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Le père Jean-Baptiste Kikwaya est l’unique astronome africain de l’Observatoire du Vatican. Le père Jean-Baptiste Kikwaya est l’unique astronome africain de l’Observatoire du Vatican. 

Le Père Kikwaya, l'astronome congolais qui scrute le ciel

Le père Jean-Baptiste Kikwaya est l’unique astronome africain de l’Observatoire du Vatican. Grâce à ses recherches, il a donné son nom à un astéroïde. Depuis près de 20 ans, il scrute le ciel pour étudier des corps célestes, astéroïdes et comètes qui viennent frôler la terre. Entretien.

Camille Mukoso, SJ – Cité du Vatican

“Père Jean-Baptiste Kikwaya, vous êtes prêtre jésuite congolais, membre de l’Observatoire du Vatican. Voudriez-vous vous présenter davantage ?”

A part le fait de dire que je suis prêtre, jésuite, et membre de l’Observatoire du Vatican, je voudrais simplement préciser quelques dates. Je suis entré dans la Compagnie de Jésus en 1984. Je suis donc jésuite depuis 37 ans. J’ai été ordonné prêtre à Kinshasa, le 05 juillet 1998. Je suis prêtre depuis 23 ans. Mon premier contact avec l’Observatoire du Vatican remonte en 2003. Je suis membre de l’Observatoire du Vatican depuis 18 ans. Le fait de revenir sur les dates, c’est pour montrer ce que j’ai accumulé comme expérience dans tous ces domaines : expérience comme religieux, expérience comme prêtre, expérience comme scientifique (…)

“L’on parle de plus en plus du tourisme spatial, une conquête de l’espace qui prend racine en même temps que l’encyclique du Pape François Laudato Sì. Qu’en est-il exactement ? Quelles conséquences sur notre planète ?”

Richard Branson, dans le programme spatial Galactic Virgin, et Jeff Bezos, dans Blue Origin, ont initié ce que l’on peut appeler «tourisme spatial». Richard Branson est allé jusqu’à 86 km, un voyage qui a duré 8 minutes, tandis que Jeff Bezos, lui,  est allé jusqu’à 107 km en 15 minutes. Et, il y a toute une liste de personnes qui sont prêtes à débourser des centaines des milliers de dollars pour effectuer ce voyage qui ne dure pas plus que 15 minutes. A côté de cet aspect financier qui est quelque peu aventureux, il est intéressant d’évoquer ce que Richard Bronson et Jeff Bezos ont dit de la planète au bout de leur expérience spatiale. Richard Branson a dit : «la Terre est trop magnifique pour la décrire», et Jeff Bezos, quant à lui, s’est exprimé en ces termes : « quand vous regardez la planète, il n'y a pas de frontière. C'est une planète, nous la partageons et elle est fragile». Il a ajouté que le voyage a renforcé son engagement à lutter contre  le changement climatique.

C’est justement ici que se situe le lien avec le Pape. Dans Laudato Sì, le Saint-Père nous appelle à une conversion écologique. Au fait, l’écologie est une science qui étudie les interactions des êtres vivants entre eux et avec leur milieu. L'ensemble des êtres vivants, de leur milieu de vie et des relations qu'ils entretiennent forme un écosystème. La conversion écologique à laquelle nous appelle le Pape n’est rien d’autre qu’une conversion à l’intégration, à l’unité, c’est-à-dire voir tout comme système unifié, système intégral : unité par rapport à moi-même (conversion spirituelle), unité par rapport à l’autre (cet autre est mon semblable, la nature, la planète, l’univers ; bref, toute la création).

“Lorsqu’on parle de l’espace, ces mots reviennent souvent : comète, astéroïde et météorite : quelles sont les différences ?”

Ces mots résument bien ce que nous appelons les petits corps dans le système solaire. Cela signifie qu’à part les planètes (il y en a 8) et les satellites naturels (les corps qui tournent autour des planètes, comme la Lune autour de la planète Terre), il y a des corps, petits en taille, qui peuplent le système solaire. L’on doit, premièrement, distinguer astéroïdes et comètes. Alors que les astéroïdes sont plus localisés entre la planète Mars et la planète Jupiter, et donc  pas loin du Soleil, les comètes, elles, sont dans les confins du système solaire. C’est dire que, par rapport à leurs localisations (plus proches du soleil) et leurs caractéristiques physiques, nous pouvons dire quelque chose sur les astéroïdes. Dynamiquement, les astéroïdes ont une période autour de 3 ans (c’est-à-dire qu’ils tournent autour du Soleil tous les trois ans), tandis que les comètes ont des périodes longues qui peuvent aller jusqu’à des milliers d’années. Cela signifie que quand on voit  aujourd’hui une comète, il faut attendre plusieurs années pour la revoir. Physiquement, les astéroïdes sont en majorité rocailleuses (ce sont des rocs, bien solides), tandis que les comètes sont constituées de la poussière, du  gaz et de l’eau.

“C’est quoi alors une météorite ?”

Une météorite est un morceau d’astéroïde. Mais attention : quoique rare, il est possible aussi qu’une météorite soit un morceau de comète. De façon laconique, ce qu’il y a de spécifique par rapport à la météorite ce que c’est un morceau d’astéroïde qui est tombé sur le sol d’une planète. On parle beaucoup plus de la planète Terre, mais il y a aussi des météorites sur d’autres planètes comme Mars, et aussi sur les satellites naturels comme la Lune.

