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Mgr Éric de Moulins-Beaufort, archevêque de Reims et président de la CEF Mgr Éric de Moulins-Beaufort, archevêque de Reims et président de la CEF

Assemblée CEF: Mgr de Moulins-Beaufort défend la "liberté de l'Église"

Fin de l’assemblée plénière de printemps des évêques de France qui s’est déroulée sur 3 jours en vidéoconférence, pandémie de Covid-19 oblige. La crise sanitaire a d’ailleurs occupé une large partie des discussions. Dans son discours de clôture, Mgr Éric de Moulins-Beaufort en tire les premiers enseignements et s’est attaché à défendre la «liberté de l’Église».

En quoi consiste cette «Libertas Ecclesiae» ? Pour le président de la CEF, elle ne consiste pas, pour l’Église, à «échapper aux lois des entités politiques» ni «à demander des privilèges»; elle est plutôt et avant tout «la revendication de la liberté de vivre l’amour de Dieu et l’amour du prochain, de servir tout être humain, quelle que soit sa condition sociale, de choisir la chasteté ou la fidélité conjugale, de préférer la pauvreté à la richesse, de s’efforcer de transmuer l’exercice de l’autorité en service de la vie des autres». Cette liberté se traduit aujourd’hui, dans le contexte de la séparation de l’Église et de l’État, par «le fait que l’État laisse l’Église du Christ, et donc, non seulement l’Église catholique mais les Églises protestantes et orthodoxes, et les autres cultes s’organiser à leur guise, du moment que l’ordre public est respecté». Ce principe demeure, martèle Mgr de Moulins-Beaufort, cela, en dépit du confinement et du dé-confinement et le Conseil d’État l’a rappelé: «l’État est dans son droit lorsqu’il édicte des règles sanitaires; il sort de son rôle lorsqu’il prétend déterminer comment les citoyens vont mettre en œuvre ces règles dans l’organisation de leur foi religieuse et du culte qui y est lié». En défendant et en revendiquant sa liberté, l’Église a donc réclamé «le respect de la dignité de chaque citoyen, personne libre, appelé à l’être pleinement en menant sa vie de manière à porter lumière et paix autour de lui, selon sa religion ou sa non-religion».

Enseignements du confinement

L’archevêque poursuit avec une longue réflexion sur la période de confinement qui n’a pas permis aux fidèles de s’approcher des sacrements ou de participer à des célébrations eucharistiques. L’assemblée salue ainsi la créativité dont ont fait montre les fidèles et les prêtres pour que le plus grand nombre puisse s’associer aux messes célébrées. «Les efforts déployés ont permis de vivre le confinement non pas comme un enfermement en soi mais dans l’ouverture du cœur et de l’esprit vers les autres».

La question de l’impatience manifestée par beaucoup de fidèles de renouer avec les célébrations a aussi été évoquée. Cette soif sacramentelle ainsi que le lien entre corps eucharistique et corps ecclésial doit donner lieu à un «travail théologique»: «que cherchons-nous dans la communion sacramentelle, ou plutôt qu’y recevons-nous? Peut-elle être dissociée du «sacrement du frère»? (…) Le désir ardent de la communion sacramentelle ne trouve toute sa vérité qu’en nourrissant la charité qui édifie le Corps du Christ», souligne Mgr de Moulins-Beaufort.

L’ouverture vers les autres qu’a induit ce confinement a donné lieu à de multiples initiatives de partage et de solidarité, qui n’ont, au demeurant, pas été le seul fait de chrétiens. L’assemblée des évêques, par la bouche de son président, a ainsi tenu à rendre hommage «aux femmes et hommes qui se sont donnés avec dévouement»: personnel soignant, enseignants, et détenteurs de «métiers que l’on dit “petits”». Et de souhaiter que ces personnes reçoivent des marques concrètes de reconnaissance sociale, «que ce soit par une nouvelle organisation des hôpitaux ou par des revalorisations salariales».

