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Bernard Preynat lors de son arrivée au tribunal de Lyon, le 13 janvier 2020. Bernard Preynat lors de son arrivée au tribunal de Lyon, le 13 janvier 2020. 

France: le procès de Bernard Preynat s'est ouvert ce mardi

En France devait s'ouvrir ce lundi un procès très attendu, celui de l’ancien prêtre et aumônier scout du diocèse de Lyon, Bernard Preynat, accusé de dizaines d’agressions sexuelles sur mineurs, agressions qu’il a lui-même reconnues et pour lesquelles il a été renvoyé de l’état clérical, en juillet dernier, par un tribunal ecclésiastique. L'audience, suspendue en raison d'un mouvement social des avocats, avait été renvoyée d'une journée et le procès a donc réellement commencé ce mardi.

Bernard Preynat, 74 ans, comparaît à la barre du tribunal correctionnel de Lyon. Face à lui, 15 parties civiles, dont 10 victimes, parmi les dizaines d’autres recensées par la justice, qui seront donc confrontées, après tant d’années, à la parole de leur agresseur. Un homme à la personnalité trouble, dont on souligne la double face, à la fois prêtre charismatique et redoutable prédateur, imbu d’un sentiment de toute-puissance, ayant su imposer un silence destructeur à ses victimes, toutes de jeunes garçons au moment des faits. Il risque 10 ans de prison et 150 000 euros d’amende.

Le quotidien  a rapporté ce mardi ces propos de l’ancien prêtre dès l'ouverture du procès. Bernard Preynat reconnaît pleinement les agissements qui lui valent cette comparution: «J’ai effectivement reconnu les faits qui me sont reprochés. Je ne me rendais pas compte de la gravité de mes actes, je savais qu’ils étaient interdits et condamnables mais je ne pensais pas du tout aux conséquences de ces actes sur les victimes. (…) Il m’a fallu du temps pour comprendre que c’était mal sur le plan moral et condamnable», a-t-il expliqué.

Il a reconnu sa pathologie, son attirance exclusive pour les enfants, en révélant même avoir consulté à ce sujet avant de devenir prêtre: «Je me suis battu contre moi-même pour que cela ne recommence pas. Je n’ai pas consulté car je l’avais fait en 1967-68. À l’époque, j’étais tout content, je pensais être guéri, mes supérieurs pensaient que je pouvais être prêtre. Mais ça n’a pas marché.». Durant l'audience, il a fait preuve de nombreuses approximations et confusions quant aux récits précis donnés par les victimes appelées à la barre, niant notamment la fréquence de tels actes. Bernard Preynat a également soutenu qu'il était parvenu à ne pas commettre d'actes pédophiles depuis 1991, en respectant une promesse faite verbalement au cardinal Decourtray, son archevêque de l'époque qui l'avait écarté de la paroisse de Sainte-Foy-Lès-Lyon mais sans lui retirer son ministère de prêtre en tant que tel. Les associations de victimes doutent de la vérité de ce propos.

Plusieurs victimes sont intervenues, notamment François Devaux, le cofondateur de l’association "La Parole libérée", qui a évoqué la période difficile qu’il a traversée, après son départ des scouts, une période marquée par une vive opposition à ses parents et par une tentative de suicide dont il n’avait jamais parlé.  «Le moment que je vis là, c’est le plus dur que ce que j’ai vécu depuis le début de la procédure. Ce qu’on fait là, pour moi, c’est une thérapie familiale», a-t-il lâché, la gorge nouée par l’émotion.

 

Responsabilité de la hiérarchie ecclésiastique

La Croix fait par ailleurs savoir que le diocèse de Lyon, lui, est représenté par son évêque auxiliaire, Mgr Emmanuel Gobilliard, qui s’est assis du côté des victimes. L’un des enjeux centraux de ce procès est de savoir comment cet ancien prêtre, dont les penchants pédophiles étaient pourtant connus, a pu continuer à sévir en toute impunité, être maintenu en paroisse, au contact des jeunes. La question de la responsabilité de la hiérarchie ecclésiastique sera donc au cœur de ce procès, après l’avoir été à celui du cardinal Philippe Barbarin. En mars 2019, l’archevêque de Lyon, aujourd’hui en retrait du gouvernement effectif de son diocèse, a été condamné à 6 mois de prison avec sursis pour ne pas l’avoir dénoncé. La décision en appel le concernant devrait d’ailleurs être rendue le 30 janvier.

Renvoi de l'état clérical

En juillet dernier, Bernard Preynat avait été «reconnu coupable d’avoir posé des actes délictuels à caractère sexuel sur des mineurs de moins de 16 ans», par un tribunal ecclésiastique. «Au regard des faits et de leur récurrence, du grand nombre de victimes, du fait que l’abbé Bernard Preynat a abusé de l’autorité que lui conférait sa position au sein du groupe scout qu’il avait fondé et qu’il dirigeait depuis sa création, assumant la double responsabilité de chef et d’aumônier, le tribunal a décidé de lui appliquer la peine maximale prévue par le droit de l’Église dans un tel cas à savoir le renvoi de l’état clérical», pouvait-on lire dans un communiqué publié à l’issue de ce procès pénal. Ce tribunal se penche actuellement sur l’étude des demandes de réparation financière émises par une vingtaine de victimes.

Un diocèse bouleversé

L’affaire Preynat a profondément bouleversé le diocèse de Lyon, qui a initié depuis sa révélation un travail de prévention et de remise en question sur cette douloureuse question. Désireux de se mettre du côté des victimes et de poser des actes concrets, le diocèse a lancé en octobre dernier un internet, “Agir ensemble contre les abus”, présentant une série de 12 entretiens filmés, réalisés avec des intervenants divers: victimes, psychiatres, policier, magistrat, journaliste, théologien, pasteurs.

Ces vidéos ont été visionnées par tous les évêques de France, réunis en assemblée plénière, en novembre dernier ; rencontre au cours de laquelle l’épiscopat français a réitéré sa volonté de «renouer avec les victimes d’abus sexuels».

Dernière mise à jour: mardi 14 janvier à 11h50

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13 janvier 2020, 08:16