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Photo du personnel de la Biblioth¨¨que du Vatican en 1936. ? Biblioteca Apostolica Vaticana Photo du personnel de la Biblioth¨¨que du Vatican en 1936. ? Biblioteca Apostolica Vaticana 

Journ¨¦e de la m¨¦moire, ces juifs cach¨¦s dans la biblioth¨¨que vaticane

D¨¨s les ann¨¦es 1930, la biblioth¨¨que vaticane a ¨¦t¨¦ un refuge pour de nombreux juifs de Rome. Le pr¨¦fet ¨¦m¨¦rite de la biblioth¨¨que apostolique vaticane (BAV), Mgr Pasini, retrace l'action de cette institution et des cardinaux Giovanni Mercati et Eug¨¨ne Tisserant en faveur de divers juifs italiens, fran?ais et allemands. Pour lui, ?la v¨¦ritable mission culturelle est la d¨¦fense de la personne et des valeurs humaines?.

Paolo Ondarza - Cité du Vatican

Offrir un refuge à plusieurs juifs pendant l'ère nazie-fasciste était un choix cohérent avec la vocation humaniste de la bibliothèque vaticane. C'est ce que souligne le préfet émérite de la bibliothèque apostolique vaticane (BAV), Mgr Cesare Pasini qui, interviewé par les médias du Saint-Siège, retrace une page peut-être encore méconnue de cette institution créée par le Pape Nicolas V en 1451.

«La bibliothèque vaticane, explique-t-il, est née à l'époque de l'humanisme, et qui dit humanisme dit attention à l'homme, à la dignité, à la valeur de l'homme, à toute sa tradition culturelle. Quand on a tout ce riche bagage en soi, les choix concrets viennent. S'ils ne viennent pas, cela signifie qu'il n'y a pas de culture saine et complète».

Les cardinaux Mercati et Tisserant

«À la bibliothèque vaticane, explique Mgr Pasini, travaillaient alors des personnes qui s'opposaient avant tout à la politique antijuive, mais surtout qui s'efforçaient concrètement d'offrir de l'aide». Il pense en particulier à Giovanni Mercati, préfet puis archiviste et bibliothécaire de la Sainte Église Romaine, «qui a en quelque sorte fixé cette ligne» et à Eugène Tisserant, pro-préfet et après la guerre également archiviste et bibliothécaire de la Sainte Église Romaine, «qui a poursuivi cette action avec sa capacité, sa décision, son assiduité».

Le cardinal Giovanni Mercati sur une photo des années 1930.
Le cardinal Giovanni Mercati sur une photo des années 1930.

Tous deux ont reçu la pourpre cardinalice des mains de Pie XI en 1936. Le premier a toujours pris position contre le racisme et le nazisme, faisant tout son possible pour donner refuge aux savants juifs ou d'origine juive et se mettant à dos le gouvernement fasciste qui lui refusa un siège à l'Académie fasciste d'Italie. «Giovanni Mercati, poursuit le préfet émérite de la BAV, était en contact avec de nombreux chercheurs et a pris l'initiative, en informant même le Saint-Siège, de trouver une place pour certains chercheurs juifs, allemands et italiens, afin qu'ils puissent continuer à vivre et à subvenir à leurs besoins aux États-Unis. Ce fut un travail vraiment méritoire, mais toujours très discret. Giovanni Mercati ne faisait pas étalage de ce qu'il faisait».

Juste parmi les nations

L'histoire du cardinal Tisserant est plus connue, notamment depuis qu'il s'est vu décerner le titre de «Juste parmi les nations» par Yad Vashem, le mémorial de la Shoah à Jérusalem, en 2020. Homme de grande culture, connaisseur des langues orientales anciennes et passionné d'archéologie, le cardinal français a ?uvré pendant la Seconde Guerre mondiale pour aider les juifs à échapper aux persécutions raciales, en les cachant, en les employant à la bibliothèque vaticane ou en leur facilitant l'obtention de visas. Il a ?uvré à la fois en faveur des juifs français réfugiés en Italie après l'invasion de la zone libre par les Allemands, des juifs italiens pendant les persécutions raciales de 1938-1944, et surtout après l'invasion de l'Italie par Hitler en 1943, mais aussi en faveur des juifs allemands contraints de fuir leur pays tombé sous la coupe des nazis.

Une photo du cardinal Eugène Tisserant
Une photo du cardinal Eugène Tisserant

Un défi ouvert au fascisme

Parmi les personnes qui ont bénéficié du soutien du cardinal, on peut citer Guido Mendes, directeur de l'hôpital juif de Rome, qui a été licencié en raison des lois raciales. À ce dernier,  Eugène Tisserant, en tant que secrétaire de la Sacrée Congrégation des Églises orientales et en défiant ouvertement le gouvernement italien, a attribué une médaille d'honneur pour avoir soigné plusieurs étudiants du Proche et du Moyen-Orient atteints de tuberculose. Le cardinal s'emploie à obtenir des certificats d'immigration pour toute la famille de Mendes, il aide également le rabbin Nathan Cassuto, les professeurs Giorgio Levi Della Vida et Aron Friedman et, dans sa maison romaine de la rue Po, il héberge et cache deux familles juives jusqu'à la fin de la guerre.

Parmi les différents noms de juifs sauvés et aidés par le cardinal Tisserant, Mgr Pasini s'attarde sur celui de l'orientaliste Giorgio Levi Della Vida. «Nous avons des informations détaillées parce qu'il a écrit dans un de ses journaux des informations très intéressantes: il avait été amené au Vatican pour avoir un travail après avoir refusé de signer le fameux serment d'allégeance au fascisme, avant même les lois raciales», explique-t-il. Giorgio Levi Della Vida appréciait beaucoup le cardinal Eugène Tisserant, il décrivait aussi avec franchise certains aspects de son caractère plutôt fort, parfois bourru, mais reconnaissait qu'il s'agissait d'une personne d'une «bonté exquise».


Le préfet émérite de la BAV rappelle également la générosité du cardinal français qui, conscient des difficultés économiques rencontrées par la famille de l'intellectuel juif, n'a pas hésité à augmenter son salaire: «Ce n'est pas tout. Le professeur raconte qu'un jour Tisserant l'a invité à prendre un mois de vacances, alors que le type de contrat ne le prévoyait pas. Pendant le mois de son absence, le cardinal Tisserant a hébergé la mère du professeur, qui lui en a été immensément reconnaissante

Nom de code «Minerva»

Un véritable réseau clandestin se constitue autour du cardinal Tisserant, à l'extérieur et à l'intérieur des murs du Vatican, dans le but de sauver des vies. Le nom de code du cardinal est «Minerva», d'après son titre cardinalice de l¡¯église Santa Maria Sopra Minerva dans le centre historique de Rome. Dans ce contexte, il réussit à faire entrer clandestinement au Vatican le jeune juif français Miron Lehner, caché dans le coffre de sa voiture.

Les témoignages des cardinaux Giovanni Mercati et d'Eugène Tisserant, selon le préfet émérite de la bibliothèque vaticane, confirment le sens le plus profond de l'humanisme: «quand quelqu¡¯un est vraiment une personne de culture, travaillant dans le cadre d'une mission culturelle, il est nécessaire qu'elle ait devant les yeux, dans le c?ur, dans l'intelligence, l'importance de la personne humaine, de la dignité humaine et des valeurs humaines».


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27 janvier 2025, 15:35