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Des Congolaises attendent le Pape à la sortie de l'aéroport de N'Djili Des Congolaises attendent le Pape à la sortie de l'aéroport de N'Djili 

Le long chemin de l’émancipation des femmes congolaises

Le Pape François est actuellement en République démocratique du Congo pour son 40e voyage apostolique. Dans ce pays meurtri, les femmes sont particulièrement exposées. Mais elles ont entamé la route de l’émancipation pour faire respecter leurs droits et gagner leur place dans la dzéé. Entretien avec la doyenne de la faculté des Sciences informatiques de l’Université catholique du Congo, sœur Odette Sangupamba.

Entretien réalisé par Xavier Sartre – Envoyé spécial à Kinshasa, RDC

Odette Sangupamba, sœur de sainte Thérèse de l’Enfant Jésus, est professeure des universités, doyenne de la faculté des Sciences informatiques de l’Université catholique du Congo. Elle revient sur la condition des femmes congolaises et sur l’engagement de l’Église congolaise en leur faveur.

Le Congo est confronté à de nombreux problèmes qu’ils soient économiques, sociaux, politiques, sécuritaires. Dans ce contexte difficile, les femmes sont-elles davantage victimes que les hommes?

Oui, elles sont plus victimes que des hommes. Quand on tue à la guerre, on tue les hommes, on viole les femmes. Donc les femmes restent doublement blessées. Elles sont veuves, elles sont violées, elles sont sans ressources, elles sont laissées à elles-mêmes.

Quels sont les principaux problèmes que rencontrent les femmes congolaises? Est-ce que c'est l'insécurité, la discrimination, les violences conjugales, la précarité économique? Est-ce que c'est tout à la fois?

C'est tout à la fois, mais à des niveaux différents. Par exemple, l'insécurité concerne principalement l'Est du pays. Si on prend la précarité économique, c'est surtout en ville et là où il y a la guerre. En ce qui concerne la discrimination, c'est beaucoup plus dans l'arrière-pays parce que dans les villes, de plus en plus, les femmes commencent à prendre conscience de leur état de personnes humaines. Et de plus en plus, elles se font une place, même si l’on n’est qu’au début de ce processus.

Est-ce que vous diriez que les conditions de vie des femmes se sont améliorées au Congo?

Non, les conditions ne se sont pas améliorées à Kinshasa et dans les grandes villes. On peut sentir une certaine amélioration, mais dans l'arrière-pays, non. On y voit toujours des mariages forcés. Il y a l'insécurité qui traumatise. Les femmes ne savent pas s'épanouir. Elles ne vont pas toutes à l'école.

Concernant, les mariages forcés, concrètement, ce sont des jeunes filles, souvent des mineures, qu'on force à se marier avec des hommes beaucoup plus âgés qu'elles. Des hommes qui ont beaucoup d’argent, une fortune à donner aux parents des jeunes filles qui ne sont pas toujours contentes de conclure un tel mariage.

Est-ce que les femmes congolaises ont conscience de leur rôle primordial dans la société congolaise? Est ce qu'elles se mobilisent également pour défendre leurs droits et améliorer leur condition? Est ce qu'il y a une conscience vraiment de qui elles sont et de ce qu'elles représentent pour la société, pour sa bonne marche?

Oui, de plus en plus, les femmes se mobilisent, pour dire que “voilà, nous avons notre place”. Moi, par exemple, j'aime faire rire les gens en disant: “qui dit que la science est masculine?” Nous sommes tous appelés à étudier. Nous sommes tous appelés à assumer des responsabilités. Ce n'est pas réservé seulement aux hommes.

De plus en plus, les femmes se prononcent et les femmes occupent des postes importants dans la société congolaise. Il y a des femmes qui aident les autres à se prendre en charge et il y a aussi des hommes qui participent à ce mouvement pour que cela soit effectif. Mais en tout cas, il y a beaucoup d'autres femmes qui pensent que c'est les hommes qui doivent travailler pour leur épanouissement, pour leur émancipation. Moi, je pense que c'est aux femmes de travailler pour s’émanciper, pour se prendre en charge. C'est se considérer comme des êtres humains au même titre que les hommes.

Comment faire alors pour établir de meilleurs rapports entre les hommes et les femmes sans créer de nouveaux liens de subordination de l'un à l'autre?

On doit pour cela continuer à travailler pour que l'homme et la femme arrivent à comprendre qu'il y a, qu'il doit y avoir complémentarité entre les deux. Pour assumer des grandes responsabilités, il faut que les femmes s'affirment aussi, puisqu'elles sont capables. Seulement, quelquefois, elles sont timides, elles n'arrivent pas à se prononcer, à se dire qu’elles ont des capacités naturelles qui les mettent dans la condition, par exemple, d’étudier beaucoup pour assumer telle responsabilité.

Et les hommes doivent aussi comprendre que les femmes sont des êtres humains comme eux, que chacun a sa place dans la société et main dans la main, ils peuvent construire le monde.

Et ce travail là, il est mené où?

C'est d'abord et avant tout à l'école. Moi, j'ai animé des journées pour expliquer aux jeunes filles que personne ne disait que c'était les garçons qui devaient être les premiers de la classe. Moi-même, en tant qu'enseignante, je me suis rendu compte qu'il y a beaucoup de filles qui sont intelligentes mais qui ne vont pas très loin dans leurs études. Dans ma faculté, elles sont plus nombreuses que les garçons en première année. Mais, plus on avance dans le cursus, plus le nombre de filles diminue.

Est-ce que c'est seulement les garçons qui doivent faire une thèse? Pourquoi des filles ne deviendraient-elles pas professeur comme moi? Je suis en train de travailler avec les filles pour qu'elles prennent conscience qu'elles peuvent aller très loin.

Vous pensez que l'Église du Congo, que ce soit les évêques, les institutions ecclésiales, les congrès, les congrégations, les associations, s'engage assez en faveur de l'amélioration de la condition féminine?

Vous posez cette question à une sœur thérésienne de Kinshasa. Elle sait comment sa congrégation a commencé. Son fondateur a vu comment les filles congolaises vivaient dans les congrégations dites missionnaires. Il s’est dit qu’il fallait créer une congrégation des filles autochtones parce qu'elles sont des personnes à part entière. Elles ne sont pas inférieures aux autres. Elles ont une culture, elles ont une africanité à exprimer. Donc il faut créer cette congrégation de femmes africaines. Et je suis dans une congrégation qui est née dans un tel contexte. Et notre charisme, c'est là l'amour. Et cet amour s'est concrétisé par la promotion et la libération de la femme. Je suis moi-même l'exemple concret de cela.

Pour qu'on arrive à aider la femme à se prendre en charge, à s'émouvoir, à s'épanouir, il faudrait que nous-mêmes nous puissions être formés. C'est dans ce sens que le cardinal Malula nous a placées ici et là pour avoir des formations très fortes afin d’aider la jeune fille à se prendre en charge. Dans ce sens-là, l'Église de Kinshasa travaille pour cela. Le cardinal Malula a créé le mouvement des mamans catholiques et ce mouvement fait beaucoup pour relever les femmes, pour montrer à la femme qu'elle est utile, qu'elle est importante et qu’elle a la capacité de construire le monde.

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01 février 2023, 10:57