Gaza : des chrétiens davantage unis en ces temps de pandémie
Entretien réalisé par Gabriella Ceraso – Cité du Vatican
Ce mardi soir, le ciel de Gaza a été à nouveau traversé par des tirs croisés entre les positions des Israéliens et du Hamas : des représailles qui se poursuivent depuis le début du mois de manière presque continue et «habituelle», commente le père Gabriel Romanelli, le curé de l'Église de la Sainte Famille à Gaza depuis plus d'un an.
Afin d’apaiser la situation, l'émissaire qatari pour la bande de Gaza est arrivé dans le territoire palestinien hier soir pour rencontrer la direction locale du Hamas au pouvoir, avec en poche une aide de 30 millions de dollars destinée à la population de deux millions d’habitants, dont la moitié vit sous le seuil de pauvreté. Ce soutien économique s'inscrit dans le cadre de l'accord de trêve entre Israël et le Hamas conclu en mai 2019 avec la médiation des Nations unies, de l'Égypte et du Qatar. L'accord prévoit également une série de mesures économiques visant à réduire la pauvreté et à stabiliser le territoire palestinien. Mais les tensions depuis ne s'apaisent pas ; les marchandises n’entrent pas souvent à Gaza ; les déplacements de la population sont bloqués et la seule centrale électrique de l’enclave palestinienne a été fermée la semaine dernière : tout cela pourrait avoir des «effets dévastateurs» estime les Nations unies.
La situation s’est encore compliquée pour la population de Gaza avec la pandémie de Covid-19. Aujourd'hui à la pauvreté, au chômage et à l'inactivité liée au confinement, s'ajoute la peur : un premier décès a été enregistré sur place ce mercredi.
C’est dans ce contexte que vivent les membres de la communauté catholique de Gaza, une centaine de fidèles, réunis autour du Père Gabriel Romanelli.
A quelles règles sont soumis les Gazaouis en raison de la pandémie ?
R. – Les autorités ont confirmé les quatre premiers cas de Covid dans la partie sud de la ville de Gaza. Elles ont ensuite décrété un couvre-feu de 48 heures. C'est vraiment la première fois en six mois, qu’avec le couvre-feu, personne ne se déplace ou quitte son domicile. En même temps, les gens y sont habitués car dans une zone de guerre, un couvre-feu ou l'obligation de rester à l'intérieur est presque une chose ordinaire. Cependant, il y a un peu de peur parce qu’on sait ce que la pandémie a provoqué dans le reste de la Terre Sainte, en Israël, les morts… et donc tout le monde attend maintenant que le gouvernement se prononce, au bout des 48 heures, qu’il décide de prendre toutes les précautions possibles tout en permettant aux gens de recommencer à sortir.
Quelle est la situation des camps de réfugiés aujourd’hui à Gaza ?
R- Les camps sont en fait les quartiers les plus pauvres de Gaza, autrefois c’étaient des camps avec des tentes, maintenant il y a des cabanes. Il n’est pas facile sur place de respecter et de vivre avec un couvre-feu, car parfois 10, 12, 14 membres d'une même famille vivent dans la même pièce. C'est pourquoi on ne peut pas savoir comment ça va se terminer.
Les autorités ont divisé le territoire de la Bande de Gaza pour empêcher le passage d'une zone à l'autre et donc pour limiter la possibilité d'une propagation interne du virus.
Ils sont donc doublement enfermés ?
R.- Il s'agit en effet d'une division ultérieure, d'une autre situation de fermeture. Au-delà de l'embargo que nous connaissons depuis des années, et après les dernières tensions entre Israéliens et Palestiniens, la vie quotidienne est également devenue plus difficile. Nous avons quatre à six heures d'électricité, quand tout va bien, et personne ne peut généralement entrer ou sortir (de Gaza), sauf les cas les plus graves pour se rendre dans des hôpitaux en Israël.
Après le rapprochement entre Israël et les Emirats arabes unis, avez-vous remarqué des changements ?
R.- Non, c’est comme si la majorité de la population ne faisait pas attention à ces choses-là, parce que la plupart d'entre eux veulent vivre en paix... aussi parce que si vous considérez l'histoire de ces dernières décennies, ce n’est pas comme s’il y avait des signes d’espoir. Malheureusement, humainement parlant, beaucoup de gens n'ont plus d'espoir. Puis il y a ceux qui ne sont pas d'accord, ceux qui se plaignent, ceux qui parlent de la politique, une sorte de pain quotidien ici. Mais la plupart des gens ne s'en soucient pas, cela ne change pas leur vie. Tous sont trop préoccupés par les questions de santé, l'argent pour payer les études des enfants, le travail et le pain... le plus important, c'est la survie...
Comment la communauté chrétienne a-t-elle vécu cette période ?
R. - Disons que nous avons profité de cette période de confinement pour faire de nombreuses activités dont nous faisons la promotion sur notre page Facebook. Nous savions que le fait de ne pas avoir de cas de contamination pendant tant de mois, était presque un miracle. Et nous en avons profité, en prévoyant que dans le futur tout pourrait de nouveau être totalement fermé. N'oublions pas que nous sommes en été et qu'ici la chaleur se fait sentir. Nous n'avons pas fait de camp scolaire, mais nous avons fait avec tous les permis, des activités de plein air et puis des fêtes, des cours, des excursions à la plage. En fait, si j'y pense, cela m'a semblé une période presque surréaliste. Nous devons pourtant aussi aider spirituellement la communauté chrétienne, et ensuite tous les habitants que nous pouvons atteindre. En ce sens, l'Église aide des milliers et des milliers de personnes, qu'elles soient chrétiennes ou musulmanes.
Vous avez donc vécu un confinement qui vous a obligé à transformer vos activités tout en restant proche des gens ?
R. - Oui... la relation entre la paroisse et la communauté a toujours été très spéciale. La paroisse a toujours été très proche des gens, mais en ce moment la relation a été renforcée. Non seulement en nous rendant dans les maisons pour visiter les familles ou apporter les sacrements, la confession et la communion, mais aussi grâce aux activités, concours pour les jeunes et les enfants, et puis, à partir de la fin mai, le mois de Marie, avec les activités dans la paroisse... Et ce sont toutes des activités auxquelles les Grecs Orthodoxes participent de temps en temps. Notre activité Å“cuménique est donc quotidienne.
Merci d'avoir lu cet article. Si vous souhaitez rester informé, inscrivez-vous à la lettre d’information en cliquant ici