Au sortir de ce temps d’épreuve, l’Église est plus que jamais appelée à faire le point sur sa mission, à comprendre ce que Dieu veut pour elle; plus concrètement, la crise oblige aussi l’Église de France à revoir la situation économique de ses diocèses. En ce sens, la solidarité interdiocésaine qui s’exerce déjà sur plusieurs champs est amenée à se renforcer.

La "lumière noire" des abus

Lors de ces 3 jours de discussions, et comme ils l’ont fait au cours de leurs dernières assemblées, les évêques français ont également parlé de la question des abus sexuels, cette «lumière noire» qui permet aux évêques et aux fidèles de se «libérer de certaines illusions, d’être plus lucides sur les perversions toujours possibles du pouvoir et surtout d’un pouvoir reconnu comme “sacré”, d’être plus exigeants avec nous-mêmes pour que nos comportements personnels et nos fonctionnements institutionnels soient vraiment habités et renouvelés par la charité du Christ et non pas la transposition pieuse de faits trop humains».

Cette délicate question sera de nouveau débattue lors de l’assemblée automnale, où les quatre groupes de travail en charge de ces épineux dossiers exposeront leurs comptes-rendus. Les évêques décideront alors de l’opportunité de tenir une assemblée extraordinaire en janvier 2021.

Mgr de Moulins-Beaufort a enfin évoqué l’actualité brûlante de ces jours, autour des «violences policières». «Il y a peu notre société découvrait que les pompiers, les gendarmes, les policiers avaient intégré le fait qu’ils ne pouvaient intervenir dans notre pays sans se faire injurier ou agresser. Cela ne saurait justifier des pratiques inspirées par le racisme. Ce constat contrasté nous oblige à reconnaître que nos comportements à tous risquent toujours d’être marqués par des préjugés et que nous avons toujours à nous convertir». Dans ce contexte de violence et d’incertitude, «les chrétiens portent et ont toujours à porter l’espérance que les humains sont appelés à constituer une communauté et même une communion», a affirmé le président de la CEF.

Et de conclure en partageant la prière adressée au Sacré-Cœur de Jésus, récitée par les membres permanents du Conseil permanent de la CEF en la Basilique parisienne de Montmartre, avant l’ouverture de cette assemblée :

Seigneur Jésus, notre lumière, notre force, notre paix, notre joie, après ces mois d’épreuve sanitaire, en communion avec tous nos frères et sœurs dans la foi, nous nous confions à toi. Nous te confions ceux qui sont morts et ceux qu’ils laissent dans le chagrin. Nous venons aussi te rendre grâce et te confier notre pays.

Sois béni d’avoir été à nos côtés alors que nous traversions l’épreuve de la pandémie, comme tu nous as protégés en bien d’autres circonstances de notre histoire.

Sois béni pour la prière que ton Esprit a maintenue vivante alors que ceux qui croient en toi ne pouvaient se rassembler pour te célébrer.

Sois béni pour les multiples gestes fraternels à l’égard des plus démunis et pour le dévouement des soignants et de tous ceux qui, dans la discrétion, ont permis notre vie quotidienne.

Sois béni pour l’accompagnement des malades et le soutien aux familles éprouvées.

Sois béni pour l’engagement de ceux qui doivent veiller sur toutes les composantes de notre communauté nationale. Nous t’en prions, accorde maintenant à tous la grâce du discernement et de la détermination pour mettre en œuvre les conversions nécessaires et faire face aux difficultés économiques, aux défis et aux opportunités de la période à venir.

À chacun des membres de ton Église, accorde d’être attentif à tous et d’annoncer ton Évangile. Seigneur Jésus, remplis-nous de l’amour qui jaillit de ton Cœur transpercé, libère-nous de toute peur, fais de nous des témoins de l’espérance dont tu nous rends capables, jusqu’au jour où tu nous accueilleras dans la Cité céleste. AMEN.

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10 juin 2020, 19:14