“Le mois dernier, l'Union Astronomique Internationale a donné le nom de l'astronome sénégalais, Maram Kaïré, à un astéroïde faisant partie de la ceinture d'astéroïdes qui gravite entre les planètes Mars et Jupiter. Grâce à vos travaux, la même institution a également donné votre nom à un astéroïde. Quelle est aujourd’hui l’évolution de l’astronomie en Afrique ? Peut-on lire un avenir radieux pour les africains dans ce domaine ?”

Je dois, d’abord, dire que je suis content que l’Union Astronomique Internationale attribue, de plus en plus, des noms d’astronomes africains aux objets spatiaux. L’astronomie a toujours été présente en Afrique. Au début, c’était au Nord de l’Afrique (Egypte, Tunisie, Algérie, Maroc, Mauritanie), mais, maintenant tout a basculé plutôt vers le Sud, précisément en Afrique du Sud à Cape Town. Et, c’est justement à Cape Town qu’aura lieu, en 2024, la 32ème assemblée générale de l’Union Astronomique Internationale après la 31eme assemblée générale qui aura lieu en Corée du Sud. Un des objectifs est de réveiller, sensibiliser l’Afrique tout entière à l’astronomie. Pendant tout le temps préparatoire, nous pensons organiser des conférences dans les différentes universités africaines, surtout là ou l’astronomie n’est pas enseignée pour montrer l’importance de la recherche en astronomie. Il y a un projet international en radioastronomie qui demande l’installation des antennes paraboliques sur toute la Terre. La première antenne a été installée en Australie, la deuxième en Afrique du Sud, la troisième au Ghana. Nous avons donc deux antennes sur le continent africain. Cela signifie qu’il y a des données disponibles qui ouvrent à la recherche dans le domaine de   l’astronomie radio où on est appelé à répondre à des questions concernant l’origine de l’univers, le trou noir, l’expansion de l’univers, etc.

“Il y a quelques mois, une météorite rare est tombée en Angleterre. Des chercheurs estimaient qu’elle pourrait contenir des informations sur la formation de la vie. Qu’en savons-nous aujourd’hui ?”

Il y a eu, le 28 février 2021, un fireball (météore) qui est entré dans l’atmosphère terrestre. Cela était visible au Nord de l’Europe et en Angleterre. Le météore s’est fragmenté en plusieurs morceaux qui sont tombés sur le sol, devenant ainsi météorites. Je voudrais signaler ici qu’il y a près de 65.000 météorites à travers le monde, et seulement près de 1.200 ont été vus lorsqu’ils tombaient du ciel. Ces météorites sont divisées en deux grands groupes : ordinary chondrites and carbonaceous chondrites. De 65.000 météorites, il n’y a que 51 qui soient carbonaceous chondrites. Lorsque nous étudions de près ces deux catégories de météorites, nous constatons que carbonaceous chondrites contient du Carbone, élément très important dans la chaine de la vie. Or, il se fait  que la météorite qui est tombée dernièrement en Angleterre est justement  carbonaceous chondrite. C’est rare ! C’est ainsi qu’on en a beaucoup parlé en relation avec la formation de la vie.

“Depuis plus de 10 ans, vous scrutez le ciel pour étudier des corps célestes, astéroïdes et comètes qui viennent frôler la terre. Y a-t-il des nouveautés dans vos recherches ?”

Mes recherches portent sur les astéroïdes. Disons une partie de mes recherches, car   je travaille aussi sur les météores, les fireballs, les comètes, etc. En fait, tout ce qui    est petit corps dans le système solaire. Les avancées sont vraiment scientifiques.    Nous avons constaté que dans des objets géocroiseurs étudiés in situ (sur place), la composition de la surface révèle qu’elle est mixte et complexe. C’est-à-dire que là où on s’attendait à ne voir que la composition semblable aux météorites dites ordinary chondrites, il y a aussi la présence des éléments propres aux météorites dites carbonaceous chondrites. Et, l’inverse est   aussi possible. Une sonde envoyée à un astéroïde géocroiseur dont la composition est proche des météorites carbonaceous chondrites révèle que la surface de l’objet comporte aussi des éléments propres aux météorites dites ordinary chondrites. Cette mixité nous donne à croire que les distinctions que nous établissons et qui facilitent notre compréhension de la formation du système solaire ne sont peut-être pas vraies. Cela nous pousse à voir de la formation du système solaire une image où tout était mélangé dès le début. Les éléments de la vie qu’auraient transportés les astéroïdes sur notre planète, la Terre, seraient donc venus et des astéroïdes à dominance ordinary chondrites et  des astéroïdes à dominance carbonaceous chondrites.

“Alors que nous, les hommes, continuons à sonder l'univers, ne pensez-vous pas qu’il y a un risque que nous finissions par découvrir que Dieu n'existe pas ?”

Justement non ! Il y a bien une réalité devant laquelle nous nous situons. C’est celle-ci : nous, astronomes, étudions des réalités que nous n’avons pas inventées, créées, etc. Ce sont des réalités qui sont posées là devant nous. Par qui ? Peut-être d’autres disciplines pourraient s’aventurer à chercher cette réponse. Mais il reste que nous étudions des réalités que nous n’avons pas créées. Quand nous poussons notre connaissance plus loin, nous découvrons que nous ne connaissons qu’un petit point de ce qu’il y a à connaître. Cela suscite en nous un certain émerveillement devant celui qui aurait posé les réalités que nous étudions. Et cet émerveillement pourrait être une porte ouverte à un monde qui dépasse notre monde de connaissance. Dès lors, ne faut-il pas postuler l’existence de Dieu ? 

Entretien avec le père Jean-Baptiste Kikwaya, membre de l’Observatoire du Vatican. Au micro de Camille Mukoso, SJ

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27 août 2021, 12:06