Tchad : une journée de commémoration étouffée par les forces de l’ordre
Stanislas Kambashi, SJ (avec Severin Ndingatoloum) – Cité du Vatican
Le mardi 15 février avait été consacrée Journée de deuil à N’Djamena, la capitale du Tchad, en mémoire des personnes tuées la semaine dernière dans le village Sandana, au Sud-Est du pays. Une « marche pour la dignité et la justice » d’environ un kilomètre était également prévue, avant d’arriver sur le lieu de recueillement. Elle a été malheureusement étouffée par les forces de l’ordre, qui ont fait usage des gaz lacrymogènes. Mgr Edmond Djitangar, Archevêque métropolitain de N’Djamena et président de la Conférence des évêques du Tchad, qui se rendait au lieu de recueillement n’a pas échappé aux bavures policières.
Une grande foule a marché aux côtés de l’archevêque de N’Djamena
L’abbé Xavier Kouldjim, Secrétaire général de la conférence épiscopale du Tchad, qui était aux côtés de Mgr Djitangar, a expliqué comment les faits se sont déroulés. « Nous sommes partis du siège de la conférence épiscopale avec l’évêque, nous sommes passés par le rond-point Aigle. On voyait des gens venir vers nous et nous sommes allés à leur rencontre. Nous sommes descendus de la voiture et avons marché avec la foule. Nous avons avancé vers le lieu de recueillement et trois camions pleins de policiers sont arrivés et ont commencé à tirer des gaz lacrymogènes sur nous. Après nous avons reçu à dépasser la foule, nous nous sommes mis au premier plan. Quand ils nous ont vus, ils sont repartis ».
Des manifestants dispersés à coup des gaz lacrymogènes
Malgré cette première tentative de dispersion, la foule a continué à avancer vers le lieu de recueillement. Un autre contingent de « sept ou huit » véhicules est venu en renfort pour disperser les manifestants, en tirant de nouveau des gaz lacrymogènes. « Ils nous ont tiré dessus de toute part, avec des gaz lacrymogènes. L’évêque a pris un étui au genou droit et au bas-ventre. J’ai moi-même pris un étui au bas-ventre. Mais nous avons quand même avancé malgré la douleur. Le lieu de recueillement étaient investi par les forces de l’ordre. Nous avons avancé vers le rond-point Aigle, nous sommes restés dans un coin, car les tirs des gaz lacrymogènes étaient très forts. Beaucoup de jeunes se sont dispersés et nous sommes allés nous recueillir pendant cinq minutes », a indiqué l’abbé Kouldjim.
Indignation des manifestants blessés
Certains manifestants qui ont reçu des tirs ont été blessés et conduits à l’hôpital. « Au moment où nous nous retirions, des tirs nous poursuivaient. C’est là que deux jeunes ont été touchés, l’un blessé au pied et à l’avant-bras droit et l’autre blessé à la tête », a fait savoir le secrétaire général de la conférence épiscopale du Tchad. Ces manifestants ont également exprimé leur indignation. « Je suis blessé sur la tête, sur les mains et aux pieds, ils ont tiré sur moi, voilà pourquoi je me retrouve à l’hôpital », a déclaré un manifestant. « J’avais perdu connaissance », a ajouté un autre.
Honorer les défunts est un droit humain
L’abbé Kouldjim a rassuré de la bonne santé de l’archevêque de N’Djamena, malgré le choc et a plaidé pour le droit d’honorer tous les tchadiens qui meurent, même dans des circonstances peu dignes. « Je rassure que Mgr Djitanngar est en parfaite santé, et moi-même aussi. Mais ça s’ajoute aux douleurs pour nos frères et sÅ“urs morts à Abéché et à Sandana. Ceux qui meurent, ce sont les tchadiens. Il est humain de pleurer ceux qui sont morts et se recueillir pour nos frères et sÅ“urs défunts est droit », a déclaré le secrétaire général de la conférence épiscopale du Tchad.
Plus d’une dizaine de personnes ont été tuées la semaine dernière dans des affrontements entre éleveurs et cultivateurs à Sandana, village du sud du Tchad. Pour beaucoup d’observateurs, ces violences, causées par des conflits intercommunautaires liés à la possession et l’utilisation des terres sont fréquentes dans le centre et le sud du pays, où nombre d’habitants sont armés. Elles opposent principalement des éleveurs nomades arabes aux cultivateurs autochtones sédentaires qui accusent les premiers notamment de saccager leurs champs en faisant paître leurs animaux.
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