît déjà bien les visages et les lieux du Vatican, puisqu’il est depuis 1980 le prédicateur de la Maison pontificale. Nommé par Jean-Paul II à ce poste, il y a été confirmé en 2005 par Benoît XVI et en 2013 par François. Les riches méditations que ce théologien et historien propose au Pape et à la Curie romaine durant chaque période de l’Avent et du Carême sont un reflet de sa profondeur intellectuelle et spirituelle.
Mais il se pourrait bien que le père Cantalamessa puise son inspiration au-delà des murs du Vatican. «Depuis des années, il vit à l'ermitage de Cittaducale [dans la province de Rieti, en Ombrie] alternant son activité de prédicateur de la Maison pontificale avec celle de contemplatif et, avant même cela, de chercheur», confie à un journal local l’évêque de Rieti, Mgr Domenico Pompili. «L'Église de Rieti se réjouit du choix du Saint-Père, qui honore un fils de saint François, dont la présence parmi nous est un don discret, par sa prière et sa proximité», assure Mgr Pompili.
Un archevêque «presque pétrifié»
Voisine de l’Ombrie, la Toscane a également eu la joie d’entendre le nom de l’un de ses pasteurs prononcé par le Pape François au terme de l’angélus de ce 25 octobre: Mgr Augusto Paolo Lojudice, archevêque de Sienne-Colle di Val d'Elsa-Montalcino depuis mai 2019, après avoir été quatre ans évêque auxiliaire de Rome, où il a travaillé en étroite collaboration avec le Pape François. Il partage avec le Saint-Père le même souci pour les personnes migrantes et réfugiées, étant secrétaire de la Commission épiscopale pour les migrants au sein de la Conférence épiscopale italienne (CEI).
«Une nouvelle inattendue, explique le prélat de 56 ans à un journal local. Il y a quelques jours seulement, j'ai eu l'honneur de pouvoir m'entretenir avec le Pape François, mais au cours de l'entretien, la possibilité que je devienne cardinal n'a jamais été évoquée», s’étonne-t-il. Mgr Lojudice se dit «honoré», après avoir été «presque pétrifié» en entendant son nom alors qu’il regardait l’angélus. «J'ai entendu diverses rumeurs sur un prétendu départ de ma part, ce n'est absolument pas vrai. Je resterai à Sienne, s'il y a une chose que nous avons comprise [pendant le pontificat] de Sa Sainteté, c'est la capacité de bouleverser tous les plans, de décider par lui-même. C'est pourquoi nous avons déjà vu des nominations en dehors des sièges dits cardinalices», précise-t-il en évoquant L’Aquila, Bologne ou encore Ancône. Il est vrai que dans la péninsule, des sièges traditionnellement cardinalices, tels que Milan, Turin ou Venise, sont encore non pourvus.
Hommage rendu à tous les prêtres
Rome en revanche comptera bientôt un nouveau cardinal, ne provenant pas du rang de ses évêques auxiliaires. Mgr Enrico Feroci, curé de la paroisse du sanctuaire de la Madonne du Divin Amour, au sud-est de la capitale, a appris la future nomination alors qu'il était dans la sacristie, peu avant de célébrer la messe de 12h30. «Je l'ai interprété comme un geste du Pape, non pas fait à moi personnellement, mais à tous les prêtres de Rome, déclare cet homme de terrain, qui a dirigé l’antenne romaine de la Caritas pendant dix-sept ans. On dit toujours que le prêtre est celui qui donne ses mains à l'évêque pour toucher le Corps du Christ, qui est le Peuple de Dieu. Ainsi, le Pape François a voulu remercier les mains de nombreux prêtres. Je pense que oui, je suis en train d’interpréter parce que je ne pense pas qu'en tant que personne je puisse mériter cette reconnaissance», explique avec émotion ce prêtre de 80 ans, qui avait reçu en 1995 le titre de chapelain de Sa Sainteté. «Je suis curé de Rome, je crois que je vais continuer à être le curé de la paroisse de l'Amour Divin», assure-t-il. C’est lors d’une messe célébrée début mars dans ce sanctuaire populaire aimé des Romains qu’une prière du Pape François avait été diffusée par vidéo. Le Saint-Père y confiait à la Vierge du Divin Amour les habitants de la capitale italienne et toutes les personnes affectées par le coronavirus.
«J'imaginais que cette nomination était liée à la fonction qui m'avait été confiée, mais je n'imaginais pas que le Saint-Père l'annoncerait à l'Angélus. Je n'en savais rien. J'ai aussi appris la nouvelle en écoutant les paroles du Pape en direct», confie quant à lui Mgr Marcello Semeraro à un journal de sa région d’origine, les Pouilles, à laquelle il reste «très lié». Âgé de 73 ans, celui qui est depuis le 15 octobre préfet de la Congrégation pour les Causes des Saints fera donc lui aussi partie, comme Mgr Lojudice et le père Gambetti, des cardinaux électeurs lors du prochain conclave.
Un service et non un honneur
Dans un communiqué publié peu après l’annonce surprise du Pape François depuis la fenêtre du Palais apostolique, le cardinal Gualtiero Bassetti, président de la CEI, exprime sa «gratitude au Saint-Père pour avoir appelé six frères dans le sacerdoce afin de l'aider au service de l'Église universelle. Les Églises qui sont en Italie confient les nouveaux cardinaux au Seigneur», écrit-il. «Je connais chacun d'eux, ajoute le cardinal Bassetti, et je suis sûr qu'ils sauront vivre cette nouvelle responsabilité avec intensité et humilité. Le cardinalat - nous rappelle le Saint-Père - ne signifie pas une promotion, ni un honneur, ni une décoration; c'est simplement un service qui demande d'élargir son regard et d'élargir son cÅ“ur».
Les futurs cardinaux précédemment mentionnés, ainsi que Mgr Silvano Tomasi, ancien nonce apostolique, recevront tous les six la barrette cardinalice le 28 novembre prochain, lors d’un consistoire ordinaire qui sera le premier à se tenir en période de pandémie. Les modalités de son déroulement ne sont pas encore connues.
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