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RD Congo : Pour revêtir un homme nouveau

Les archevêques et évêques membres de l’Assemblée Episcopale Provinciale de Bukavu ont achevé leur session ordinaire tenue du 27 mai au 2 juin 2019. Ils ont passé en revue entre autres la situation socio-pastorale de leurs diocèses respectifs. Ils ont aussi partagé leurs joies, leurs peines et leurs raisons d’espérer dans la providence divine.

Jean-Paul Kamba, SJ- Cité du Vatican

« Réveille-toi, ô toi qui dors, pour revêtir un homme nouveau », est l’intitulé du message que les évêques de la province ecclésiastique de Bukavu ont adressé aux « fidèles chrétiens, peuple congolais et hommes de bonne volonté ». Outre la question de la situation socio-pastorale de leurs différents diocèses, ils ont notamment « ébauché une analyse des causes profondes de stagnation observée dans notre marche vers plus de sécurité, de démocratie, de croissance économique, d'attention pour l'environnement, de solidarité et de dignité humaine ».

Joies et espérances

Les évêques ont commencé par dire leur joie au sujet de « la nomination par le Pape François, de Mgr Willy Ngumbi comme Evêque de Goma » et apprécié « l'esprit de foi et de communion ecclésiale qui a caractérisé l'Eglise de Goma dans l'accueil de son nouveau pasteur ».
Ensuite, ils ont rendu grâce à Dieu pour le climat « globalement pacifique » qui a entouré les élections générales, présidentielles et parlementaires dans le pays, ainsi que pour l'alternance qui s'en est suivie au sommet de l'Etat. Tout en félicitant la maturité grandissante du peuple congolais, l’épiscopat de la province ecclésiastique de Bukavu fait en outre observer que ce qui est en jeu, « c'est véritablement de rebâtir l'homme blessé, de transformer la société de l'intérieur, de refonder l'Etat sur des bases nouvelles, c'est-à-dire les valeurs humaines, chrétiennes et républicaines ».
Par ailleurs, ils n’ont pas caché leur satisfaction au sujet de la prompte mobilisation du Ministère de la santé et ses partenaires tant nationaux qu'internationaux, dans la riposte contre la maladie à virus Ebola. Là-dessus, les évêques se disent « heureux du fait qu'une bonne partie de la population a déjà compris la réalité de cette maladie et le bien-fondé de la riposte lorsque, respectant les mesures prophylactiques, on protège les autres en se protégeant soi-même ».

Des inquiétudes

En dépit des aspects positifs notés, les évêques ont exprimé leurs inquiétudes : « la sensation persiste selon laquelle, il y a eu des arrangements occultes entre formations politiques sur les élections supplantant ainsi la volonté populaire directement exprimée par les urnes ». Dans ces conditions, écrivent-ils, « le processus pose un problème de légitimité et de crédibilité à tous les niveaux ». Sur le plan de la gouvernance, peut-on également lire le communique final, « le retard dans la mise en place du nouveau gouvernement prolonge l'incurie dans la gestion de la chose publique et la décadence largement répandue continue à gangrener la vie publique par rapport à la paix, la sécurité, la vie économique et sociale, l'environnement ».
Au plan sécuritaire, les évêques pointent du doigt la déchéance de l'Etat que manifeste la prolifération des groupes et bandes armés ainsi que des malfrats qui « perpètrent massacres, attaques, kidnappings, pillages avec pour effet le déplacement massif de populations », celles de Beni et de Butembo, en particulier « qui méritent une attention spéciale », alors que des massacres aveugles y sont attribués aux ADF-NALU, d'autres au nébuleux Etat Islamique revendiquant ses exploits sur son site officiel.
Les évêques déplorent le fait que les populations soient prises en étau entre les violences de bandes armées et la tragique épidémie de maladie à virus Ebola qui a fait une véritable hécatombe. A la date du 29 mai 2019, sur 1877 cas confirmés, 1248 décès ont été enregistrés, et seulement 490 guérisons ont été obtenues.

Une population privée de ses ressources. Et pour cause ?

« L'absence d'une politique nationale de l'environnement entraine une déforestation excessive ; l'octroi hâtif d'immenses concessions forestières à des entreprises d'exploitation de bois d'ouvrage, la vente inconsidérée d'immenses étendues de terres arables à des entreprises nationales ou étrangères », regrettent les évêques qui estiment, en effet, que tout cela prive les populations congolaises de leurs ressources tout en exposant leur santé à des effets nuisibles consécutifs à ces exploitations.
Ce genre de drames, pensent les évêques, « se nourrit de la corruption de l'élite et de l'ignorance des masses ». Ils précisent : « notre leadership a largement contribué à nous appauvrir, et essayé de nous avilir. Il nous a dépouillés de bien de choses et a tenté de nous enlever jusqu'au sens de l'honneur. » Ainsi, préconisent-ils comme voie de sortie, l'éducation de la jeunesse.

S’engager sur le chemin du discernement

Au regard du tableau assez préoccupant, les évêques invitent les fidèles chrétiens, le peuple congolais et les hommes de bonne volonté à s’engager sur le chemin du discernement afin de distinguer dans les propos des politiciens, la démagogie et la vérité. Au plan politique, les évêques appellent jeunes et vieux à s’engager sur le chemin de la maturité qui signifie se prendre en charge en adultes, cesser de se conduire en spectateurs désengagés, mais en coresponsables du bien commun, en s’engageant, chacun à sa place, à transformer les potentialités naturelles en biens économiques effectifs bénéfiques à soi-même et au prochain.

Une jeunesse plus consciente

« Les jeunes sont la clé et le levier du développement dans l'Eglise et dans la société ; nous les invitons à s'engager sur le chemin de maturation chrétienne et civique ». C’est l’appel des évêques aux jeunes qui devront davantage prendre conscience que le présent et l'avenir du pays sont entre leurs mains et qu’ils doivent aussitôt s’imprégner activement du sens de la famille, de l'Eglise, de la société et de l'Etat ; de l’honneur, de la dignité, du sens du travail fini et bien fait

De la classe politique congolaise

Enfin, les évêques invitent la classe politique congolaise à prendre en main la gestion de la mission régalienne de l'Etat: celle d'assurer l'unité, l'intégrité du territoire, la sécurité des personnes et de leurs biens, ainsi que la promotion du bien-être général de sa population. Mais également de s'impliquer dans la lutte contre la corruption de l'élite et l'ignorance des masses, notamment par la prise en charge adéquate des salaires décents pour agents de l'Etat parmi lesquels les enseignants, les militaires, les policiers et les autres fonctionnaires.

 

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05 juin 2019, 18:40