En France, la révision de la loi éٳܱ suscite l’inquiétude de l’épiscopat
En plein été, alors que l’attention médiatique se portait plutôt sur les dangers de la canicule et l’inquiétant rebond de la pandémie de coronavirus, l’Assemblée Nationale a voté la nuit dernière le projet de loi sur la bioéthique, contenant des dispositions qui bouleversent le droit de la filiation.
Au terme d’une semaine de débats, le vote en deuxième lecture s’est fait presque en catimini, devant un hémicycle peu rempli. Le texte a été voté par seulement 60 voix contre 37, et 4 abstentions. Il était soutenu par La République en Marche (LREM) et per des élus de gauche. Sa disposition la plus controversée est l’ouverture de la procréation médicalement assistée aux couples de femmes, alors que cette procédure était jusqu’à présent réservée aux couples hétérosexuels. Le critère médical d’infertilité est donc aboli, et la Sécurité sociale prendra en charge ces démarches, qui échouent dans la majorité des cas et dont le coût global reste peu évalué.
Le Sénat doit toutefois encore se prononcer, et les travaux parlementaires ne seront donc probablement pas totalement conclus avant 2021.
L’épiscopat français avait développé de nombreuses réflexions durant la phase de débat sur ce projet de loi dont le passage au Parlement avait été retardé en raison de la pandémie de coronavirus. Il a réagi ce samedi soir par un texte de Mgr d’Ornellas, dont voici l'intégralité:
Révision des lois bioéthique, est-ce le sens de l'histoire?
Communiqué de Mgr Pierre d’Ornellas, archevêque de Rennes et responsable du groupe de travail bioéthique de la Conférence des évêques de France
«Le projet de loi relatif à la bioéthique a été voté au creux de cette nuit! Il veut instituer un nouveau mode de filiation en effaçant totalement le père dès la conception.
Au cours des débats, il a été plaidé que ce projet de loi concernait l’amour dans la famille. Mais les députés n’ont pas à s’immiscer dans cet intime et à légiférer sur l’amour! Ils ont mission d’établir le droit à partir du respect de la dignité humaine et des valeurs éthiques qui en découlent, dont la protection du plus faible.
Par leur vote, les députés ont cherché un “équilibre”.
• Peut-on parler d’“équilibre” quand ce projet interdit de fait à des enfants d’avoir un père, et suscite en pratique une discrimination injuste entre eux ?
• Peut-on parler d’"équilibre" quand ce projet établit un égalitarisme entre toutes les femmes au regard de la PMA alors qu’elles ne sont pas dans une situation égale vis-à-vis de la procréation ?
• Peut-on parler d’"équilibre" quand ce projet conduit au risque de contourner le principe de gratuité par la nécessité d’acheter des gamètes humains ? Ce principe exprime une haute idée de la dignité humaine selon laquelle tous les éléments et produits du corps humain sont par nature gratuits en raison de la dignité de l’être humain dont ils sont issus.
• Peut-on parler d’un "équilibre" quand, à cause du projet parental dont le rôle a été majoré, le pouvoir des plus forts – celui des adultes – impose des désirs aux plus faibles – les enfants qui pourtant sont des sujets de droits?
Les députés ont voté après avoir réfléchi et débattu sur d’autres sujets complexes concernant pour la plupart des situations douloureuses et parfois complexes en raison d’intérêts contradictoires. Ces réflexions vont se poursuivre avec les sénateurs. Les législateurs ont mission de réguler au plus juste les techniques biomédicales.
Les députés sont-ils allés dans le sens de l’histoire? Leur vote n’est-il pas guidé par une certaine myopie? Notre planète si malmenée nous impose d’urgence un virage écologique. L’usage excessif de techniques sur l’être humain ne nous obligera-t-il pas de prendre un virage, celui de l’écologie humaine ? "Tout est lié" dans le respect du vivant, qu’il appartienne à la nature ou qu’il soit humain. Ne ratons pas le sens de l’histoire!
Nous aussi, citoyens croyant en Dieu ou non, nous pouvons continuer à nourrir nos réflexions à partir des valeurs éthiques de dignité, de solidarité et de fraternité. Il s’agit de réfléchir sur la bioéthique en pensant qu’il est question d’une loi civile chargée du "bien commun" pour tous et non de situations particulières.
Nous connaissons tous l’une ou l’autre de ces situations. Elles sont dues à des accidents de la vie ou à des décisions individuelles. Même si elles sont parfois difficiles, elles ne sont pas exemptes d’amour, nul n’en doute. L’Église catholique continuera à les accompagner avec respect et sollicitude.»
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