CERAO-RECOWA : L’Eglise en Afrique doit accueillir, protéger, promouvoir et intégrer les personnes déplacées
Cédric Mouzou, SJ- Cité du Vatican
Dans son intervention, le Père Ikechi Ikena, a commencé par rappeler le contexte biblique de la migration avec les premiers parents Adam et Eve. « La mobilité humaine semble être une conséquence de la chute des premiers parents qui sont devenus des migrants après avoir été expulsés de leur maison pour désobéissance », a expliqué le jésuite nigérian. Se référant ensuite au dernier message du cardinal John Onaiyekan, Archevêque d'Abuja au Nigeria, il a clairement expliqué que la meilleure façon de freiner la migration était d’améliorer les choses dans les pays d’origine.
Améliorer les conditions de vie des jeunes
« Les migrants, dont la plupart sont des jeunes, ne sont pas un ensemble abstrait d'idées, mais des personnes réelles et des vies réelles, toutes créées par Dieu », a rappelé le jésuite nigérian. Il a déploré les conditions de vie de ces jeunes migrants victimes d’abus. Des jeunes migrants qui sont obligés de partir à cause de la précarité de la vie dans leurs pays respectifs. Sans nier les effets supplémentaires des guerres et de la famine liée aux changements climatiques, le Père Ikena a donné raison au cardinal Onaiyekan. En effet dans une interview le 5 mai 2019, l’archevêque d’Abudja a imputé au gouvernement nigérian la responsabilité du départ massif des jeunes. Prenant en exemple le Nigeria, il a relevé que les raisons qui rendent le pays invivable pour les jeunes étaient « la désobéissance des dirigeants aux commandements de Dieu, leurs péchés personnels et les péchés des institutions qu'ils ont créées pour servir leurs intérêts personnels ».
L’Eglise sera jugée sur le caractère des soins qu'elle apporte aux migrants
L’Eglise dans ce tableau sinistre, a son rôle à jouer. La migration étant une conséquence de la chute des premiers parents, qu’elle soit volontaire ou irrégulière, est devenue un phénomène humain. Le Père Ikena a rappelé que Dieu n'a pas abandonné l'humanité à son destin après la chute. Au contraire, il l’a protégée. Fort de cet argument, il a invité l’Eglise en Afrique de l’ouest, « à manifester le caractère de Dieu, en n'abandonnant pas les migrants dans leurs faiblesses et leurs vulnérabilités ». Pour le jésuite nigérian, la responsabilité de l’Eglise est double. Elle doit, d’une part, accompagner les migrants à chaque étape de leur migration. D’autres part, elle doit interpeller et exhorter sans relâche les dirigeants des pays dont les décisions et les actions rendent leurs pays inhabitables pour leurs jeunes. Le Père Ikena a attiré l’attention des évêques sur le fait que pour jouer exceptionnellement ces rôles, l'Église elle-même doit être irréprochable. Car les migrants font partie du troupeau du Seigneur. Et « l'Église sera jugée sur le caractère et l'étendue des soins qu'elle apporte aux plus vulnérables des troupeaux, comme les migrants ». Mais la question qui resurgit est celle-ci : « comment l'Église, en tant que famille de Dieu en Afrique, peut-elle accompagner des millions de jeunes vulnérables en déplacement »? Le Père Ikena invite à trouver la réponse dans les quatre verbes du Pape pour l’accueil des migrants.
L’Eglise en Afrique doit "Accueillir, Protéger, Promouvoir et Intégrer"
Dans un contexte sociopolitique difficile caractérisé par les abus de pouvoir et la mauvaise gouvernance, le jésuite nigérian a invité les évêques ouest-africains à s’armer des quatre verbes du Pape, Accueillir, Protéger, Promouvoir et Intégrer qui sont d’ailleurs des verbes d’action. L’Eglise en Afrique de l’Ouest doit offrir « aux migrants et aux réfugiés des options plus larges pour entrer dans les pays de destination en toute sécurité et légalement ». Etant donné qu’on ne peut pas accueillir une personne qu’on a jamais vue et connue, L’Église en Afrique de l’Ouest doit apprendre à connaître et accompagner les jeunes « qui vivent des transformations rapides et difficiles ». La pastorale des jeunes, a estimé le Père Ikena, peut-être pour l'Église « l'occasion unique d'écouter avec un esprit ouvert les rythmes du cÅ“ur de nos jeunes qui contemplent naïvement la migration ». L’Eglise en Afrique de l’Ouest doit Protéger « les jeunes migrants en veillant, en collaboration avec les organismes compétents, à ce que les migrants jouissent de la liberté de circulation, des possibilités d'emploi ». « Promouvoir signifie essentiellement déployer un effort déterminé pour s'assurer que les migrants/réfugiés et leurs communautés d'accueil bénéficient d'une ambiance propice et d'un soutien nécessaire pour actualiser les potentiels que Dieu leur a donnés, conformément à leur dignité en tant que personnes humaines créées à l'image de Dieu », a expliqué le Père Ikena. Enfin l’Eglise doit Intégrer les migrants/refugiés en créant des opportunités d'enrichissement interculturel apportées par la présence des migrants et des réfugiés. Cette intégration, loin de phagocyter les migrants et les réfugiés, doit « créer une ouverture pour la compréhension mutuelle, la connaissance et la croissance ».
Le rôle prophétique de l’Eglise
Dans son intervention, le Père Ikena a souligné le rôle prophétique de l’Eglise en Afrique de l’Ouest. Selon lui, elle doit remettre en question les dirigeants et les gouvernements, et plaider pour une bonne gouvernance en se fondant sur l’enseignement social de l’Eglise. Une tâche qui ne sera pas facile, reconnaît le jésuite nigérian. « Sans aucun doute, l'insistance sur les principes du bien commun peut faire de l'Église une victime de sa réponse altruiste face à l'arbitraire et à l'abus de pouvoir. En ce sens, l'Église peut être appelée au martyre », a-t-il souligné. Enfin, l'Église ne peut jouer efficacement son rôle de leadership et de service indépendamment de la grâce. Elle doit, a dit le père Ikena, « constamment reconnaître et se rappeler que c'est seulement la puissance salvifique de Dieu qui lui permet de persévérer tout en faisant face aux défis intimidants de nourrir et de soigner le troupeau du Seigneur ressuscité qui sont migrants et réfugiés ». Bref, « l'Église doit donc constamment et sans faute chercher le visage de Dieu. »
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