Les évêques philippins alarmés par la dérive autoritaire du pouvoir
Xavier Sartre – Cité du Vatican
Le spectre d'un retour à 1972 et à l'instauration d'une dictature comme celle de Ferdinand Marcos est clairement brandi par les évêques philippins. Dans un message signé par Mgr Pablo Virgilos David, évêque de Kalookan et vice-président de la conférence épiscopale du pays, et lu ce dimanche 19 juillet dans les églises de tout l'archipel, dans les différentes langues de la population, l'Église catholique exprime ses craintes quant à la dérive autoritaire du gouvernement du président Rodrigo Duterte.
Cette prise de parole forte des évêques a été suscitée par une requête du cardinal birman Charles Maung Bo qui, en tant que président de la Fédération des Conférences épiscopales d'Asie, a demandé de prier pour Hong Kong après l'adoption par Pékin de la loi sur la Sécurité nationale qui menacerait selon lui les libertés fondamentales et les droits de l'Homme des habitants du territoire autonome. «Nous sommes dans une situation similaire» affirme ainsi Mgr David, précisant que les problèmes des Philippins venaient de la récente loi antiterroriste, la Anti-Terror Act de 2020.
Oppositions balayées
Les évêques regrettent ainsi que les parlementaires l'aient approuvée alors que l'attention de tous est concentrée sur la pandémie de covid-19 et l'aient fait sans tenir compte de l'opposition des barreaux, des universitaires, des milieux économiques, des syndicats, des organisations de jeunesse, d'ONG, de mouvements politiques, des communautés religieuses et du gouvernement du territoire autonome du Bangsamoro. «Cela n'a fait que rendre plus évidente la confusion des lignes entre les pouvoirs législatif et exécutif de notre gouvernement» estime le vice-président de la conférence épiscopale. Des constitutionnalistes ont soulevé plusieurs éléments en contradiction avec la Loi fondamentale ajoute-t-il, éléments qui menacent sérieusement les libertés fondamentales de tous les Philippins.
Malgré toutes ces oppositions ou ces réserves, le gouvernement est allé de l'avant. Or ce n'est que la dernière initiative controversée du pouvoir en matière de libertés publiques. Le message des évêques rappelle plusieurs faits préoccupants à ses yeux : des activistes sociaux accusés de communisme, des membres du clergé accusés faussement par la police de sédition, des milliers de personnes tuées par la police alors qu'elles n'étaient que suspectées d'être impliquées dans des trafics de drogue, de l'incarcération de la sénatrice Leila de Lima sur la base de simples allégations, du harcèlement de journalistes, de la fermeture du plus grand réseau de télévision du pays, l'ABSCBN après le non-renouvellement de sa franchise. «N'est-il pas évident pour nous que ce type d'intimidation crée une atmosphère préjudiciable à la liberté d'expression dans notre pays ?» s'interroge Mgr David.
Recours devant la Cour suprême
Mais tout n'est pas perdu, se rassure-t-il. «Nous tirons de la consolation des groupes d'avocats et de citoyens ordinaires qui ont déposé des recours devant la Cour suprême mettant en doute la constitutionnalité de la nouvelle loi», écrit-il. «Nous sommes encouragés par le fait de croire que dans les différentes agences gouvernementales il y a toujours beaucoup de personnes de bonne volonté dont les cÅ“urs sont au bon endroit et qui demeurent des esprits objectifs et indépendants».
Et de saluer les fonctionnaires qui ne se laissent pas intimider par les pressions politiques et qui accomplissent leurs devoirs constitutionnels. «On ne peut que souhaiter qu'ils soient plus nombreux». «Ils sont un élément important pour renforcer nos institutions gouvernementales et sont une clé essentielle pour un système démocratique fonctionnel».
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